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Metteurs en scène

 
 
 
     
 

Guan Hu 管虎

Né en 1968

Présentation

par Brigitte Duzan, 3 mai 2012, actualisé 8 septembre 2020

 

Guan Hu est sorti en 1991 de l’Institut du film de Pékin, en même temps que, entre autres, Zhang Yuan (张元) et Wang Xiaoshuai (王小帅). Ses débuts sont donc parallèles à ceux du cinéma indépendant chinois qui marque aussi les débuts de la « sixième génération », au début des années 1990 ; son premier film reprend d’ailleurs la thématique générale de ceux de ses confrères à la même époque.

 

On classe donc généralement Guan Hu dans cette « sixième génération » des réalisateurs chinois, mais lui-même le récuse : il est toujours resté « dans le système », tous ses films sont sortis avec un visa de censure en bonne et due forme. A partir de 2009, année qui représente un tournant décisif dans sa carrière, ses films sont même nettement orientés vers le commercial, mais sans jamais se départir d’une exigence de qualité qui a toujours été la caractéristique de Guan Hu.

 

Guan Hu

 

La maturité venant, il est aujourd’hui devenu en Chine l’un des meilleurs auteurs de comédies, avec une griffe distinctive : des comédies un tantinet loufoques, un rien baroques,  bien enlevées et bien interprétées, sur des scénarios parfois complexes, mais toujours bien écrits.

 

1994-2002 : Génération rock et après

 

Né en août 1968 à Pékin, Guan Hu (管虎) est le fils d’un couple d’acteurs de théâtre ; son père, Guan Zongxiang (管宗祥), a aussi beaucoup joué à la télévision. Reprenant le patronyme paternel, le nom que Guan Hu s’est choisi signifie « attention au tigre », jeu de mots sur l’expression chinoise « le jeune veau n’a pas peur du tigre » (初生牛犊不怕虎) : tout un programme.

 

1994 : Dirt

 

Son premier film, « Dirt » (《头发乱了》), sorti en 1994, le propulse tout de suite sur la scène médiatique. C’est un tableau de la scène

 

Guan Zongyang dans l’un de ses derniers rôles, en 2012

underground du rock à Pékin, sujet, aussi, de « Beijing Bastards » (《北京杂种》) de Zhang Yuan (张元), sorti l’année précédente ; si le sujet est le même, c’est pour les mêmes raisons : parce que le rock représentait à l’époque un symbole de l’esprit libertaire et contestataire des jeunes intellectuels citadins (et en particulier ceux récemment arrivés en ville, et pas encore intégrés dans le milieu urbain).

 

Guan Hu avec ses parents et Liang Jing

 

Guan Hu a laissé une marque d’un subtil symbolisme à côté du titre, au début du générique : c’est comme un petit sceau, marqué du nombre 87. Ce 87 (pour 1987) est l’année d’entrée à l’Institut du cinéma de Pékin de la promotion 1991. Guan Hu signifiait ainsi que son film représentait l’esprit rebelle de toute cette génération, l’expression collective de leurs aspirations artistiques, incarnées par la musique rock.

 

Bien que bien moins connu que le film de Zhang Yuan, « Dirt » est cependant, à sa manière,

tout aussi emblématique : dans son chapitre « Rebels Without a Cause » de l’ouvrage édité par Zhang Zhen, « The Urban Generation » [1], Zhang Yingjin prend le film comme point d’entrée de son exploration des années de formation de la nouvelle génération du cinéma chinois, dans les années 1990.

 

Cependant, si « Beijing Bastards » marque les débuts du mouvement du cinéma indépendant, celui de Guan Hu représente la tendance inverse. En effet, contrairement aux autres réalisateurs chinois qui ont cherché à acquérir une indépendance au moins artistique dans les années 1990, Guan Hu a choisi de rester dans le cadre du système des studios, et de réaliser ses films en en respectant les contraintes et, en particulier, les règles de censure ; il n’a jamais été interdit en Chine : il s’est toujours débrouillé pour obtenir les autorisations nécessaires.

 

Ainsi, pour « Dirt », il a payé 150 000 yuans pour avoir le label du studio de Mongolie intérieure. En outre, il a fait des compromis avec la censure, et ce en particulier pour le titre : le titre chinois devait être « Dirty Men » (《脏人》), des gens « pas très nets », pourrait-on dire, mais c’était inacceptable pour les censeurs ; le film est donc sorti sous le titre actuel,

 

Dirt

beaucoup plus neutre, qui signifie « cheveux mal peignés », ces cheveux longs qui sont l’une des caractéristiques de la « génération rock ».

 

La production et le financement ont été bouclés grâce aux relations de l’actrice Kong Lin (孔琳) que l’on retrouve dans les films suivants du réalisateur.

 

A la recherche d’un style

  

La rébellion ayant fait son temps, après « Dirt », de 1996 à 2002, Guan Hu poursuit avec quatre films résolument « commerciaux », c’est-à-dire qu’il tente, selon ses propres déclarations, de faire quelque

 

Shang che, zou ba

 

chose d’ « agréable à regarder » (好看), en tant que facteur déterminant la valeur d’un film auprès du public. Ce sont des films qui s’attachent à dépeindre la vie de jeunes confrontés à un monde chinois en changement rapide. En ce sens, ils poursuivent la thématique de « Dirt ».

 

Sorti en 1996, « Street Rhapsody » (《浪漫街头》), produit par le studio de Pékin, est l’histoire de la rencontre improbable d’un chauffeur de taxi et d’une violoncelliste – interprétée par Kong Lin. Aussitôt après, Guan Hu tourne « Farewell Our 1948 » (《再见,我们的一九四八》), produit par le studio du Liaoning, qui ne sort que trois ans plus tard et n’a pas grand succès.

 

En 2000, Shang che, zou ba (《上车,走吧!》) pourrait être traduit : « allez, en voiture ! ». C’est l’histoire de deux copains du Shandong qui s’embarquent dans un minibus pour aller à Pékin… Le film est surtout resté dans les annales parce qu’il a

offert son premier rôle à Huang Bo (黄渤) qui devient dès lors l’ami de Guan Hu et l’acteur indissociable de sa filmographie.

 

En 2002, il réalise encore « Eyes of a Beauty » (《西施眼》), produit par le studio de Pékin, qui obtient le prix Netpac au Festival international du film de Hawaii. C’est un film superbe, énigmatique et fascinant, dont le scénario est conçu sur la base d’un opéra qui relate une ancienne légende : celle d’une héroïque beauté nommée Xishi (西施).

 

L’opéra est lié dans le film au destin d’une chanteuse, spécialisée dans le rôle, qui approche la quarantaine, et doit affronter à la fois un divorce douloureux et l’émergence d’une rivale plus jeune. Cette histoire est entrecoupée de deux autres fils narratifs, centrés sur deux autres femmes, dont le sens reste longtemps énigmatique. Mais le scénario est en fait structuré en séquences appartenant à des époques différentes. Ce cinquième film de Guan Hu mériterait d’être plus connu.

 

 

Eyes of a Beauty

 

Début du film (sous-titres anglais)

 

2002-2009 Télévision

 

Après « Eyes of a Beauty », Guan Hu se tourne vers la télévision, pour vivre, d’abord. Mais c’est aussi un moyen de perfectionner sa technique et d’approfondir sa réflexion sur le genre de cinéma qu’il veut faire.

 

Ses films télévisés ont du succès, mais il lui faut cinq ans avant de pouvoir en sortir et se lancer dans la réalisation d’un nouveau film, et sept ans avant de retrouver les écrans de cinéma, avec un film drôle et surréaliste qui lui apporte enfin la notoriété et la popularité qu’il méritait.

  

Il en a eu l’idée alors qu’il tournait un téléfilm dans le Shandong. Il est tombé sur une fable locale qui tenait en une ligne : « en ce temps-là, il y avait un paysan qui emmenait une vache étrangère pour accomplir une promesse idiote, et ils ont tous deux réussi à survivre. »

 

2009 : Retour au cinéma

 

2009 : Cow

 

Ce film, c’est « Cow » (《斗牛》), qui fait découvrir Huang Bo au grand public, tout en mettant aussi en valeur le talent de l’actrice Yan Ni (闫妮). C’est une comédie, qui traite d’un sujet grave avec un humour loufoque, qui fait mouche dès la première séquence.

 

On aurait du mal à imaginer histoire plus saugrenue : celle d’une vache hollandaise et d’un simple d’esprit dans un village perdu dans le nord-est de la Chine, à un tournant de la guerre sino-japonaise. C’est un film où, sous couvert de comédie, la guerre apparaît essentiellement, côté paysan, comme une tuerie absurde, où la population villageoise est la cible de représailles de la part des Japonais, dans une suite d’opérations militaires qui la dépassent totalement.

 

Filmé avec un brio qui vaut celui du scénario, « Cow » vaut une reconnaissance immédiate à Guan Hu. En même temps, il représente le genre qui sera désormais le sien : la comédie, mais une comédie traitée de façon très personnelle, avec des scénarios originaux et une remarquable direction d’acteurs. C’est ce style qu’il va développer et décliner en diverses variations dans ses films suivants.

 

Début 2012 : Design of Death

 

Début 2012, « Design of Death » (《杀生》) a continué dans la même veine, avec Huang Bo, toujours, dans le rôle-titre, et l’épouse de Guan Hu, l’actrice Liang Jing (梁静), dans l’un des deux rôles féminins. Cette fois, la comédie est liée à une intrigue policière dont le suspense est doublé d’une histoire d’amour aussi improbable que le reste du scénario.

 

Cow

 

Design of Death

 

Les deux actrices de Design of Death, Yu Nan et Liang Jing

 

Celui-ci est adapté d’une nouvelle de Chen Tiejun (陈铁), écrivain du Henan né en 1963 à Pékin et auteur de romans policiers. Huang Bo interprète le rôle d’une sorte de hooligan de village qui séduit les veuves et dévalise les tombes. Or, un jour, on découvre un cadavre dans le village, et l’enquête montre que tout le monde avait une raison pour le tuer – prétexte à une chaîne d’histoires absurdes.

 

Fin 2012 : The Chef, the Actor, the Scoundrel 

 

Avant même la sortie de « Design of Death », Guan Hu avait déjà annoncé la sortie de son film suivant, en décembre 2012 : « The Chef, the Actor, the Scoundrel » (虎烈拉). C’est l’histoire incroyable d’un trio de copains qui n’en sont pas, pendant la guerre, à Pékin. Toujours avec Huang Bo et Liang Jing, mais aussi Liu Ye (刘烨) en chef de cuisine et Zhang Hanyu (张涵予) dans un rôle inattendu de chanteur d’opéra.

 

En 1942, trois Chinois qui se révèlent être des agents des services secrets chinois ont pour mission de venir à bout d’une épidémie de choléra due à des essais d’un labo secret

 

The Chef the Actor the Scoundrel

japonais. Ils enlèvent donc un général et un biochimiste japonais qui pourraient avoir le vaccin miracle.

 

Guan Hu avec le trio d’acteurs de « The Chef, the Actor, the Scoundrel (de g. à d. Liu Ye, Zhang Hanyu et Huang Bo)

 

Mais leurs méthodes d’interrogation ayant échoué, ils vont chercher dans l’opéra une solution à leur problème en désorientant leurs adversaires pour les faire parler…

 

Suite de rebondissements imprévus et cocasses, remarquablement interprété, le film se démarque des films de guerre antijaponais courants. On peut presque le considérer comme un opéra moderne, en le reliant, par cette thématique, au film de 2002, « Eyes of a Beauty ».

 

2015 : Lao Pao’er

 

Présenté hors compétition en clôture de la 72ème Biennale de Venise, début septembre 2015, « Lao Pao’er » ou « Mr. Six » (老炮儿)  est une autre variation du talent de Guan Hu, le comique disparaissant ici sous le tragique et la satire sociale. C’est en outre un film d’action, mais traité de façon originale.

 

C’est un tableau de la fin d’un monde, un monde violent, mais qui avait ses règles et son honneur, comme le wuxia en son temps. Un vieux chef de gang qui s’était retiré du milieu y replonge pour secourir son fils qui a été kidnappé par une bande de nouveaux caïds ; il se rend compte alors que son univers est de l’ordre du passé.

 

Les jeunes font penser à « Dirt », comme si Guan Hu revenait à ses sources. Mais surtout, le rôle principal est interprété par un formidable Feng Xiaogang (冯小刚), qui dégage à lui seul – en maître de ses jeunes condisciples acteurs - tout un réseau de symboles sans lesquels le film perdrait une partie de sa signification. Il y a quelque chose d’un passage de relais, dans ce film, un hommage aussi.

 

Feng Xiaogang dans Lao Pao’er

  

C’est sans doute le film le plus profond de Guan Hu à ce jour, qu’on ne peut s’empêcher de regarder le cœur serré.

  

2020 : Les 800

 

Après plus de vingt ans de préparation, Guan Hu termine en 2019 un film sur un épisode célèbre de la Bataille de Shanghai, en 1937 : « Les 800 » (《八佰》). Premier film chinois à être tourné en totalité avec des caméras IMAX, il restera sans doute dans les annales d’abord pour les divers reports de sa date de sortie qui reflètent le caractère hautement sensible du sujet, s’agissant d’un exploit héroïque de soldats de l’armée… nationaliste, puisque nous sommes en 1937.

 

Mais, quand le film sort finalement sur les écrans chinois, le 21 août 2020, après cinq mois de fermeture des cinémas en raison de l’épidémie de covid, c’est un succès. C’est un couronnement pour Guan Hu qui s’affirme comme l’un des meilleurs cinéastes chinois du moment.

 


 

Filmographie

(hors télévision)

 

1994 Dirt 《头发乱了》 

1996 Street Rhapsody 《浪漫街头》

1999 Farewell Our 1948  《再见,我们的一九四八》

2000 Shang che, Zou ba 《上车,走吧!》

2002 Eyes of a Beauty 《西施眼》

2009 Cow 《斗牛》

2012 Design of Death 《杀生》

2013 The Chef, the Actor, the Scoundrel 厨子戏子痞子

2015 Lao Pao’er (ou Mr. Six) 老炮儿

2020 Les 800 《八佰》

 

 


 

[1] The Urban Generation, Chinese Cinema and Society at the Turn of the 21st Century, Zhang Zhen ed., Duke University Press, 2007 – Rebels without a cause, p. 49, est le premier chapitre de la 1ère partie, Ideology, Film Practice and the Market.

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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