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Jin Yan, le Rudolph Valentino chinois

par Brigitte Duzan, 16 novembre 2011

 

La carrière de Jin Yan (金焰) s’étend sur trente ans, de 1928 à 1958, mais c’est dans les années 1930, dans la Shanghai de l’âge d’or du cinéma chinois, qu’il atteignit sa plus grande popularité. Surnommé « empereur du cinéma » et « Rudolph Valentino chinois », il est alors devenu une figure mythique, pour sa beauté comme pour  son talent.

 

Sa carrière fut cependant brisée par la guerre, et ses vingt dernières années, marquées par la maladie, ne furent qu’un long chemin de croix.

 

Petit immigré coréen

 

Jin Yan est né en 1910 en Corée : il s’appelait Kim Duk-lin. Le Japon était alors sous ‘protectorat’ japonais, depuis 1905, et l’occupation fut renforcée en 1910 par un traité d’annexion. Le père de Jin Yan, un médecin, organisa un

 

Jin Yan

 

Hou Yao

 

réseau de résistance anti-japonaise qui devait devenir le mouvement d’indépendance nationale de Corée ; son nom de code était « Flamme d’or », Jin Yan (金焰) en chinois, nom que reprit plus tard son fils, en hommage à son père mais aussi parce qu’il correspondait à son tempérament et ses valeurs.

 

En 1912, cependant, les Japonais ordonnèrent l’arrestation du docteur Kim. Pour l’éviter, il s’enfuit en plein hiver avec toute sa famille, traversant le fleuve Yalou gelé pour passer en Chine (1). Il s’installa à Tianjin. Malheureusement, il mourut peu de temps plus tard, en 1918. Les enfants furent pris en charge par différents parents, la plupart dans l’Est de la Chine, mais Duk-lin fut envoyé chez une tante à Shanghai.

 

Elle revint vivre à Tianjin, où l’enfant grandit. A quinze ans, cependant, en 1927, ayant terminé le collège, il prit un bateau et revint à Shanghai où il réussit à se faire engager

comme apprenti technicien dans l’un des petits studios cinématographiques de l’époque, la compagnie Minxin (民新电影公司). Son physique lui valut bientôt un petit rôle : un jeune soldat dans un film de 1928 de Hou Yao (候曜) « Mulan entre dans l’armée » (2). 

 

Son rôle ne fut cependant même pas crédité au générique, et il réussit encore moins à décrocher un contrat.

 

Débuts sous l’égide de Tian Han et Sun Yu

 

C’est grâce à la recommandation d’un autre réalisateur, Wan Laitian (万籁天) (1), qu’il entra alors dans la compagnie d’Art dramatique du Sud (南国艺术剧社) où enseignait le grand dramaturge Tian Han (田汉) et commença vraiment à apprendre le métier d’acteur. Il dira : « Tian Han fut mon premier professeur. » Mais il est formé au théâtre, et au théâtre parlé que Tian Yan et les dramaturges autour de lui sont en train de développer en Chine.

 

 

Tian Han

 

Sun Yu

 

C’est lorsque la compagnie déménagea à Canton, en 1929, que Jin Yan, resté à Shanghai, décida de tenter à nouveau sa chance au cinéma. Il entra d’abord dans ce qui était le principal studio, la Mingxing (明星影片公司). Mais c’est lorsqu’il passa à la Lianhua, après la fondation cette dernière en septembre 1930, que Sun Yu (孙瑜) lui donna son premier grand rôle, dans « Wild Flowers by the Road » (《野草闲花》), aux côtés de Ruan Lingyu (阮玲玉). Il y interprète le rôle d’un fils de bonne famille amoureux d’une petite vendeuse de fleurs qui tente de lutter contre l’opposition de sa famille à leur union. Ils devinrent aussitôt des célébrités à la mode.

 

Dans les deux années suivantes, 1931-32, Jin Yan joua dans plus de dix films, dans les rôles les plus divers, de jeunes de toutes conditions sociales. Son physique et son naturel à l’écran en firent une des stars les plus populaires de l’époque. En 1932, un tout nouveau magazine de cinéma, le Quotidien

 du Cinéma (《电声日报》), organisa un concours pour désigner les dix stars préférées du public chinois (“中国十大电影明星”) , c’est Jin Yan qui arriva en première position parmi les acteurs ; il fut promu « empereur du cinéma » (“电影皇帝”). Le même résultat se répéta en 1934.

 

Parallèlement, dans l’un des films tournés en 1931, « Two Stars of the Milky Way » (《银汉双星》), il joua aux côtés d’une actrice qui débutait au cinéma mais était une célébrité de la scène musicale, Wang Renmei (王人美). Leur éblouissante prestation commune dans le film contribua à les rapprocher. Lors de la soirée du jour de l’An 1934 organisé par la Lianhua, ils annoncèrent leur union, pratiquement comme dans le film : la réalité rejoignait la fiction.

 

 

Wild Flowers, affiche de 1930

 

Wild Flowers, avec Jin Yan et Ruan Lingyu

 

1934 marque le sommet de sa popularité. C’est l’année où il interprète le rôle principal dans le film de Sun Yu : « La route » (《大路》), tourné en décors naturels, sur un véritable chantier de construction ferroviaire, avec les acteurs mêlés aux ouvriers. C’est l’un des derniers grands films muets chinois.

 

Mais cette période de rêve ne dura que quelques années.

 

L’épreuve de la guerre

 

Lorsque les Japonais occupèrent Shanghai commença pour Jin Yan une période difficile et tendue. Il arrêta de jouer et fut mis sur la liste noire des autorités d’occupation. Les Japonais tentèrent à plusieurs reprises de le convaincre de venir travailler dans leurs studios, mais il refusa obstinément. Il déménagea avec Wang Renmei dans un quartier isolé en périphérie de la ville et se fit designer immobilier pour vivre.

 

Mais les Japonais accentuèrent leur pression. A l’automne 1938, la fuite s’avéra la seule issue. Un de ses amis réalisateur, Wu Yonggang (吴永刚), monta un plan qui réussit : une actrice était mariée à un employé d’une compagnie d’assurance qui faisait de fréquents voyages d’affaires à Hong Kong ; quand il annonça vouloir amener son épouse pour son prochain déplacement, personne n’y trouva à redire ; mais ce furent en réalité Jin Yan et Wang Renmei qui embarquèrent.

 

Jin Yan avec Ruan Lingyu dans Love and Duty (《恋爱与义务》), de Bu Wancang, 1931

 

 

Différents rôles

 

 

Avec Wang Renmei, Two Stars of the Milky Way

 

En 1940, après de multiples péripéties, ils arrivèrent sans un sou à Chongqing où ils tournèrent dans un film patriotique sur des aviateurs chinois, avec tout ce que Chongqing comptait de stars de Shanghai réfugiées là. Mais, après cinq ans de mariage dans ces conditions, leurs différences de caractères commençaient à affecter leur union. Leur pauvreté et l’instabilité de leur existence n’arrangeaient rien.

 

De Chongqing, ils partirent pour Kunming où Renmei trouva un emploi comme secrétaire dans la base américaine. Jin Yan, lui, se joignit à une troupe de

théâtre patriotique qui parcourait le Sud-Ouest. Renmei refusa de le suivre. Ils divorcèrent en 1944, dix ans après s’être mariés.

 

Retour à Shanghai 

 

Jin Yan retourna à Shanghai dès la fin de la guerre. Il y retrouva ses vieux amis, mais aussi une actrice célèbre qu’il avait connue à Chongqing en 1940 : Qin Yi (秦怡).En même temps, il fut sollicité pour aller tourner un film à Hoollywood, mais il préféra une offre de Hong Kong. L’hiver 1947, il partit donc là-bas, accompagné de Qin Yi. Ils eurent alors une offre de contrat commun du studio Yonghua (永华电影公司). Mais Qin Yi, qui n’avait que vingt-cinq ans, voulait retourner à Shanghai auprès de sa famille. Jin Yan accepta de la suivre. Ils célébrèrent leur mariage la veille de leur départ.

 

Pendant les années suivantes, Qin Yi connut un brillant

 

 

L’empereur du cinéma

 

La route

 

développement de carrière tandis que Jin Yan ne faisait plus que de rares apparitions au cinéma ou sur la scène. Il menait une vie de riche oisif, entre tennis, jardinage et chasse, ce qui ne le satisfaisait évidemment pas, le plongeant dans des périodes de dépression pendant lesquelles il buvait de plus en plus.

 

Avec la fondation de la République populaire, cependant, il connut une nouvelle gloire. Il tourna dans les grands films des débuts du nouveau régime, des films qui célébraient la renaissance du pays, qui était aussi un peu la sienne : « Résurrection de la nation » (《大地重光》), en 1950, « Un grand commencement » (《伟大的起点》), en 1954,  « La mère » (《母亲》), en 1956. Dans ce dernier film, son interprétation d’un martyr de la cause révolutionnaire est certainement son meilleur rôle de cette dernière partie de sa carrière.

 

En 1957, cependant, le tournage du film “Les aigles dans la tempête » (《暴风雨中的雄鹰》) eut des conséquences désastreuses sur sa santé. Il y interprète un chasseur tibétain qui aide les soldats de l’Armée rouge pendant la Longue Marche. Les conditions climatiques furent particulièrement dures : d’abord, le printemps fut tardif cette année-là, et le froid se joignit à l’altitude ; puis, lorsqu’ils terminèrent le film, pendant l’été, la chaleur était suffocante, mais ils devaient tourner dans les mêmes vêtements qu’auparavant car les scènes étaient censées se passer en hiver. Jin Yan, qui buvait beaucoup, commença à souffrir de problèmes gastriques.

 

Tristes dernières années

 

En 1958, il eut pourtant une offre qui le ravit. Un studio de cinéma d’Allemagne de l’Est voulait tourner un film de science

 

Qin Yi

 

Renaissance de la nation

 

 fiction racontant un voyage d’exploration international vers Vénus. Comme il fallait des acteurs parlant anglais, le bureau du cinéma de Pékin désigna Jin Yan. Il partit donc plein d’enthousiasme pour Berlin, mais, deux mois plus tard, aucune date précise n’ayant encore été fixée pour le tournage, il décida de revenir en Chine et d’attendre que le projet débute. Mais, deux jours après son retour à Pékin, il fut à nouveau pris d’hémorragies gastriques, et dut être hospitalisé. Il fut remplacé par un autre acteur.

 

A partir de là, sa santé ne cessa de se détériorer. Il fut opéré en 1962, mais une attaque après l’opération le laissa invalide pour le restant de ses jours. Qin Yi dut s’occuper de lui et du foyer.

 

 

 

La situation s’aggrava encore pendant la Révolution culturelle. Qin Yi fut attaquée et condamnée à deux ans de prison. Mais comme, pendant ce temps, Jin Yan avait été atteint d’emphysème pulmonaire, on la libéra et elle passa tout son temps à s’occuper de lui.

 

Jin Yan mourut le 27 décembre 1983, à l’âge de 73 ans.

 

La mère

   
 

Le grand commencement

 

 

Notes

(1) Le Yalou est encore aujourd’hui, avec le fleuve Tumen, le passage privilégié des Nord-Coréens tentant de fuir leur pays. Voir le film de Zhang Lü  (张律) « Tumen River » (《图们江》).

(2) Hou Yao (候曜) fut l’un des réalisateurs les plus talentueux et prolifiques de l’ère du muet à Shanghai, décapité par les Japonais en 1942. Mais Mulan est une œuvre mineure dans sa filmographie.

(3) Sur ce réalisateur, voir :

http://www.chinesemirror.com/index/2008/08/ding-ziming-and-wan-laitian.html

 

 

Les aigles dans la tempête

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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