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Guo Xiaolu 郭小櫓

Présentation

par Brigitte Duzan, 22 novembre 2012

 

Guo Xiaolu (郭小櫓) a commencé par écrire pour se tourner ensuite vers le cinéma ; écriture et travail sur l’image sont chez elle deux modes d’expression complémentaires et indissociables.

 

Ayant aujourd’hui élu domicile en Grande Bretagne, elle signe ses films Xiaolu Guo et porte un regard distancié sur son pays natal. Elle est régulièrement invitée dans les festivals internationaux, et le festival Cinéma du Réel, à Paris, a même organisé une rétrospective complète de ses œuvres en mars 2010.

 

Trois vies en une

 

Enfance morose

 

Guo Xiaolu est née en 1973, en pleine Révolution culturelle, dans un village près de Wenling, dans le Zhejiang (浙江温岭).

 

Guo Xiaolu au festival des Films

de femmes de Créteil, en 2007

Pour avoir manifesté quelques velléités artistiques, son père fut envoyé en camp de travail, la petite Xiaolu fut donc élevée par ses grands parents, dans un village de pêcheurs du sud de la Chine, face à Taiwan. C’est d’ailleurs en hommage à ses ancêtres pêcheurs que son père l’appela xiǎo(小櫓), c’est-à-dire ‘petite godille. C’était un environnement frustre, sa grand-mère avait été mariée enfant, elle avait encore les pieds bandés, le grand père était pêcheur, tous les deux était illettrés, comme la plupart des gens du village.

 

Guo Xiaolu se souvient que, la nuit, si le vent n’était pas trop fort, on pouvait entendre la musique de la radio de Taiwan, de ‘l’autre côté’, des chansons très douces, dans le dialecte de l’île. C’était très beau, et il y avait là de quoi rêver, s’évader d’un quotidien morne et violent : ses grands parents étaient en conflit permanent, et ce fut pire quand elle revint vivre avec ses parents : sa mère la battait.

 

Adolescente renfrognée et difficile, ne voulant pas mourir dans le même lit que celui dans lequel elle était née, elle décida à dix huit ans de partir, le plus loin possible : à Pékin.

 

Evasion à Pékin et premiers pas d’écrivain

 

Il fallait choisir une voie : ce fut l’Institut du cinéma de Pékin, où elle fut admise de haute lutte. En 1991, elle se retrouva seule dans la capitale après trois jours de train, vivant dans une misérable chambre d’hôtel à huit yuans par jour, et écrivant, pour vivre, des scénarios pour la télévision, des histoires assez banales de drames familiaux et d’enquêtes policières.

 

A l’Institut, elle mit les bouchées doubles pour rattraper son retard culturel, découvrit Jean-Luc Godard, David Lynch, passa des nuits à lire Marguerite Duras. Le cinéma, cependant, l’effrayait, avec ses côtés techniques et surtout financiers à maîtriser. Elle resta neuf ans à l’Institut à faire de la recherche tout en enseignant, et rédigeant même des essais théoriques sur le cinéma (1), mais c’est l’écriture qui l’attira d’abord : elle avait terminé un premier roman avant même d’entrer à l’Institut.

 

Quand elle en sortit, en 2000, elle commença à travailler comme assistante (non rétribuée) sur divers plateaux, tout en continuant à écrire et publier. L’écriture lui semblait alors le plus facile, ce qui correspondait le mieux à son besoin d’expression, remontant à des sources autobiographiques qui iront ensuite nourrir ses films. Car, que ce soit dans ses livres ou dans ses films, c’est toujours elle qui parle et c’est toujours d’elle qu’elle parle.

 

Nouveau départ à Londres

 

Elle avait acquis une certaine notoriété en Chine comme écrivain lorsque, en 2002, elle décrocha une bourse du British Council pour aller étudier la réalisation de films documentaires à Londres, à la National Film School. Elle partit en se disant qu’elle partait pour un an et reviendrait très vite. Mais il en fut tout autrement.

 

Far and Near

 

Elle réalisa l’année suivante son premier court métrage documentaire, tourné en deux semaines, sur les impressions et réactions d’une jeune Chinoise débarquant à Londres. Intitulé « Far and Near », ce premier documentaire obtint en 2003, pour sa vision poétique inhabituelle, le Beck’s Future Prize, décerné par l’Institute of Contemporary Arts. C’était le pied à l’étrier : la vie de Xiaolu fut désormais une alternance de périodes d’écriture et de tournages de films.

 

Elle dit que, lorsqu’elle a écrit pendant un certain temps, elle a besoin de retourner derrière la caméra pour retrouver le contact avec le monde. « Quand je passe beaucoup de temps à écrire un roman, » a-t-elle expliqué lors d’une interview à RFI, « j’ai l’impression que la réalité meurt. Je perds le contact avec la société, les gens, la réalité. J’ai alors besoin de faire un film, de travailler avec une équipe. » Mais c’est toujours la même réflexion qu’elle poursuit.

 

Xiaolu a élu domicile à Londres, à Hackney, dans l’East End, mais se partage entre la Chine, où elle revient tous les ans, la France, où elle était, pendant l’hiver 2008, en résidence à Paris, invitée par la Cinéfondation du Festival de Cannes, et l’Allemagne, où elle travaille avec une société de production. Ces multiples liens font qu’elle est maintenant une figure connue et récurrente des grands festivals internationaux de cinéma, autant que du monde littéraire.

 

Des documentaires où le scénario prime sur l’image

 

Dès le départ, son œuvre cinématographique s’est affirmée sous l’emprise de l’écrit.

 

1. En 2004, « The Concrete Révolution » (《嵌入肉体的城市》) est une référence directe à Chris Marker. C’est à la fois un documentaire sur la transformation accélérée de Pékin qui fait disparaître des pans entier de vieux quartiers au nom de la modernisation, et une réflexion sur les conséquences de cette rénovation urbaine, en termes de coûts culturels et sociaux. C’est un essai qui mêle couleur et noir et blanc, avec des bouts de bandes d’actualité, des chants et des citations du président Mao, mélange de styles assez caractéristique même si le sujet a depuis été ressassé sous de multiples formes. Il reflète ironiquement l’atmosphère triomphaliste des années juste avant les Jeux Olympiques à Pékin.

 

The Concrete Revolution

 

Bande annonce http://www.youtube.com/watch?v=XIF5slSUw4c

 

2. Le court métrage qui suit, en 2006, « Address unknown » (明信片cartes postales), rappelle Marguerite Duras dans sa conception et sa réalisation. En onze brèves minutes, il décrit une femme rentrée en Chine qui, de sa chambre à Pékin, écrit à son amant, qu’elle a laissé à Londres, des cartes postales qui lui reviennent toutes : leur destinataire semble s’être évaporé dans les brumes de la capitale. Finalement, dans la dernière des cartes, elle lui annonce qu’elle a annulé son vol de retour…

 

Address Unknown

 

Le personnage féminin qui écrit n’apparaît pas à l’écran ; ce que l’on voit, c’est ce qu’elle voit de sa fenêtre, la vie autour d’elle, qui n’arrête pas, même la nuit, et qu’elle décrit dans ses cartes, cinq au total, comme autant de scènes et autant de réflexions, se terminant sur ce jour de pluie qui met fin à la relation, épistolaire et amoureuse. Chaque carte est un long plan statique, superbe.

 

3. Cette liberté de style se retrouve dans le long métrage documentaire de 2008 « We Went to Wonderland » (冷酷仙境), filmé, lui, en noir et blanc. Elle y décrit le voyage en Europe de ses parents, leur étonnement de vieux Chinois en total décalage culturel, montant en parallèle les images de ce qu’ils voient et celles qu’ils ont en tête (superbe séquence où ils marchent dans une rue déserte en se demandant où sont passés les gens, et où défilent alors à l’écran des images de rues chinoises, animées et bruyantes).

 

We Went to Wonderland

 

C’est un voyage intérieur, un voyage à la Candide. Ils voulaient voir le monde avant de mourir, mais le monde les ramène automatiquement vers la Chine, il en est comme un négatif. Les images en noir et blanc en font un poème visuel, à l’instar d’un tableau chinois à l’encre de Chine. La forme et le fond se répondent parfaitement.

 

 

Bande annonce

 

4. Le découpage en plans successifs que l’on avait dans « Address unknown » se retrouve dans le court métrage de 12’, sorti en 2009 : « Three short films about home », qui a pour sous-titre « Longings and belongings ». Il est constitué de trois tableaux :

- Un, une fermière, éleveuse de poulets, en visite à Chongqing, remercie le Parti, autrement comment aurait-elle la vie qu’elle a maintenant, avec un réfrigérateur et un poste de télévision, et la possibilité d’abandonner un temps ses poulets pour venir se promener à Chongqing ?

- Deux, des jeunes filles dans une rue de Londres, près de la City, crient qu’elles sont l’avenir, le centre du monde, mais leurs voix se perdent dans les bruits de voitures.

- Trois, le marché aux légumes de Hackney, East End, marché africain, une autre réalité, comme une autre Chine, à deux pas des banquiers en filigrane dans la séquence précédente.

Le monde tel qu’il est… fait de « longings and belongings », de désirs et de possessions, de ce qu’on a et ce qu’on n’a pas et rêve d’avoir, du sens d’appartenir et du désir d’en échapper, partout sous le soleil.

 

Du documentaire à la fiction et mélange des genres

 

How is your Fish Today ?

 

On est donc aux limites du documentaire et de la fiction, dans un équilibre toujours instable, comme si la fiction faisait partie du réel, en était indissociable. C’est ce qui fait une partie de la richesse du documentaire.

 

Ce mélange des genres caractérise le long métrage de 2006 qui est l’une des œuvres les plus achevées de Guo Xiaolu : « How Is Your Fish Today ? » (今天的鱼怎么样?). Sorti comme documentaire, c’est en tant que film de fiction qu’il a obtenu le grand prix du jury au 29ème festival international de films de femmes de Créteil, en mars 2007, et une mention spéciale la même année au festival de Rotterdam, … 

 

 

 

 

Guo Xiaolu a repris cette même veine en réalisant, en 2009, un documentaire et un film de fiction à partir du même sujet : la fiction, c’est « She, a Chinese » (《中国姑娘》), le documentaire, c’est « Once Upon a Time Proletarian » (《曾经的无产者》).

 

Le premier, Léopard d’or au festival de Locarno en 2009 et sorti en France en septembre 2010,  retrace le parcours d’une Chinoise qui ressemble à Xiaolu comme une petite sœur, partie de sa campagne natale

 

She, a Chinese

pour aller tenter sa chance à Chongqing, puis à Londres. Le second a été réalisé pendant le tournage du

 

Once upon a Time a Proletarian, vision réaliste

 

premier, c’est l’envers du décor, la sueur et la poussière, les soupirs et les silences des gens dans la rue. Mais les deux mêlent les styles et les genres, et le documentaire est finalement aussi fantasmé que le film est réel.

 

« Once Upon a Time a Proletarian » est une anatomie en douze parties de la société chinoise actuelle, entrecoupés de petits tableaux où des enfants lisent des bandes dessinées, et accompagnés d’une bande son de musique rock qui donne son

rythme au tout. Les photos elles-mêmes frisent parfois l’onirisme, on ne sait plus où finit le réel et où

commence le rêve, ce qui est d’ailleurs sans doute une mauvaise manière d’aborder le film : la réalité s’évapore sous le regard, diffractée par le prisme du rêve.

 

En 2011, son nouveau film revient à une forme plus traditionnelle de satire sociale, bien que stylistiquement toujours originale, avec une multiplicité de lignes de fuite rompant la linéarité narrative et un travail particulier sur l’image : « UFO in her Eyes » (《三头鸟村记事录》).

 

Un après-midi estival étouffant, une

   

Once upon a Time a Proletarian, vision onirique

villageoise croit voir un OVNI dans le ciel, et sa vie, comme celle du village entier, s’en trouve  

 

UFO in her Eyes

 

brusquement bouleversée. Le chef de village, en effet, saute sur l’occasion pour tenter de sortir les habitants de la pauvreté chronique qui est leur lot : il conçoit un projet de développement touristique, obtient l’appui des autorités locales et prend même contact avec des organisations américaines.

 

Guo Xiaolu dresse un portrait acerbe d’une société chinoise aux prises avec des changements politiques et économiques chaotiques qu’elle ne maîtrise pas. Elle dit avoir été inspirée par « La métamorphose de Kafka » et « Rashomon » de Kurosawa. On pense bien plus, en voyant son film, au roman de Yan Lianke (阎连科) Shouhuo, en français « Bons baisers de Lénine » (《受活》) (2). C’est une atmosphère surréaliste très semblable. Comme le disait Yan Lianke lors de son passage à la librairie Le Phénix, à Paris, en octobre 2012 : quelle que soit la force de son imagination, la réalité, en Chine, dépasse toujours la fiction…

 

 

Présentation par la réalisatrice avec extraits

 

 

Notes

(1) Elle en a publié deux recueils, en 2001 : « Movie Map »  (电影地图)et « Film Notes » (电影理论笔记 ).

(2) Sur ce livre, voir

http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_YanLianke.htm

 


 

Œuvres cinématographiques

Réalisatrice
2011 UFO in her Eyes 《三头鸟村记事录》
2009 She, a Chinese 《中国姑娘》
2009 Once upon a time Proletarian 《曾经的无产者》
2009 Three short films about home (court métrage 12’)
2008 An Archeologist’s Sunday 《一个考古学家的星期天》(court métrage 8’)
2008 We Went to Wonderland 《仙境之旅》
2006 How Is Your Fish Today? 《今天的鱼怎么样?》
2006 Address Unknown《明信片》(court métrage 11’)
2004 The Concrete Revolution
《嵌入肉体的城市》
2003 Far and Near – court métrage

Scénariste
1999 “The House” (ou “Dream House”) 《梦幻田园》 de Wang Xiaoshuai (王小帅)
1998 “Love in the Internet Age” 《网络时代的爱情》de Jin Chen (金琛)

 


 

Publications sur le cinéma (en chinois)

 

En avril 2000, Guo Xiaolu a publié un recueil de cinq scénarios, dont les deux qui ont été écrits pour Wang Xiaoshuai et Jin Chen.

 

En 2001, elle a ensuite publié deux recueils d’essais théoriques et de critiques :

- Movie Map  (电影地图: recueil de 40 critiques de films écrites entre 1998 et 2001.

- Notes on Movie Theory (电影理论笔记) : articles publiés entre 1993 et 2001.

 


 

Œuvres littéraires

 

Guo Xiaolu est également écrivain. Elle est même devenue membre de l’Association des écrivains chinois en 2002.

 

Elle a en effet commencé par publier, en 1999, un recueil de nouvelles en chinois, « Who is my mother’s boyfriend ? » (我妈妈的男朋友是谁?), puis un roman l’année suivante, « Fenfang’s 37.2 Degrees »  (芬芳的37.2), qu’elle a réécrit en anglais en 2008, sous le titre « 20 Fragments of a Ravenous Youth ».

 

Ce sont des textes essentiellement autobiographiques, comme le roman qui l’a fait connaître en Grande Bretagne quand il a été traduit en anglais, par Cindy Carter, et publié chez Random House : « Village of Stone »  (《我心中的石头镇》). C’est le récit de son enfance et adolescence, dans le « village de pierre » (石头镇) au Zhejiang, entre un père peintre et une

 

Le village de pierre, texte chinois

mère chanteuse dans une troupe de théâtre qui considérait les filles comme le rebut de l’humanité et n’avait d’attentions que pour son frère. Ce qui laisse entrevoir le besoin de revanche et de reconnaissance sociale qu’elle a développé.

 

Elle a ensuite, cependant, écrit en anglais, son premier livre publié, en 2007, étant « A Concise Chinese-English Dictionary For Lovers » (《恋人版中英词典》), qui retrace le parcours difficile d’une jeune Chinoise débarquant à Londres (le sien évidemment), dans une langue aussi erratique que le parcours en question. Le livre a eu un certain succès, mais on peut rester réservé sur ses qualités littéraires.

 

Après un recueil de nouvelles, toujours en anglais (« Lovers in the Time of Indifference » 2010), Guo Xiaolu est récemment revenue à l’écriture en chinois.

 

Le village de pierre, traduction en anglais

 
 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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