La vidéo
promotionnelle d’un film chinois sur la guerre de Corée
provoque un tollé en Chine
par Brigitte Duzan, 18 septembre 2016
Une superproduction sur la guerre de Corée, « My
War » (《我的战争》),
produite par China Film et sortie sur les écrans
chinois le 15 septembre, a provoqué une véritable
levée de boucliers sur le web chinois.
Réalisé par le cinéaste hongkongais Peng Shun, ou
Oxyde Pang (彭顺)
[1],
le film relate pourtant une version très officielle
de la guerre : un conflit où la Chine est intervenue
le 25 octobre 1950 pour « résister à l’Amérique et
soutenir la Corée » (抗美援朝)
selon le slogan de l’époque.
Il est d’une facture classique de film de guerre
chinois, avec des interprètes prestigieux, en tête
desquels
Liu Ye (刘烨),
dans un rôle à la
Zhang Hanyu (张涵予)
dans
« Assembly »
(《集结号》),
aux côtés de l’actrice Wang Luodan (王珞丹),
tout aussi classique.
My War
Trailer 1
Trailer 2
Ce n’est pas le film qui est en cause, mais la bande annonce
promotionnelle qui l’a annoncé.
La bande annonce promotionnelle
Liu Ye dans My War
Cette vidéo promotionnelle montre un groupe de
touristes chinois âgés en visite guidée en Corée du
Sud, à Séoul. Quand la jeune guide veut leur donner
des explications, ils l’interrompent en lui disant
qu’ils sont déjà venus, sans avoir besoin de
passeport, que Séoul s’appelait alors Hansung et
qu’ils y sont entrés en brandissant le drapeau
rouge… Et comme la jeune Coréenne ne comprend pas,
ils lui disent d’aller voir le film « My War » …
La vidéo n’a déclenché aucune réaction du
gouvernement chinois, mais une pluie de réactions
indignées sur le web. D’abord pour le sourire
triomphant avec lequel les touristes chinois,
arborant des chapeaux rouges et brandissant le
poing, parlent de leurs souvenirs de la guerre,
« comme s’ils parlaient de leurs dernières
récoltes », dit un internaute.
Surtout,
l’immédiateté des réactions montre le caractère très
sensible du sujet aujourd’hui, alors que la Corée du
Nord
Un touriste à Séoul
dans la vidéo promotionnelle du film
multiplie les
tests nucléaires. Le résultat de l’intervention chinoise, au
prix de près de 400 000 morts, a
Kim Il-sung avec Mao
en 1958
été de
soutenir la division du pays et le pouvoir des Kim ;
or l’opinion publique chinoise est aujourd’hui très
critique à l’égard du troisième, le petit fils de
Kilm Il-sung
[2],
tandis que la culture sud-coréenne, sa musique, ses
mangas, ses feuilletons télévisés, sa mode
vestimentaire et ses coupes de cheveux sont très
populaires auprès des jeunes.
Au début de sa présidence, Xi Jinping avait amorcé
un rapprochement avec Séoul, mais il a suffi que le
gouvernement sud-coréen décide, en juillet dernier,
d’acheter un système anti-missile américain, pour se
protéger, justement, de l’imprévisible voisin du
nord, pour que le gouvernement chinois en revienne à
son soutien traditionnel au régime du nord.
Le film, en fait, revient souligner l’engagement de
la Chine en faveur de ce régime, contre la puissance
américaine, au début des années 1950. Il est
intéressant de voir l’opinion publique, les
internautes en l’occurrence, s’élever contre le
mauvais goût d’une bande annonce offrant une vision
ironique d’une guerre aux conséquences aussi
lourdes.
La
réaction d’un avocat pékinois cité par le South
China Morning Post
[3]
semble résumer l’opinion générale : l’impact de
l’intervention chinoise dans la guerre est clair
maintenant ;
Le président Kim
Il-sung
on voit une nation
toujours divisée, et d’innombrables soldats chinois sont
morts pour le plus grand
Les citations de Kim
III
bénéfice
de trois générations de Kim. Y a-t-il vraiment de
quoi être fier ? »
[1]
Spécialiste, avec son frère jumeau qui est monteur,
de films d’horreur et de thrillers.
[2]
Un véritable clone de Mao, représenté lui aussi en
soleil rouge, et ayant lui aussi ses citations.
Tradition reprise par ses successeurs.