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L’opéra « Adieu ma Concubine »

par Brigitte Duzan, 2 décembre 2018

 

« Adieu ma Concubine » (Bawang bieji《霸王别姬》) est l’un des deux opéras dont sont tirés les deux chants qui forment la trame symbolique du roman de Lillian Lee (李碧华) et du film éponyme de Chen Kaige (陈凯歌) qui en est adapté. Il s’agit d’une histoire célèbre qui a donné lieu à diverses adaptations en opéra traditionnel, et en particulier en opéra de Pékin : c’est l’un des grands rôles de Mei Lanfang (梅兰芳).

 

L’histoire

 

Nous sommes au 3e siècle avant J.C., à la fin de la dynastie des Qin ; l’empire est divisé.  La pièce raconte l’histoire de Xiang Yu (项羽), qui s’est proclamé roi "hégémon" (霸王) de l’Etat de Chu après la chute de la dynastie et a réussi à conquérir un vaste territoire qui allait de la province actuelle du Shanxi jusqu’à celle du Jiangsu. Il se bat contre Liu Bang (刘邦) pour unifier la Chine, mais c’est Liu Bang qui y parviendra, et fondera la dynastie des Han.

 

Xiang Yu finit par être encerclé par les forces de Liu Bang. Sur

 

Illustration représentant Yuji
(Cent portraits de beautés

《百美新咏图传》, 18e s.)

le point d’être vaincu, il appelle son cheval et tente de le pousser à s’enfuir pour qu’il ne périsse pas, mais le cheval refuse. Il fait alors venir sa concubine favorite, Yuji (虞姬). Consciente que la situation est critique, elle demande au roi de mourir à ses côtés, mais il refuse. Alors, profitant d’un moment d’inattention du roi, elle s’empare de son épée et se tranche la gorge avec.

 

La danse de l’épée de Dame Gongsun (album illustré 画丽珠萃秀)

 

Xiang Yu est finalement vaincu à la bataille de Gaixia (垓下之战) en 202 avant J.C. [1] et se suicide sur les rives de la rivière Wu (乌江). La chute de Chu permit l’établissement de la dynastie des Han, par Liu Bang.

 

L’image de Xiang Yu reste dans l’histoire, et la littérature, celle d’un héros populaire parce que tragique, mais dont les faiblesses, bien plus que le ciel, ont causé la perte. Il a inspiré de nombreuses expressions de type chengyu, dont yǒu yǒng wú móu 有勇无谋 c’est-à-dire brave mais téméraire, courageux mais sans génie stratégique. Au début du Jin Ping Mei (金瓶梅), il apparaît comme emblème de personnage tragique dans le prologue du premier chapitre, mais ici à l’égal de Liu Bang : tous deux aveuglés par l’amour d’une belle femme.

 

L’opéra

 

L’histoire est célèbre et a été maintes fois adaptée à l’opéra. Au départ, il y avait un opéra kunqu qui s’appelait « La Guerre Chu-Han » (《楚汉争》), puis il a été remanié en opéra de Pékin, avec des interprétations de référence : celles du wusheng (武生) Yang Xiaoolu (杨小楼) et du dan Shang Xiaoyun (尚小云) dans les rôles de Xiang Yu et Yuji dans les premières représentations données à Pékin en 1918, puis celles de Yang Xiaolou et Mei Lanfang (梅兰芳) en février 1922. Après quoi l’opéra a été révisé et a changé de titre,

 
 

Yang Xiaolou et Mei Lanfang (à g.) dans les rôles de Xiang Yu et Yuji

 

 

Mais l’histoire reste celle de la division de l’empire à la fin de la dynastie des Qin, et de la rivalité entre Liu Bang et Xiang Yu pour réunifier le territoire et refonder une dynastie impériale. La période couvre donc les années 206-202 avant J.C.

 

 

Représentation de l’opéra par la troupe d’opéra de Pékin de Dalian

(Xiang Yu au centre)

 
 

Mei Lanfang dans la danse du sabre

 

Yuji interprétée par Yang Pencheng

(troupe de jingju de Dalian)

 

Au début d’« Adieu ma concubine » (《霸王别姬》), Xiang Yu se laisse prendre dans un piège tendu par Liu Bang, lui faisant croire que son général se rend. Refusant d’écouter les conseils de tout son entourage, il entraîne l’armée au combat, et se retrouve dans une embuscade, encerclé et contraint de livrer bataille à Gaixia. Autre stratagème de Liu Bang, l’armée adverse entonne les chants de Chu, ce qui finit de détruire le moral des troupes et de Xiang Yu lui-même.

 

Assiégé à Gaixia, et désespéré de voir qu’il va être vaincu et qu’il aura en vain sacrifié tant de soldats, Xiang Yu noie son chagrin dans l’alcool en chantant le « chant de Gaixia » (垓下歌) pour exprimer sa douleur [2].

力拔山兮气盖世,时不利兮骓不逝。

Ma force pouvait soulever les montagnes, ma puissance renverser le monde,

         Mais le ciel était contre moi, et mon destrier ah mon destrier n’est plus.

骓不逝兮可奈何,虞兮虞兮奈若何![3]

         Et s’il n’est plus, que puis-je faire, et Yu ah Yu quel sera ton destin ?

 

A quoi répond la plainte de Yuji :

 

漢兵已略地, / 汉兵已略地,  L’armée de Han envahit notre pays,

四面楚歌聲。/ 四面楚歌声。de tous côtés résonnent les chants de Chu.

大王義氣盡,/ 大王义气尽,L’humeur du roi est au plus bas,

賤妾何聊生。/ 贱妾何聊生。pourquoi donc vivre ?

 

En même temps, elle danse la « danse de l’épée » (jian wu 剑舞) qui est le grand moment de cet opéra, et dont l’interprétation la plus mémorable est celle de Mei Lanfang. Extrêmement codifiée, cette danse fait partie des « quatre danses classiques » de l’opéra traditionnel chinois. La référence , dans la littérature classique, est la danse de Dame Gongsun (公孫大娘), légendaire beauté de l’ère Kaiyuan (713-741) de la dynastie des Tang, dont on disait que les plus célèbres calligraphes de

 

Yang Pengcheng dans la danse du sabre

son temps venaient assister à sa danse pour qu’elle guide leur pinceau.

  

Représentation traditionnelle

du visage peint de Xiang Yu

 

Puis, l’armée de Han se faisant de plus en plus menaçante, Yuji se suicide avec cette même épée, pour ne pas gêner les mouvements de l’armée de Chu. Vaincu, ayant tout perdu, y compris son cheval en tentant de traverser la rivière, il ne reste plus à Xiang Yu qu’à se suicider.

 

Figure tragique, Xiang Yu es traditionnellement représenté à l’opéra par un « visage blanc », mais un visage blanc aux yeux tristes et aux sourcils en broussailles exprimant la douleur du vaincu. On dit qu’il y a trois caractères wan “万 sur son visage (à gauche, à droite, et au milieu de ses yeux). Or ce

caractère signifie dix mille, et par extension infini, désignant quelque chose dont on ne peut voir la fin (“万字不到头”). Le visage de Xiang Yu désignerait donc un personnage qui avait de grandes ambitions, mais qui, finalement, n’est pas arrivé jusqu’au bout de celles-ci (“到不了头儿”).

 

L’opéra par le théâtre d’opéra jingju de Shanghai

 

 

Adaptations au cinéma

 

1993 Adieu ma concubine, Chen Kaige.

http://www.chinesemovies.com.fr/films_Chen_kaige_Adieu_ma_concubine.htm

……

 


 

[1] Bataille célèbre pour les stratagèmes utilisés par Liu Bang pour piéger Xiang Yu, en particulier celui dit « les chants de Chu de tous côtés » (四面楚歌) : Liu Bang ordonna à ses soldats de chanter des chants de l’Etat de Xiang Yu et de ses soldats ; soulevant en eux une grande nostalgie pour leur pays, les chants contribuèrent à leur abattre le moral et à réduire leur ardeur au combat.

Cf 100 Decisive Battles from Ancient Times to the Present, Paul K. Davis, Oxford University Press, 1999. La bataille de Gaixia p. 43-46.

[2] Le chant, un grand classique, figure sous ce titre dans le « Recueil de poésies anciennes » (《古诗记》) de Feng Mengne (冯惟讷,1513-1572), puis dans la collection de yuefu de Guo Maoqian (郭茂倩), sous les Song, au 11e siècle.

[3] Transcription en chinois moderne :
力量可拔山啊气概可盖世,可时运不济宝马也再难奔驰;

宝马不奔驰有什么办法?虞姬呀虞姬我该如何安排你呢?

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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