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Shen Jie 沈杰

Présentation

par Brigitte Duzan, 18 juillet 2022 

 

Shen Jie est un réalisateur de films d’animation shanghaïen sorti diplômé en 2012 de l’Institut de technologie de Shanghai.  En deuxième année, il a eu un cours d’initiation à l’animation qui l’a convaincu que c’était ce qui lui permettrait le mieux d’exprimer ses idées. Mais ce n’était qu’un cours sur le software ; il a ensuite appris diverses techniques en regardant des films et en suivant des cours sur internet.

 

L’une des œuvres qui ont exercé sur lui une influence déterminante au départ a été celle du cinéaste d’animation suisse Georges Schwitzgebel. On retrouve en effet dans les films de Shen Jie une semblable

 

Shen Jie (photo Berlinale)

vision baroque du monde, la peinture comme source d’inspiration, et la musique comme élément fondamental [1]. 

 

Les films de Shen Jie sont dessinés à la main et animés sur ordinateur, dans des compositions très rythmées à caractère expérimental, fondé en grande partie sur des effets de répétition, où la musique, comme chez son mentor, joue un rôle essentiel. Parti de l’animation européenne, il s’est cependant peu à peu rapproché du travail du pinceau de la tradition chinoise.

 

1.  Ses trois premiers courts métrages datent de 2012 et 2013 : « Run ! » , « Horse » (《马》) et « Stammer » (《结巴》) – après un premier court métrage d’étudiant en 2011 : « Flow » (流水).    

 

- « Run », son film de fin d’études, est une illustration du thème de la course ; les images sont rythmées par un motif répétitif inspiré de trois compositions musicales [2]

 

Run, 3’23 https://vimeo.com/76397941

 

- « Horse » est une animation à effet stroboscopique évoquant une histoire de cheval-centaure, en cinq chapitres repris en boucle. Sur une musique de Takanari Sakuma. Shen Jie a dit avoir été inspiré par des souvenirs d’enfance [3].

 

Horse, 4’16 https://vimeo.com/145115597?embedded=true&source=vimeo_logo&owner=16760143

 

- « Stammer » (c’est-à-dire bégayer) est d’un style totalement différent, sans musique mais toujours à base de répétition, fondée ici sur le bégaiement d’un personnage qui tente de manger une glace … en train de fondre pendant qu’il essaie désespérément d’articuler un bout de phrase. C’est hypnotique.

 

Stammer, 3’14 https://vimeo.com/62672887?embedded=true&source=vimeo_logo&owner=16760143

 

Ajoutons encore, fin 2013, une brève vidéo de 48’’ : « DingLingLingLingLing.. » (叮铃铃铃铃铃铃), un homme aux prises avec son téléphone.

 

2.  Trois autres courts métrages ont suivi en 2015 et 2016 : « Ya » (《牛》), 2’, « Monkey » (《猴》), 5’09, et « Panda » (熊猫), 3’30.

 

- « Ya », dont le titre chinois signifie « Vache », est fondé sur le motif répétitif d’une « vache qui rit » tout en tapant avec un marteau.

- « Monkey » imagine trois singes dont l’un meurt et dont les deux autres vénèrent alors la mémoire. Sur un thème musical de Luo Keju (罗可居), le court métrage marque une évolution : pour la première fois apparaît une séquence narrative complète, avec une relation au temps, car le film est inspiré par la mort de son grand-père.

 

DingLingLingLingLing..

- « Panda » est l’histoire d’un soldat qui, voulant faire l’amour à la statue de Vénus, doit d’abord lui casser une jambe.

 

Monkey

   

Ya

 

3.  En février 2019, un court métrage d’animation de Shen Jie - « Splash » (《水花》), 9’-  a été en compétition à la Berlinale, puis a été programmé en mars au festival du cinéma d’auteur chinois de Paris. C’est l’aboutissement de ses recherches depuis le début de la décennie.

 

Dans ce court métrage, le calme d’une piscine est soudain troublé par le plongeon d’un nageur. Le bruit régulier de l’eau s’accélère comme le son d’une percussion en bois d’opéra, puis splash... les images évoquent une bombe, puis un accident. Pour la forme et l’image, le film est inspiré des célèbres tableaux sur le thème de la piscine de David Hockney, en particulier l’un des plus connus, « A Bigger Splash » (1967), mais aussi « Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) » (1972).

  

Il y a dans ce film un véritable scénario dramatique dont la teneur affleure par bribes à travers l’image en noir et blanc d’une bombe, dont a sans doute été victime l’homme qui va plonger, dont on devine qu’il est amputé des deux bras : surveillé par le gardien de la piscine du haut de sa chaise, il est sauvé de la noyade in extremis. Tout cela, cependant, est synthétisé en images saccadées, rendues hypnotiques par le son répété de l’eau, comme une goutte tombant d’un robinet qui fuit, et le motif fluctuant des carreaux du sol et des murs qui se fond avec celui de l’eau. Tout est du même bleu, celui de David Hockney.

 

Shen Jie a expliqué lors d’une brève interview à Berlin qu’il a commencé à écrire de courtes histoires et des poèmes.

 

Splash  https://vimeo.com/542087942

 

En avril 2019, il a achevé un très court métrage de 2

 

Footprints

minutes : « Footprints » (脚印).

 

4.  Un court métrage de 22‘, «Tiger Stabs Tiger » (《虎的局部》), est annoncé en sélection officielle au festival de Locarno 2022 (3-13 août), dans la section Pardo di domani: Concorso internazionale [4].

 

Tiger Stabs Tiger

 

Interrogé sur son film, Shen Jie a déclaré qu’il avait encore innové en voulant lutter contre la tendance à se complaire dans l’aspect décoratif du mouvement dans les films d’animation. Il a voulu au contraire tester l’authenticité du non-mouvement, de l’immobilité, tout en le mettant au service d’une structure narrative ouverte [5].

 

 


 


[2] Les trois compositions musicales sont :

- « You’ve Got to Have Freedom » du saxophoniste de jazz américain Pharoah Sanders https://www.youtube.com/watch?v=prGeZ0ocsnA,

- et deux compositions de musique électronique : « Leaving Me » d’Aril Brikha https://www.youtube.com/watch?v=FMkelHK8Y1E

et « Du Fehlst Mir » de Thomas Fehlmann https://www.youtube.com/watch?v=8DfN2mJhDG4

[3] Dans une interview donnée en 2019 au festival FIRST dans laquelle il explique aussi le rôle important du montage dans ses films : https://www.sohu.com/a/328775594_758090

[4] https://www.locarnofestival.ch/LFF/locarno75/program-75/film.html?fid=1293313&l=en&eid=75

C’est le seul film chinois en compétition à Locarno cette année.

[5] Déclaration à Pékin le 6 juillet 2022 accompagnant l’annonce de la sélection du film à Locarno :

https://www.163.com/dy/article/HBM6OF47051499NK.html

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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