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Ann Hui / Xu Anhua 许鞍华

Présentation

par Brigitte Duzan, 26 mars 2013, actualisé 7 décembre 2023

 

Après avoir signé les films les plus novateurs dans les genres les plus divers de la Nouvelle Vague du cinéma hongkongais, Ann Hui est devenue, la maturité aidant, une réalisatrice d’une grande sensibilité qui, tout en restant à l’écart du mainstream commercial, sait allier ses exigences esthétiques aux contraintes du marché.

 

Elle a peu à peu peaufiné son style en abordant des genres d’une infinie variété, traités alternativement sur un mode humoristique ou dramatique, et su approfondir les thèmes qui lui sont propres, en partant des problèmes de l’immigration : problèmes familiaux et sociaux, vus sous l’angle des défavorisés et marginaux dans une société plus conservatrice qu’il n’y paraît, et tout particulièrement des femmes.

 

Etudes à Londres et débuts à la télévision

 

Ann Hui, en 2011 à Venise

 

Ann Hui (许鞍华) est née en mai 1947 à Anshan (鞍山), dans le Liaoning, de père chinois, secrétaire du Guomingdang, et de mère japonaise. Après l’instauration du régime communiste chinois, la famille est partie à Macau, en 1952.

 

C’est là qu’Ann Hui a passé son enfance, avant d’aller continuer ses études secondaires à Hong Kong. Elle a fait des études d’anglais et de littérature comparée à l’université de Hong Kong. Puis, après une thèse de fin d’études sur Alain Robbe-Grillet, elle est partie en 1972 étudier à la London Film School, avant de retourner à Hong Kong en 1975. Elle fait partie de tous ces réalisateurs hongkongais de la Nouvelle Vague qui ont reçu une première formation à l’étranger, dans le monde anglo-saxon.

 

1. A son retour à Hong Kong, elle devient brièvement l’assistante de King Hu (胡金铨), mais, comme ses pairs de la Nouvelle Vague, c’est à la télévision qu’elle fait ses premiers pas et trouve un terrain fertile pour affirmer un style totalement novateur. Elle entre d’abord à la chaîne de télévision TVB (Television Broadcast Ltd) comme scénariste et réalisatrice et y réalise, outre une série de documentaires dont « Wonderful » (《奇趣园》), quatre épisodes de la série CID dont « Social Worker – Ah Sze » et « Social Worker – Boy ».

 

Social Worker – Ah Sze

 

Ces premières réalisations révèlent une profonde implication dans les problèmes sociaux de Hong Kong. « Social Worker – Ah Sze » décrit les difficultés rencontrées par une femme qui émigre illégalement de Chine continentale à Macau où elle est vendue dans un réseau de prostitution avant d’arriver à gagner à Hong Kong, mais pour y continuer la même existence sans espoir, sous le contrôle d’une triade. « Social Worker – Boy » est une autre histoire désespérée, d’une famille dont la mère prend le risque de simuler un accident pour tenter de se faire payer des dommages et intérêts.

 

2. En 1977-78, Ann Hui réalise six moyens métrages d’une heure pour la Commission indépendante contre la Corruption (ICAC), dont deux seront interdits. Bien que ces films soient sensés louer le travail de la Commission, Ann Hui n’érige pas les enquêteurs de l’ICAC en héros valeureux et invincibles, mais les dépeint en confrontation avec le public, qui ne les comprend pas ou, même, leur tourne le dos.

 

3. En 1978, la réalisatrice entre à la Radio-Télévision de Hong Kong, (RTHK 香港电台), où elle réalise trois épisodes de la série « Below the Lion Rock » (《狮子山下》) [1] : « The Boy from Vietnam » (《越南来客》), « The Bridge » (《桥》), et « The Road » (《路》). Ces films annoncent les principales thématiques de son œuvre à venir : problèmes de société et problèmes identitaires des immigrés à Hong Kong, devenant par la suite recherche identitaire au sens large, avec une attention particulière accordée au sort malheureux des femmes.

 

The Boy from Vietnam

 

Dans « The Bridge », par exemple, elle décrit les affrontements entre les résidents et les autorités locales qui ont fait démolir un pont ; à la fin, les autorités cèdent à la pression publique et font reconstruire le pont. Quant à « The Boy from Vietnam », il préfigure les nombreux films de la réalisatrice sur les destins tragiques des immigrés et de leurs luttes pour se reconstruire une identité dans un contexte culturel différent. Le film va former la première partie de la « Trilogie du Vietnam », au début des années 1980.

 

1979-1990 : recherches et expériences

 

Satire des croyances populaires

 

En 1979, Ann Hui abandonne la télévision et se tourne vers le cinéma, avec un premier long métrage, « The Secret » (《疯劫》), suivi d’un second l’année suivante, « The Spooky Bunch » (《小姐撞到鬼》), tous deux conçus sur le même sujet :  les croyances populaires dans le surnaturel et les esprits.

 

1. Le premier est une sorte de film de série noire, avec une personne assassinée qui n’est pas celle que l’on pensait, et une narration complexe, dont une scène de lecture de lettres de la pseudo-victime en voice-over, mêlant passé et présent et brouillant les perspectives.

 

2. Le second, dont le titre chinois signifie ‘la petite troupe se heurte à des fantômes’,  reflète les croyances chinoises traditionnelles aux fantômes et esprits malveillants, mais traité sur un mode humoristique. Dans « The Secret », les esprits étaient imaginaires, ici ils sont réels, et apparaissent même en plein jour. L’histoire est celle d’une troupe d’opéra cantonais invitée dans une petite île où les acteurs vont se trouver confrontés aux fantômes de soldats morts pour avoir ingurgité des médicaments trafiqués par les grands-pères de deux membres de la troupe, et qui cherchent à se venger.

 

Là encore, Ann Hui innove sur le plan narratif, en adoptant un ton de comédie légèrement carnavalesque qui mêle confusément  hommes et esprits, comme pour se moquer des superstitions populaires.  « The Spooky Bunch » est un film inventif qui ouvrait la voie à une nouvelle phase dans l’œuvre de la réalisatrice.

 

La trilogie du Vietnam

 

The Secret

 

The Spooky Bunch

 

En 1981 et 1982, dans un contexte où les films de gangsters et d’action étaient à la mode, Ann Hui revient vers le sujet qu’elle avait commencé à traiter avec « The Boy from Vietnam » en 1978. Les deux films alors réalisés complètent ce qu’il est convenu d’appeler sa « Trilogie du Vietnam », témoignage personnel sur le sort des réfugiés vietnamiens arrivés en masse à Hong Kong à la fin des années 1970.

 

1. « Story of Woo Viet » (《胡越的故事》), avec Chow Yun-fat et Cora Miao dans les rôles principaux, est l’un des premiers « drames politiques » réalisés à Hong Kong.

 

Woo Viet veut quitter son pays, le Vietnam, pour aller aux Etats-Unis. Mais il doit d’abord passer par Hong Kong où il échoue dans un camp de réfugiés ; ayant tenté de comprendre pourquoi certains disparaissent, il doit s’enfuir avec un faux passeport. Il fait la connaissance d’une femme qui voyage avec lui, mais, lors de leur escale aux Philippines, comme celle-ci risque d’être prise dans un réseau de prostitution. Woo Viet reste pour tenter de la sauver et doit devenir tueur à gages…

 

La fin est sombre et n’offre pas de solution à l’errance de Woo Viet. Le film poursuit la peinture sans espoir du sort des émigrés commencée avec « The Boy from Vietnam » : l’avenir semble sans issue pour eux.

 


Story of Woo Viet

 

2. « Boat People » (《投奔怒海》) raconte le destin terrifiant du peuple vietnamien après la prise du pouvoir par les Communistes, à la suite de la chute de Saigon.

 

L’histoire est contée par un photojournaliste japonais qui est invité à faire un reportage sur la vie au Vietnam après la guerre. Derrière les images idylliques qui sont mises en scène pour lui, et les étrangers, il découvre peu à peu les horreurs du quotidien : il rencontre une mère qui se prostitue en secret pour élever ses enfants et d’autres jeunes dont la vie est précaire. Les conditions de vie sont atroces, les gens traités comme du bétail, la mère, dénoncée comme prostituée, se suicide, le journaliste périt en aidant ses deux enfants à fuir le pays, mais eux sont sauvés…

 

Derrière le Vietnam communiste se profile la Chine communiste, d’autant plus que le film a été tourné sur l’île de Hainan : Ann Hui a obtenu l’autorisation de tourner là juste après la fin de la guerre. « Boat People » est le premier film

 

Boat People

de Hong Kong tourné en Chine continentale. Chow Yun-fat déclina la proposition de tourner à nouveau dans ce film, par peur de se voir boycotté à Taiwan ; le rôle revint à Andy Lau qui était encore peu connu à Hong Kong.

 

Le film a obtenu cinq prix aux Hong Kong Film awards en 1982 (dont meilleur film et meilleure réalisatrice) et a été présenté hors compétition au festival de Cannes en 1983. Il a contribué à asseoir la renommée internationale de la réalisatrice. Pourtant, elle traverse ensuite une période un peu chaotique.

 

Années de transition et de recherche

 

1. En 1984, Ann Hui rejoint une Shaw Brothers sur le déclin. Elle adapte alors une nouvelle de Zhang Ailing (张爱玲) [2] écrite quarante ans plus tôt : « Love in a Fallen City » (《倾城之恋》). L’histoire se passe à Hong Kong, juste avant la chute de la ville aux mains des Japonais.

 

Zhang Ailing y dépeint un personnage féminin meurtri par un premier mariage désastreux, au  bord du désespoir, qui retrouve goût à la vie grâce à sa rencontre avec un sympathique célibataire hongkongais rencontré par hasard à Shanghai qu’elle va rejoindre à Hong Kong en pleine guerre.

 

La nouvelle a fasciné la réalisatrice qui s’est sentie, selon ses propres dires, vibrer à sa lecture et en parfaite symbiose avec elle : « J’étais stupéfaite. Comment un écrivain pouvait-il écrire sur Hong Kong avec exactement les mêmes sentiments que les miens à l’égard de la ville ? Il y avait là une résonance très spéciale. » [3] L’adaptation qu’elle en a faite est donc parfaitement fidèle à l’original, au point d’en préserver des dialogues un peu trop littéraires. Mais l’œuvre annonce une réflexion et une thématique plus personnelles, mais qui ne prendra forme que dans la décennie suivante.

 

The Book and the Sword, le roman

(en deux volumes), édition originale

 

2. En 1987, Ann Hui réalise une autre adaptation d’une œuvre littéraire, un roman de wuxia cette fois (武侠小说), du grand maître de ce genre de littérature au vingtième siècle : Jin Yong (金庸), ou Louis Cha. L’œuvre qu’elle choisit d’adapter fait partie des grands classiques du genre, le premier des quinze romans de Jin Yong : « The Book and the Sword » (《书剑恩仇录》), initialement publié dans The New Evening Post en 1955-56.

 

Princess Fragrance

 

Ann Hui en tire deux films (en mandarin), sortis en août 1987 : « The Romance of Book and Sword » (《书剑恩仇录》), basé sur la première partie du roman, et « Princess Fragrance » (香香公主), basé sur le personnage, apparu dans la seconde partie, de cette princesse ouighour contrainte de devenir la concubine de l’empereur Qianlong, autre exemple de femme au destin malheureux dans la filmographie de la réalisatrice.

 

C’est tout au plus un exercice de style dans la carrière d’Ann Hui, mais il ne faut pas négliger la thématique profonde de ces deux films : le conflit entre identité personnelle et identité nationale.

  

3. En 1988, elle revient à un style et une thématique plus personnels, avec une histoire d’amour sur fond de changements sociaux à Hong Kong, contée par une narratrice, du point de vue féminin : « Starry is the night » (《今夜星光灿烂》).

 

Il s’agit en fait de deux histoires d’amour vécues par une femme, interprétée par Brigitte Lin (林青霞), à vingt années d’intervalle : d’abord étudiante à la fin des années 1960, elle tombe amoureuse d’un professeur marié, Zhang Yingquan (张英全), qui s’enfuit en Angleterre quand elle tombe enceinte ; dans les années 1980, elle tombe amoureuse de son fils.

 

Le film retrace les événements sociopolitiques qui ont marqué Kong Kong pendant ces deux décennies, en commençant par les émeutes de 1967. Pendant ce temps, alter ego de la réalisatrice, l’héroïne poursuit un processus de maturation qui en fait une femme indépendante. Au début, elle rêvait de voir son amant l’emmener visiter la Grande Muraille ; à la fin, elle y va toute seule…

 

Starry is the Night

 

Quant à Ann Hui, elle est prête à aborder les thèmes familiaux sur fond de conflit culturel qui lui sont les plus chers, et sans doute aussi les plus douloureux.    

 

Années 1990 : recherche stylistique et genres divers

 

1. Sorti en avril 1990 et présenté au festival de Cannes en mai, dans la section Un certain regard, « Song of the Exile » (《客途秋恨》) est une œuvre en grande partie autobiographique, d’une grande sensibilité : à travers sa propre expérience d’immigrée de Chine continentale et fille d’une mère japonaise, Ann Hui dresse un tableau complexe d’identités nationales et culturelles conflictuelles, chez différentes personnes que les hasards de l’histoire et de la guerre ont forcées à l’exil. Le titre chinois donne le ton : lamentation d’automne du voyageur (ou de l’hôte) en errance.

 

Le film couvre trois décennies, des années 1940 à la fin des années 1960, et analyse pendant cette période l’évolution des rapports entre une jeune Chinoise de Hong Kong, étudiante en cinéma, interprétée par Maggie Cheung (张曼玉), sa mère japonaise installée à Hong Kong et son grand-père qui vit à Macau, mais qui, tous deux, rêvent de revenir chez eux. C’est

 

Song of the Exile

grâce à un voyage avec sa mère au Japon, dans sa famille, qu’elle se réconcilie avec elle, et une partie de ses racines identitaires. Le film s’achève sur leur retour ensemble à Hong Kong, sur une note apaisée.

 

« Song of the Exile » est l’un des chefs d’œuvre d’Ann Hui, un film cathartique qui marque un tournant dans son œuvre.

 

2. Le film suivant, « My American Grandson » (《上海假期》), sorti en novembre 1991, est une variation sur le même thème : la recherche identitaire chez des jeunes marqués par l’émigration et l’exil, mais traitée cette fois avec un humour chaleureux.

 

Sur un scénario de Wu Nien-jen/ Wu Nianzhen (吴念真), scénariste de Hou Hsiao-hsien (侯孝贤) et figure marquante de la Nouvelle Vague taiwanaise, Ann Hui brosse le portrait d’un jeune garçon que son père, jeune Chinois qui enseigne aux Etats-Unis, envoie à son propre père en Chine parce qu’il n’a pas le temps de s’en occuper. Le jeune Guming renâcle contre le peu de confort de la maison du grand-père et sème la zizanie dans son école en se rebellant contre la discipline et le manque de liberté critique laissée aux élèves. Il finit par s’enfuir, mais, recueilli par une famille de paysans, il est touché par leur gentillesse, et se réconcilie avec son grand-père… et sa culture.

 

My American Grandson

  

3. En 1991 également, « Zodiac Killers » (《极道追踪》) met en scène le sort fatal d’une jeune Chinoise tombée amoureuse d’un gangster japonais. Mais c’est une œuvre de transition, de même que « Boy and his Hero » (《少年与英雄》) en 1993.

 

Ann Hui revient vers Hong Kong et les sujets qu’elle traite le mieux, les femmes, la famille, le vieillissement, avec « Summer Snow » (《女人四十》), en 1995.  Le film est traité dans un style réaliste, décrivant les menues affaires de la vie quotidienne. Le personnage principal, interprété par Joséphine Siao, est une mère de famille dévouée à son mari et à son fils, qui s’occupe en plus avec bonne humeur de son beau-père veuf, atteint de la maladie d’Alzheimer.

 

Le film est un hommage sensible aux vertus discrètes des femmes (le titre chinois signifie : la femme à quarante ans) et préfigure « A Simple Life » (《桃姐》). Il a obtenu l’Ours d’argent au festival de Berlin en février 1995, tandis que Joséphine Siao y était couronnée de celui de la meilleure actrice, avant de glaner nombre de récompenses ailleurs, aux festivals de Hong Kong et de Créteil en particulier.

 

Le film suivant, « The Stuntwoman » (《阿金的故事》), en 1996, devait être un hommage au film d’action hongkongais, celui des King Hu et Chang Cheh, ainsi qu’au travail réalisé en coulisses ; mais il n’est qu’une curiosité restée dans les annales en raison de l’accident survenu en cours de tournage à l’actrice Michelle Yeoh, gravement blessée pour avoir mal calculé un saut d’un pont. La réalité avait rejoint la fiction.

 

4. Le film le plus intéressant de la deuxième moitié de la décennie est certainement, en 1997, « Eighteen Springs » (《半生缘》), seconde adaptation par Ann Hui d’un roman de Zhang Ailing, qui reprend le thème du sort tragique des femmes, cette fois dans la Chine des années 1930 et 1940.

 

Si le film est intéressant, cependant, c’est surtout pour les innovations stylistiques introduites par la réalisatrice dans cette adaptation, en particulier dans le traitement du texte, par utilisation d’un système complexe de monologue et de voice over.  

 

Ce procédé de voice over est à nouveau largement utilisé dans « Ordinary Heroes » (《千言万语》), l’année suivante, pour exprimer les sentiments intérieurs des personnages, détermination ou souvenirs nostalgiques. Le film est un hommage aux héros anonymes de la lutte pour les réformes sociales à Hong Kong, avec dans les deux rôles principaux Anthony Wong et Lee Kang-sheng (l’acteur fétiche de Tsai Ming-liang).

 

Mais, en 1997, date de la rétrocession de Hong Kong à la

 

Zodiac Killers

 

Summer Snow

 

Eighteen Springs

Chine [4], Ann Hui a également réalisé un documentaire intitulé « As Time Goes By » qui s’insère dans une série produite à Taiwan sur la mémoire historique de Hong Kong, durant les quarante années qui ont précédé la rétrocession.

 

Années 2000 : élargissement et approfondissement de la thématique

 

Le début du millénaire est marqué par une série de films qui s’insèrent bien dans les thèmes usuels de la réalisatrice mais ne sont pas des films marquants.

 

1. Ann Hui débute le millénaire avec un film d’horreur traité en comédie, qui semble être un clin d’œil à ses premiers films : « Visible Secret » (《幽灵人间》) a pour héroïne une jeune infirmière, interprétée par Shu Qi (舒淇), qui prétend avoir le pouvoir de voir les esprits. Une série de morts dans son entourage inquiète son copain, surtout quand son père se suicide à l’hôpital dans des circonstances bizarres…

 

2. En 2002, « July Rhapsody » (《男人四十》), sur un scénario d’Ivy Ho (岸西), est le pendant de « Summer Snow » réalisé sept ans plus tôt ; le titre chinois signifie en effet ‘l’homme à quarante ans’. Le film conte l’histoire caractéristique d’un professeur, interprété par Jacky Cheung ; en pleine crise de la quarantaine, il se laisse séduire par une étudiante tandis que son mariage va à vau-l’eau. C’était la dernière apparition d’Anita Mui au cinéma, avant son décès d’un cancer cervical, en 2003.

 

3. En 2003, « Jade Goddess of Mercy » (《玉观音》) est l’adaptation d’un roman populaire à suspense qui a aussi été adapté en série télévisée. Le film d’Ann Hui est sauvé par l’interprétation de Zhao Wei (赵薇) dans le rôle principal.

 

Mais il faut attendre la seconde moitié des années 2000 pour retrouver Ann Hui dans sa meilleure forme. Elle élargit alors sa thématique sur les problèmes sociaux et familiaux en l’étendant à des catégories de marginaux sociaux qu’elle n’avait pas traitées jusque là, les homosexuels en particulier. 

 

1. En 2006, « The Postmodern Life of My Aunt » (《姨妈的后现代生活》) est une tragi-comédie (faute de terme plus adéquat) comme on en voit peu dans le cinéma hongkongais, sur un scénario de Li Qiang (李樯), le scénariste du « Peacock » (孔雀) de Gu Changwei (顾长卫) en 2005.

 

Le film est en outre interprété par un duo exceptionnel et quelque peu inattendu : Chow Yun-fat dans le rôle d’un artiste auto-proclamé, amateur d’opéra traditionnel, et Siqin Gaowa (斯琴高娃) dans le rôle de "la tante", qui, à cinquante ans bien sonnés, vit seule à Shanghai loin de sa fille, interprétée par Zhao Wei, et à laquelle sa naïveté bon enfant réserve quelques déboires.

 

July Rhapsody

 

The Postmodern Life of my Aunt

 

2. En 2008, « The Way We Are » (《天水围的日与夜》) revient à la thématique sociale si bien traitée par la réalisatrice : elle y brosse le portrait d’une ouvrière qui doit élever son fils et subvenir aux besoins de sa mère malade ; elle fait la connaissance d’une femme plus âgée qui l’aide à affronter les difficultés et la précarité de sa situation.

 

3. Second volet de « The Way We Are », « Night and Fog » (《天水围的夜与雾》) a été le film d’ouverture du 33ème festival de Hong Kong, en mars 2009. Les deux films sont liés par leur thématique et l’endroit où ils se passent : Tin Shui Wai, au nord-ouest des Nouveaux Territoires. Tous deux sont ce qu’Ann Hui a fait de meilleur sur les problèmes des femmes dans un milieu difficile d’immigrants où les femmes sont celles qui souffrent le plus.

 

Le scénario de « Night and Fog » est basé sur une affaire de meurtre qui s’est réellement passée à Tin Shui Wai, en 2004. Une femme a été assassinée avec ses deux enfants par son mari après avoir alerté les services sociaux sur les violences auxquelles elle était soumise. Ann Hui a confié le rôle à une actrice nouvelle dans sa filmographie qui fait merveille dans ce film : Zhang Jingchu (张静初).

 

Night and Fog

 

Années 2010 : comédies et mélos

 

1. Sorti en 2010, « All About Love » (《得闲炒饭》) est un film réjouissant sur les problèmes des lesbiennes à Hong Kong, mais pas seulement. A travers l’histoire de deux femmes qui ont vécu ensemble, se sont séparées et perdues de vue, et se retrouvent par hasard, dans un service de conseil aux femmes enceintes, la réalisatrice se livre ici avec une joie évidente à une satire de tous les préjugés qui ont cours sur des sujets rarement abordés dans le cinéma de Hong Kong : la sexualité, la maternité et les discriminations de tous ordres, dans une société finalement très conservatrice.

 

Traité sur un mode humoristique particulièrement réussi, le film est pétille de joie de vivre, emmené par l’interprétation hors pair de Sandra Ng, mais aussi de tous les rôles secondaires. Il a fait l’ouverture du festival d’été de Hong Kong, en juillet 2010.

 

All About Love

 

On peut lui rattacher, sur un thème proche, le court métrage de 2012 sponsorisé par youku : « My Way » (《我的路》)

 

2. 2012 est aussi la sortie d’un des grands succès d’Ann Hui tant dans les festivals qu’au box office : « A Simple Life » (《桃姐》). Elle y reprend, avec une grande sensibilité, le thème de la vieillesse et de la maladie, mais en le traitant dans le cadre d’un autre thème qui lui est cher : celui des relations familiales éclatées, au sein d’une société hongkongaise toujours marquée par l’émigration, pour ne pas parler de post-colonialisme. Elle y retrouve aussi son vieux complice Andy Lau, même si le film, comme presque toujours chez elle, est centré sur le personnage féminin, interprété par Deanie Ip (叶德娴).

 

3. Aussitôt après « A Simple Life », Ann Hui s’est lancée dans la réalisation d’un film sur la romancière Xiao Hong qu’elle préparait depuis longtemps et pensait sortir pour le centenaire de la naissance de Xiao Hong, en 2011 ; mais elle a été devancée par Huo Jianqi (霍建起). Finalement, son film est sorti en 2013 et s’appelle « The Golden Era » (《黄金时代》), époque dorée comme les souvenirs du temps passé.

 

4. Sorti en Chine continentale le 1er juillet 2017 pour le 20ème anniversaire de la Rétrocession de Hong Kong à la Chine, puis le 6 à Hong Kong, « Our Time Will Come » (《明月几时有》) se situe pendant la période de l’occupation japonaise de la colonie britannique. Le film dépeint la lutte de groupes de jeunes résistants et a pour personnage principal une figure légendaire de la résistance contre les Japonais à Hong Kong, une femme surnommée Fang Gu (方姑), interprétée par Zhou Xun (周迅). La photographie est signée Yu Lik-wai (余力爲), le montage est de Mary Stephen. Outre Zhou Xun, le casting compte une pléiade de grands acteurs, dont des vétérans du cinéma de Hong Kong.
 
La première mondiale du film a eu lieu au festival de Shanghai en juin 2017. Il devait ensuite être présenté au festival de Cannes, mais, au dernier moment, le film a été remplacé par « The Chinese Widow » du réalisateur danois Bille August qui

 

Our Time Will Come

avait été le film d’ouverture du festival de Shanghai : une histoire héroïque pendant la seconde guerre Mondiale entre une veuve chinoise du Zhejiang et un pilote américain qu’elle a trouvé inanimé et qu’elle sauve au prix de sa propre vie. Malgré tout, « Our Time Will Come » a eu des réactions et des critiques positives, en particulier en Chine, et a plus rapporté au box-office que « The Golden Era ».

 

5. En 2020, pour « Love After Love » (《第一炉香》), Ann Hui est revenue vers les sources littéraires qui lui ont inspiré « Love in a Fallen City » (《倾城之恋》) en 1984 et « Eighteen Springs » (《半生缘》) en 1997. Comme pour compléter une trilogie, le film est adapté du premier des deux « Brûle-parfums » qui fait partie de la série de nouvelles publiées par Zhang Ailing en 1943, comme « Love in a Fallen City ». Avec l’écrivaine Wang Anyi (王安忆) pour le scénario [5], Christopher Doyle pour la photographie et Mary Stephen pour le montage, Ann Hui s’est constitué une superbe équipe.

 

« Love After Love » a été présenté hors compétition à la 77ème édition de la Biennale de Venise, début septembre 2020, tandis que la réalisatrice était couronnée d’un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière.

 

Comme pour clore une longue histoire, et au seuil d’une nouvelle, Ann Hui avait entretemps  participé à un film sorti avec beaucoup de retard en 2020 : « Septet, the Story of Hong Kong » (《七人乐队》). Comme l’indique le titre, le film fait appel à sept cinéastes emblématiques du cinéma hongkongais pour retracer, chacun à sa manière, l’histoire de Hong Kong et de son cinéma, sur sept décennies [6]. Lancé par Johnnie To, le projet comptait au départ huit réalisateurs, réduit à sept après l’abandon de John Woo. On pouvait craindre un manque de cohérence, trois impératifs de départ ont donc été posés pour l’éviter : tourner en pellicule, partir d’un souvenir d’enfance et exprimer sa vision personnelle de la ville. Le génie de chacun a fait le reste, les souvenirs se répondant, en écho.

 

Ann Hui offre une histoire pleine de sensibilité et de subtilité centrée sur un directeur d’école, une institutrice et une classe d’enfants turbulents. Au-delà du thème du système

 

Love After Love

 

Septet

scolaire hongkongais, ce sont les problèmes socio-économiques que touche ici Ann Hui, en revenant vers l’un de ses sujets privilégiés depuis ses débuts ; elle évoque la réduction du fossé entre les générations en terminant sur la touchante réunion du vieux professeur et de ses anciens élèves devenus adultes. On a l’impression d’une master class. 

 

2023 : Documentaire

 

Après deux films qui semblaient se détourner de l’histoire et de la vie de Hong Kong [7], Ann Hui (许鞍华) y est revenue dans un documentaire, « Elegies » (《詩》), dédié aux poètes de Hong Kong. Le documentaire a été l’un des deux films d’ouverture du 47e Hong Kong International Film Festival, le 30.mars 2023.

   


 

Filmographie

 

1979  The Secret 《疯劫》              

1980  The Spooky Bunch 《撞到正》   

1981  The Story of Woo Viet  《胡越的故事》

1982  Boat People 《投奔怒海》

1984  Love in a Fallen City 《倾城之恋》

1987  The Romance of Book & Sword 书剑恩仇录

1987  Princess Fragrance  《香香公主》

1988  Starry Is the Night  《今夜星光灿烂》

1990  Song of Exile  《客途秋恨》

1991  My American Grandson  《上海假期》

1991  Zodiac Killer 《极道追踪》

1993  Boy and his Hero 《少年与英雄》

1995  Summer Snow  《女人四十》

1996  The Stunt Woman  《阿金的故事》

1997  As Time Goes By   Documentaire

1997  Eighteen Springs 《半生缘》

1999  Ordinary Heroes  《千言万语》

2001  Visible Secret 《幽灵人间》

2002  July Rhapsody 《男人四十》

2003  Goddess of Mercy《玉观音》

2006  The Postmodern Life of My Aunt 《姨妈的后现代生活》

2008  The Way We Are 《天水围的日与夜》

2009  Night and Fog 《天水围的夜与雾》

2010  All About Love《得闲炒饭》

2011  A Simple Life 《桃姐》

2012  My Way 《我的路》     Court métrage

2014  The Golden Era 《黄金时代》

2017  Our Time Will Come 《明月几时有》

2020  Love After Love 第一炉香

2020  Septet 《七人乐队》

2023  Elegies 《詩》   Documentaire

 


 


[1] La série a eu au total plus de deux cents épisodes (sans lien entre eux), de 1973 à 1994 ; au début de 15 minutes, ils sont passés à une demi-heure, et enfin une heure à partir de 1978. Son thème musical, composé par Joseph Koo en 1979, est devenu une sorte d’hymne officieux de la ville (香港市歌) qui a été fredonné par des millions de hongkongais et interprété lors de diverses manifestations officielles. La série a servi de tremplin à de nombreux réalisateurs de Hong Kong dont, outre Ann Hui, Allen Fong et Derek Yee.

[3] Cité par Pak Tong Cheuk, Hong Kong New Wave Cinema, Intellect Books, Bristol/Chicago 2008, p. 64.

[4] Le territoire de Hong Kong avait été concédé en bail à la Couronne britannique, par divers traités signés après les défaites de la Chine dans les guerres de l’opium. Il a été rétrocédé à la Chine le 1er juillet 1997.

Pour plus de détails, voir : http://www.chinesemovies.com.fr/reperes_Hong_Kong_retrocession.htm

[5] Wang Anyi, écrivaine shanghaïenne née en 1954, voir :

http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_WangAnyi.htm

[6] Outre Ann Hui, il s’agit dans l’ordre chronologique de : Sammo Hung, Patrick Tam, Yuen Woo-ping, Johnnie To, Ringo Lam et Tsui Hark.

[7] Mais ce serait bien sûr sans tenir compte des allusions (possibles) que l’on peut y deviner, ne serait-ce que dans le titre du film sorti en 2017, pour le 20ème anniversaire de la Rétrocession : « Our Time Will Come ». Le titre chinois (《明月几时有》), tiré d’un poème nostalgique de Su Shi (苏轼), signifie « quand aurons-nous une lune brillante ? ».

 

     

 

 

 

 
 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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