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Sun Mingjing 孙明经

Pionnier du documentaire chinois

par Brigitte Duzan, 03 mars 2012, révisé 22 octobre 2013

 

Cela fait tout juste une dizaine d’années que l’on a découvert aux Archives du Cinéma, à Pékin, un carton de vieilles bobines 16mm qui ne portaient aucune mention, ni de nom ni de titre. Il s’agissait de vieux documentaires tournés à la fin des années 1930 et dans les années 1940 par Sun Minjing (孙明经), le pîonnier du documentaire chinois.

Cette découverte inattendue, dûment authentifiée par le fils du réalisateur, Sun Jiansan (孙建三), a entraîné une vague de recherches autour d’un personnage que l’on avait totalement oublié. On a monté les films retrouvés, et on a découvert qu’il était aussi un fabuleux photographe : son objectif a conservé des pans entiers du territoire chinois miraculeusement préservés comme ils étaient à l’époque.
 

Très tôt attiré par la photographie et le cinéma

 

Sun Minjing (孙明经) est né à Nankin en 1911, d’un père

 

Sun Minjing jeune

pasteur et d’une mère institutrice. Son père, Sun Xisheng (孙熹圣), s’intéressa très tôt au cinéma et s’attacha à le promouvoir au sein de son université, l’université Jinling de Nankin (南京金陵大学),

 

Ses parents

 

université privée qui avait pour origine une école créée par des missionnaires chrétiens, et dans laquelle il enseignait.

 

Le jeune Sun Minjing fut initié à la photographie dès l’âge de cinq ans par un voisin. Dans les années 1920, il vit à l’université Jinling un documentaire pédagogique qu’avait réalisé un Américain du nom de Griffing sur la culture du coton en Chine, et cela détermina sa volonté de devenir lui-même documentariste.

 

En 1927, à sa sortie du lycée, il commença cependant un cursus scientifique et technologique à l’université Jinling : en effet, il n’y avait pas alors d’enseignement du cinéma en Chine et on lui conseilla d’opter pour les disciplines scientifiques car c’étaient celles qui pourraient par la suite lui être le plus utile pour entreprendre une carrière cinématographique.

 

Il obtint en 1934 un doctorat de sciences physiques, et devint aussitôt l’assistant du directeur du département de science et ingénierie de l’université. En 1936, ensuite, il fut nommé directeur du tout nouveau département audiovisuel éducatif (电影与播音部), le premier à être créé dans une université chinoise en regroupant le cinéma et la radio : à ce poste, il eut l’occasion de se former à tous les aspects techniques de la réalisation d’un film.

 

Ces débuts de pionnier dans un établissement d’origine missionnaire, et dans une ville qui était

 

Avec son épouse Lü Jin’ai

alors sous le contrôle de Guomingdang, sont sans doute deux des principales raisons qui ont longtemps entraîné l’exclusion de son nom des ouvrages d’histoire du cinéma chinois, et, très tôt, une mise à l’écart des responsabilités officielles par le nouveau régime communiste.


Pourtant, son activité de documentariste débuta dès 1937, à la veille de l’entrée en guerre du Japon, et continua pendant tout le conflit. C’est une œuvre pionnière remarquable tant par sa qualité que par sa quantité et sa diversité.

 

Documentariste pendant la guerre contre le Japon

 

Premiers films perdus

 

En 1937, l’université l’envoie en Chine du Nord avec une caméra 16 mm. Sun Mingjing filme nombre d’endroits stratégiques avant qu’ils soient envahis par l’armée japonaise. Tout en tournant, il prend des photos et des notes. Il aurait ainsi filmé une dizaine de bobines d’une quinzaine de minutes qui furent montrées aux soldats du front pour leur insuffler le courage et le désir de reconquérir le territoire perdu à l’ennemi. La majeure partie de ces films, photos et documents a malheureusement disparu. Les films envoyés en Inde pour y être développés se sont perdus en chemin.

 

En novembre 1937, avant que Nankin ne tombe aux mains des Japonais, l’université est évacuée au Sichuan, d’abord à Chongqing, avant d’être ensuite déménagée à Chengdu.

 

Les mines de sels de Zigong (自贡), au Sichuan, avril 1938 : Un marchand de sel devant sa demeure

 

Les mines de sels de Zigong (自贡),

au Sichuan, avril 1938: Une mine

 

Les mines de sels de Zigong (自贡),

au Sichuan, avril 1938 : Un travail très dur

 

Pionnier du documentaire et de l’enseignement du cinéma

 

Sun Mingjing dans les monts

Hengduan, 1939

 

En 1938, l’université inaugure un cursus de film et radio sur deux ans. C’est l’époque où une bonne partie des grandes universités de l’est de la Chine étaient regroupées sur le campus de l’université Huaxi (华西) à Chengdu : outre l’université Jinling, l’université Yenching (ou Yanjing 燕京大学) de Pékin, l’université Nankai (南开大学) de Tianjin, l’université Qilu (齐鲁工业大学) du Shandong … Les cours furent ouverts à tous leurs étudiants, et le cinéma devint une option très recherchée.

 

Sun Mingjing était le principal professeur, mais il n’était pas seul : il travaillait avec son épouse, Lü Jin’ai (吕锦瑷). Chimiste de formation, elle s’intéressa à la fabrication du papier photo et des pellicules ; ceux-ci étaient en effet importés d’Allemagne à prix d’or, et la guerre entraîna une rupture des importations. Elle sut trouver des moyens artisanaux pour résoudre les problèmes de fabrication de l’émulsion photosensible et en fit un sujet d’enseignement.

 

En même temps, Sun Jingming alla tourner dans les endroits les plus difficiles d’accès du Sichuan, du Qinghai et jusqu’aux confins du Tibet. Il nous a laissé des films et des photos étonnants sur les mines de sel de Zigong (自贡), au Sichuan, visitées dès avril 1938, sur les bombardements japonais à Chongqing, sur les monts Hengduan, sur les aspects peu connus de la région de Ya’an, en particulier la vieille route du thé et des chevaux (茶马古道) et la tradition des « briques de thé » (砖茶), fabriquées en pilant le thé pour en faciliter le transport.

 

 

A Ya’an (Sichuan), en 1939 :

Un entrepôt de riz

 

A Ya’an (Sichuan), en 1939 :

Une fabrique artisanale de fer

 

 

 

A Ya’an (Sichuan), en 1939 : la route du thé

 

 

En janvier 1939, par ailleurs, était créée la province du Xikang (西康省), formée de territoires multiethniques, aux franges du Tibet et du Sichuan. Cette nouvelle province frontalière de la République

 

Le photographe Zhuang Xueben (à g.) et Sun Mingjing (à d.)

à Yidun, Xikang, pendant la guerre

 

de Chine attira l’intérêt de nombreux voyageurs, journalistes et scientifiques chinois qui y virent un laboratoire ethnique. Les Chinois s’arrachèrent les journaux qui publiaient photos et reportages sur les ethnies minoritaires de la zone, leurs coutumes et leurs rituels religieux. Sun Minjing travailla en particulier avec le photographe ethnologue Zhuang Xueben (庄学本), pionnier, lui, de l’anthropologie visuelle en Chine. Leurs superbes photos attestent de l’intérêt pour cette région et ses nombreuses ethnies, en un temps où la Chine était en proie à une crise nationale et identitaire sans précédent.

 

Intermède américain

 

A partir de 1940, l’université de Nankin envoya diverses personnes à l’étranger pour se former aux techniques cinématographiques modernes. Sun Mingjing put ainsi aller aux Etats-Unis. Il faut envoyé à l’American Film Center, à New York, mais il visita aussi les principaux instituts cinématographiques américains, y compris les studios Disney.

 

A son retour à Chengdu, en 1941, il rapporta tout un chargement d’équipement cinématographique et de matériel photographique avec lequel, en 1942, il alla filmer et photographier pendant trois ans les provinces du Yunnan, du Guizhou et du Sichuan.

C’est à cette époque également qu’il fonda le « Mensuel du film et de la radio », qui parut entre 1942 et octobre 1948, avec des articles sur la technique cinématographique aussi bien que des commentaires sur ses propres films ; la somme des numéros édités, en quelque six

 

Sun Mingjing et son groupe d’étudiants

à l’université Jinling en 1948

volumes, est encore aujourd’hui considérée comme une bible par les rares personnes qui en possèdent des copies.

En mai 1946, après la fin de la guerre, l’université revint à Nankin, et il poursuivit là son projet pédagogique.

 

Après 1949 : fondateur vite écarté

 

Sun Mingjing et son épouse dans les années 1980

 

Après la fondation de la République populaire, le cinéma devient l’une des priorités du nouveau régime. En 1952, dans le cadre de l’immense réorganisation des établissements scolaires et universitaires, le département de cinéma de l’université de Nankin est transféré à Pékin pour être intégré dans l’Ecole centrale du cinéma récemment créée - aujourd’hui devenue l’Institut (ou Académie, selon l’anglicisme courant) du cinéma de Pékin (北京电影学院).

 

C’est ainsi que Sun Mingjing est devenu l’un des membres fondateurs de la principale institution

d’enseignement cinématographique chinoise, en y créant le département de cinématographie à un moment où l’Institut n’était encore qu’une école de formation d’acteurs.  

 

Cependant, dès cette année 1952, son passé lui vaut d’être exclu de tout poste de responsabilité, et relégué à l’enseignement, comme simple professeur ; seule son épouse est nommée responsable d’une équipe au sein de l’Ecole centrale de cinéma.

 

En 1957, il est condamné comme droitier et ses films et documents sont confisqués. La Révolution culturelle fut ensuite une nouvelle période très dure, pour lui et pour toute la famille.

 

Après 1978 : émergence de l’oubli

 

Il retrouva une activité en 1978 et enseigna à l’Institut du cinéma de Pékin lors de sa réouverture. Il est cependant resté oublié des arcanes du cinéma chinois jusqu’à sa mort.

 

Il est décédé, en 1992, dans un oubli quasi-total, et, qui plus est, avec l’immense tristesse de penser son œuvre perdue à jamais.

 

Or, elle n’était qu’égarée. Au début de la Révolution culturelle, ses films et documents avaient été emportés dans un sac de jute par des Gardes rouges sous les yeux médusés de la famille. C’est un miracle que les bobines de ses films aient pu être retrouvées. Il y en a une trentaine au total.

 

La trouvaille providentielle a suscité des recherches à partir du début des années 2000. En 2011, un hommage lui a été rendu en Chine à l’occasion de son centenaire et un buste en bronze a été inauguré avec celui de Joris Ivens au Palais du Peuple à Pékin.

 

Une rétrospective de quatorze films, numérisés pour l’occasion, a été programmée dans le cadre de la 8ème édition du Festival du cinéma chinois de Paris, qui a lieu du 24 octobre au 14 novembre 2013.

 

A cette occasion, en complément d’une synthèse biographique, le catalogue du festival publie un témoignage de la petite fille de Sun Mingjing, Liu Ying (刘嫈), qui donne un éclairage plus intime sur la personnalité de ses grands-parents, ainsi que la traduction d’un article du professeur Zhang Tongdao (张同道) intitulé « Sun Mingjing et les films pédagogiques »  (《孙明经与教育电影》) dans lequel il décrit et analyse en détail l’ensemble des documentaires.

 


 

A voir en complément :

La galerie de photos sur la page web dédiée à Sun Mingjing : www.fotocn.org/sunmingjing

 

A lire en complément :
Un article de Zhang Tongdao : Sun Mingjing et les films pédagogiques

 

 

 

Tous nos remerciements à Liu Ying qui nous a apporté des renseignements précieux pour la révision de cet article.

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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