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Huang Wenhai 黄文海

Présentation

par Brigitte Duzan, 25 mars 2017

 

Huang Wenhai fait partie des documentaristes chinois engagés ; il a commencé sa carrière de documentariste indépendant au début des années 2000, et, en 2013, a choisi de partir vivre à Hong Kong pour être plus libre de filmer comme il l’entend.

 

Formation et débuts

 

Il est né en 1971 dans la province du Hunan où il a grandi. Il a étudié à l’Institut du cinéma de Pékin, puis, à la fin de ses études, en 1996, est entré à la télévision.

 

Il commence véritablement sa carrière comme assistant chef opérateur sur le tournage d’un film de Ding Jiancheng (丁建成) sorti en 2000 : « Paper » (《纸》). Le film se passe au milieu des années 1970, dans un petit village du sud-est de la Chine,

 

Huang Wenhai

où un vieil homme collecte des affiches pour faire des collages ; ce faisant, il raconte sa vie, et celle de sa fille disparue, à un jeune garçon – des vies fragiles comme des morceaux de papier.  

 

Huang Wenhai à la fin de ses études en 1996

 

Ce genre de réflexion et de travail intéresse plus Huang Wenhai que les documentaires pour la télévision qui lui semblent trop superficiels. Il décide de devenir documentariste indépendant et, en 2001, démissionne de CCTV.

 

Il commence par être producteur, du documentaire de Hu Ze (胡择) sorti en 2002 : « Beijing Suburb » (《北京郊区》). Le documentaire fera partie du programme spécial « De Yuanmingyuan à Songzhuang » programmé lors du 1er festival du cinéma indépendant de Pékin en 2006, avec « Des vies d’artistes de 

Yuanmingyuan » (《圆明园的画家生活》) de Hu Jie (胡杰) et « Adieu Yuanmingyuan » (《告别圆明园》) de Zhao Liang (赵亮). Ces premiers pas sont presque une manière de se créer une généalogie.

 

Documentariste indépendant

 

Trilogie de l’absurde

 

1. En août 2002, caméra au poing, Huang Wenhai va filmer des adolescents dans un camp d’entraînement militaire pendant dix jours des vacances d’été, à Langfang (廊坊), dans le Hebei. Ils étaient tous des fils uniques, de familles ordinaires, et c’était la première fois qu’ils vivaient ainsi hors de leur famille. Huang Wenhai montre dans son film les changements intervenus dans leurs rapports entre eux, avec leurs parents et leurs enseignants.

 

2. Puis, l’année suivante, il retourne dans son village natal, dans le Hunan, filmer la vie des gens ordinaires qui continuent à y vivre, des gens misérables bien que le pays soit en pleine croissance à deux chiffres. Cependant, comme, justement, c’est théoriquement une période d’argent facile, ils rêvent d’en profiter eux aussi. Mais tous leurs efforts échouent. Le point fort du film est dans sa conclusion, laissée à l’initiative des personnages filmés, avec leur accord. Cette expérience a fait réfléchir Huang Wenhai sur ce que lui-même était devenu, et, en lui donnant un sentiment d’absurdité, lui a donné envie de continuer en faisant une « trilogie de l’absurde ».

 

Le film s’intitule en français « Poussière hurlante » (《喧哗的尘土》), et il a été primé au festival d’Amsterdam ainsi qu’au FID à Marseille en 2004.

 

3. Son documentaire suivant, « Les Somnambules » (《梦游》), s’inscrit donc dans cette perspective. Il est en noir et blanc. Huang Wenhai voulait montrer la résistance opposée par les artistes dans un régime totalitaire, et la relation entre l’artiste et l’art dans un tel régime. Après le tournage, cependant, il se retrouve avec des heures de rushes qui ne correspondent pas à ce qu’il attendait ; il est bloqué. Finalement, ses personnages ont désiré changer, mais ont seulement réussi à s’auto-exiler, se marginaliser. Huang Wenhai a l’impression de se trouver devant les sculptures de Giacometti, l’homme immobile… c’est l’immobilisme qui prime.

 

Il trouve son film raté, car trop simplifié, dit-il, mais on ne sait pas trop si c’est vraiment la cause de son rejet, ou si ce n’est pas plutôt que tout cela est déprimantpour lui.

 

4. Il achève sa trilogie avec « Nous » (《我们》), un documentaire coproduit avec la télévision suisse qui poursuit ses portraits de gens ordinaires. Ici, le personnage central est un vieil homme de 90 ans qui est devenu membredu Parti en 1937 et a été un temps secrétaire de Mao ; mais il a ensuite défendu les idées de démocratie ce qui lui a valu de nombreuses années de prison. Pourtant, ni lui ni ses camarades plus jeunes – au total trois générations - n’ont cessé d’exprimer leurs opinions libérales et leurs pensées politiques en faveur d’une ouverture.

 

Huang Wenhai les laisse parler, ils se lancent dans de longs monologues, sur des sujets religieux autant que politiques, le problème essentiel étant de refuser l’obéissance au système que demande tout système totalitaire, en se demandant ce qu’on peut devenir dans la Chine aujourd’hui. Ce qui frappe, c’est leur ténacité. Elle va devenir celle de Huang Wenhai aussi.

  

Son film obtient une Mention spéciale décernée par le jury de la section Orizzonti de la Biennale de Venise en septembre 2008. Il sera ensuite programmé au festival des 3 Continents en 2010.

 

5. Huang Wenhai tourne ensuite « Reconstructing Faith » (《西方去此不远》), un documentaire filmé dans un monastère bouddhiste de près de trois cents personnesprès de chez lui, à Yueyang dans le Hunan (湖南岳阳). C’est une

 

Poussière hurlante, 2003

 

Somnambules, 2006

 

Women, 2008

 

Reconstructing Faith, 2009

 

tentative de trouver une autre réponse à la même question. Les moines du monastère sont des gens qui

 

Huang Wenhai présentant “Reconstructing Faith” à la Biennale

de Venise avec son producteur Chen Zhiheng 陈志恒

 

sont entrés là depuis plusieurs dizaines d’années, et c’est grâce à la religion bouddhiste qu’ils espèrent améliorer leur vie, et leur âme.

 

 

 

6. En 2010, Huang Wenhai réalise un court métrage intitulé « Crust » () qui est présenté à la Biennale de Shanghai.

 

Il filme des ouvriers migrants qui travaillent dans un chantier naval sur les bords du Yangtse. Vivant dans des cahutes de misère, ils fabriquent des super-paquebots pour une compagnie allemande. Le contraste est déjà saisissant, mais l’extérieur est noyé dans le brouillard, et les intérieurs sont sombres. Il y a donc une certaine opacité, un manque de visibilité qui frappe autant le travail de ces hommes, que les rapports de leur travail – et indirectement leurs propres rapports – avec le capital transnational qui gère leur quotidien. La musique ajoute au sentiment claustrophobique qui se dégage de tout le film.

 

Mais c’est un court métrage de transition…

 

Crust, 2010

 

Peur… Pause… Exil

 

Le tournage de « Nous » n’avait pas été sans problèmes ; Huang Wenhai a manqué de justesse être appréhendé alors qu’il était à l’hôpital auprès d’une ouvrière qui avait été frappée et blessée par la police. Or, parmi les personnes interviewées pour le documentaire figurait le dissident Liu Xiaobo. Trois mois après la première du film à la Biennale de Venise, Liu Xiaobo était arrêté pour avoir signé la Charte 08 [1]. A partir de là, Huang Wenhai a été suivi et surveillé.

 

Deux ans plus tard, après son retour à Pékin après avoir présenté « Reconstructing Faith » à Venise, il est emmené et questionné par la police, qui lui demande, entre autres, s’il a l’intention de filmer le dalai lama ! L’expérience lui fait peur, et il se retire pendant plusieurs mois dans un monastère. C’est là qu’il prend le nom monastique de Wen Hai (文海) dont il signe ensuite ses films.

  

Puis il part dans le Yunnan rejoindre Wang Bing (王兵) qui était en train de tourner ce qui aller devenir « Les trois sœurs » (《三姊妹》). Il lui sert dechef opérateur en se disant qu’il était a priori peu dangereux pour lui de participer au tournage d’un film sur trois petites filles dans un village perdu des montagnes du Yunnan.

 

Effectivement, il n’a pas été inquiété pendant les deux ans qu’il a passé là avec Wang Bing. Mais il a eu droit à une nouvelle descente de police dès qu’il est revenu à Pékin.

 

Finalement, quand une université de Hong Kong l’a approché en 2013 pour lui demander d’écrire un livre sur l’histoire récente des documentaires en Chine, il a accepté l’offre et est parti à Hong Kong. Le livre a été publié en octobre 2016 sous le titre « Le regard de l’exil : témoignage sur les documentaires indépendants chinois ».

 

C’est ainsi qu’il a pu mener à bien son septième documentaire, plus engagé que tous ceux qu’il avait réalisés jusque-là, et qui lui aura demandé quatre ans de travail.

  

Documentariste plus engagé que jamais

 

7. Ce documentaire, « We, the Workers » (《凶年之畔》) [2], a été présenté en première mondiale au festival de Rotterdam en janvier 2017, et figure en compétition au festival Cinéma du réel à Paris fin mars.

 

Pour réaliser ce film, Huang Wenkai a passé un an à vivre avec les personnages filmés dans des logements exigus du Guangdong. Il en a rapporté des images frappantes des usines et des chantiers navals, mais surtout des conditions éprouvantes dans lesquelles les activistes des ONG et autres organismes de défense des droits des travailleurs encouragent ceux-ci à s’unir pour lutter pour leurs droits et leurs salaires,

 

We, the Workers 2017

(affiche du festival de Rotterdam)

 

L’histoire du documentaire indépendant,

par Huang Wenhai

au risque de se faire enlever et tabasser par des hommes de mains payés par les industriels, avec l’accord tacite des autorités locales et des agents de la sécurité nationale.  

 

We, the Workers, trailer

 


 

Filmographie

 

Réalisateur

 

2002 Au camp d’entraînement militaire 《军训营纪事》 - 71 min

Trilogie de l’absurde :

2003 Poussière hurlante /Floating Dust 《喧哗的尘土》 - 111 min

2005 Les Somnambules/ Dreamwalking 《梦游》 – 85 mn

2008 Nous / Women 《我们》 – 102’

2009 Reconstructing Faith 《西方去此不远》

2010 Qiaoou “Crust” – 13’  

2017 We, the Workers 《凶年之畔》 – 174’

 

Directeur de la photo de Wang Bing

 

2012 Les trois sœurs 《三姊妹》

 


 

A lire en complément

 

L’article de CNN sur les troubles dans le monde du travail en Chine et le documentaire « We, the Workers » :

http://edition.cnn.com/2017/02/22/asia/china-labor-unrest-we-the-workers/

 

 


[1] Un manifeste en faveur de la démocratie et des droits civiques, et demandant des réformes.

[2] Le titre signifie : En marge des années terribles (凶年 xiōngnián c’est-à-dire le terme consacré pour désigner les années de famine).

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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