Accueil Actualités Réalisation
Scénario
Films Acteurs Photo, Montage
Musique
Repères historiques Ressources documentaires
 
     
     
 

Metteurs en scène

 
 
 
     
 

Zhang Shichuan 张石川

1889-1953

Présentation

par Brigitte Duzan, 1er mai 2018

 

Réalisateur et producteur, Zhang Shichuan est généralement considéré comme le père du cinéma chinois et représente donc l’un des « piliers » de la première génération de réalisateurs chinois (中国第一代电影导演的中坚) : inséparable de Zheng Zhengqiu (郑正秋), c’est avec lui qu’en 1913 il a réalisé le premier film de fiction chinois, « Un couple difficile » (《难夫难妻》), et en 1922 a créé la compagnie cinématographique Mingxing (明星影片公司), vite devenue la plus importante de Shanghai.

 

Ils n’ont cessé d’accumuler les premières :  premier succès d’un film chinois en Chine (« L’orphelin sauve son grand-père » 《孤儿救祖记》en 1923), premier film de wuxia et même série en dix-huit épisodes (« L’incendie du monastère du Lotus rouge » 《火烧红莲寺》 en 1928-30), premier film parlant chinois (« La Chanteuse Pivoine rouge » 《歌女红牡丹》en 1931).

 

Zhang Shichuan

 

Un pionnier

 

Zhang Shichuan (张石川) est né en 1889, ou 1890 selon les sources, à Ningbo dans le Zhejiang (浙江宁波). Fils d’un marchand de vers à soie qui meurt quand il a seize ans, il doit alors abandonner ses études pour aller vivre à Shanghai chez son oncle maternel Jing Runsan (经润三), lui aussi un riche marchand qui le prend sous son aile pour lui apprendre le métier. Il entre comme petit employé dans la compagnie Huayang (华洋房产公司) gérée par son oncle ; travaillant de jour, il étudie l’anglais la nuit.

 

En 1913, à tout juste 23 ans, il est recruté comme consultant par deux Américains établis à Shanghai qui viennent d’acheter la Compagnie cinématographique d’Asie (亚细亚影戏公司), première structure de production chinoise à capitaux étrangers créée à Shanghai en 1909 par l’homme d’affaires américain B. Brodsky. Nommé responsable de production mais n’ayant aucune expérience en matière cinématographique, Zhang Shichuan fait appel à Zheng Zhengqiu, dramaturge alors très populaire. Tous deux fondent alors la compagnie Xinmin (新民公司) pour produire des films pour la Compagnie d’Asie.

 

Un couple difficile

 

Zhang Shichuan se lance lui-même dans la mise en scène avec Zheng Zhengqiu. Ils coréalisent, et coproduisent, des courts métrages, dont le premier film de fiction chinois, de 40 minutes : « Un couple difficile » (《难夫难妻》), sorti en septembre 1913.

 

Cependant, à partir d’août 1914, leur approvisionnement en pellicules (allemandes) est interrompu par le blocus naval de l’Allemagne par la Royal Navy. La Xinmin comme la Compagnie d’Asie doivent mettre la

clé sous la porte. Sur ces entrefaites, son oncle meurt et sa tante lui demande de s’occuper du parc de loisirs qu’il avait créé. 

 

En 1916, cependant, les pellicules américaines étant disponibles à Shanghai, Zhang Shichuan et Zheng Zhengqiu fondent la compagnie Huanxian (幻仙影片公司) avec quelques partenaires. Zhang Shichuan coréalise alors avec Guan Haifeng (管海峰) un film de 40 minutes, « Les victimes de l’opium » (《黑籍冤魂》), sur un scénario de Xu Fumin (许复民) adapté de la pièce de théâtre éponyme.  

 

Mais la Huanxian doit à son tour très vite fermer ses portes, et Zhang Shichuan revient à la gestion du parc de loisirs familial, jusqu’à ce que celui-ci ferme à son tour, en 1920.

 

La Mingxing, années 1920-1930

 

Entre comédies populaires et mélodrames

 

En 1922, avec son ami Zheng Zhengqiu et trois autres partenaires, surnommés « les cinq tigres généraux » (五虎将), Zhang Shichuan fonde une nouvelle société : la compagnie Mingxing (明星影片公司), ou Star Motion Company, qui va rapidement s’imposer à Shanghai. Il est vrai qu’autant leur personnalité que leurs origines familiales séparent Zhang Shichuan et Zheng Zhengqiu : l’un marchand venant d’une famille de marchands a le sens des affaires et du succès populaire, l’autre lettré venant d’une famille de lettrés peaufine ses scénarios en dramaturge en s’attachant à leur donner un semblant de valeur morale. Ils s’entendent pourtant très bien, et les succès de la Mingxing tiennent autant de l’un que de l’autre.

 

Leur premier film, sorti le 18 janvier 1922, est une histoire d’amour entre un ancien menuisier devenu marchand

 

Zhang Shichuan en 1923

ambulant et la fille d’un médecin traditionnel : « L’amour d’un travailleur » ou « Romance d’un marchand ambulant » (《劳工之爱情》). C’est un film de 22 minutes plein de gags désopilants inspirés de Harold Lloyd : le docteur ne consentant à donner sa fille au petit marchand que si celui-ci l’aide à améliorer les affaires de sa clinique, l’ex-menuisier crée des chausse-trapes aux clients d’un club de jeux qui doivent monter un escalier abrupt pour y accéder ; ils se retrouvent à la clinique pour se faire soigner et le médecin est ravie de donner sa fille à un artisan aussi astucieux.  

 

C’est le plus ancien film chinois dont il nous reste une copie entière.

 

Romance d’un marchand ambulant (22’)

 

L’orphelin sauve son grand-père

 

Les films suivants reflètent alternativement l’influence du réalisateur ou de son scénariste. « Le Roi de la comédie en visite à Shanghai » est un film de pur divertissement populaire, sorti en 1922. Puis Zhang Sichuan réalise un film policier qui est le premier du genre en Chine : « Zhang Xinsheng » (《张欣生》). Mais le film est jugé tellement effrayant qu’il est interdit. Zhang Sichuan se range à l’avis de Zheng Zhengqiu.

 

Les années suivantes, il réalise et produit des films destinés au grand public, mais sur des mélodrames très théâtraux de Zheng Zhengqiu

du type wenmingxi (文明戏), C’est le cas de « L’orphelin sauve son grand-père » (《孤儿救祖记》), sorti en 1928.

 

Premier wuxiapian

 

Mais, en 1928, pour renflouer ses caisses, Zhang Sichuan se lance dans un genre tout nouveau : le wuxiapian, ou film d’arts martiaux. Le film alors réalisé, « L’incendie du monastère du Lotus rouge » (《火烧红莲寺》), est resté dans les annales comme l’un des plus grands succès au box-office à l’époque. Il déclenche un tel engouement auprès du public que Zhang Sichuan va en réaliser dix-sept épisodes supplémentaires en trois ans, la distribution étant assurée par les six compagnies les plus importantes de l’époque à Shanghai, en collaboration avec la Mingxing. En outre, pour profiter de la manne, d’autres compagnies se hâtent

 

L’incendie du monastère du Lotus rouge

de réaliser elles aussi des wuxiapian, mais avec des succès plus divers.

 

L’incendie du monastère du Lotus rouge,

un exemple d’effets spéciaux

 

Il ne nous reste malheureusement rien de ces films de la Mingxing, seulement des scénarios et des photos, mais au vu de ces photos, il semblerait que la qualité des films et en particulier le niveau des « effets spéciaux » étaient encore assez rudimentaires.

 

Cependant, le véritable vent de folie que font souffler ces films dans les salles incite le gouvernement nationaliste à réagir : ils sont interdits en 1930. En fait, la loi de censure promulguée en novembre va plus loin : pour « protéger l’industrie nationale », tous les films,

chinois ou étrangers, doivent avoir une autorisation préalable. Les wuxiapian disparaissent.  

 

Premier film sonore

 

Zhang Sichuan innove encore en changeant de registre. En collaboration avec Pathé, il réalise le premier film sonore de l’histoire du cinéma chinois, qui sort en décembre 1930 : « La Chanteuse Pivoine rouge » (《歌女红牡丹》), sur un scénario de Hong Shen, avec Hu Die (胡蝶) dans le rôle de la chanteuse. Le son est cependant encore enregistré sur disque.

 

Virage à gauche

 

L’affiche du film « La chanteuse Pivoine rouge »

 

Le film « Le marché de la tendresse »
dans la revue L’année du cinéma chinois “中国电影年”

 

Au début des années 1930, néanmoins, dans une Chine où l’invasion japonaise de la Mandchourie et l’attaque de Shanghai provoquent une atmosphère de crise nationale, Zhang Shichuan adopte la même attitude que la plupart des intellectuels et artistes chinois à l’époque : il opère un virage à gauche. Il embauche lui aussi des écrivains de gauche pour lui écrire des scénarios, et collabore en particulier avec Xia Yan (夏衍). C’est sur l’un de ses scénarios qu’il réalise « Le marché de la tendresse » (脂粉市场) en 1933, également avec Hu Die, ou encore « Le cadeau du Nouvel An » (《压岁钱》) en 1937.

 

Fin de la Mingxing

 

Mais, en août 1937 commence la bataille de Shanghai qui s’achève par l’occupation de la ville par l’armée japonaise, à l’exception des concessions étrangères. Les studios de la Mingxing sont détruits par les bombardements japonais. Zhang Shichuan parvient juste à sauver un peu de matériel et rejoint une autre compagnie, la Guohua (国华影片公司).

 

De la Guohua à la Zhonglian

 

Il continue à tourner : en 1939 il réalise « Li Sanniang » (《李三娘》), un film traditionnel, « en costumes », avec Zhou Xuan (周璇) ; puis, en 1940, il coréalise avec Zheng Zhengqiu, « Trois sourires » (《三笑》), un mélodrame également avec Zhou Xuan qui joue encore dans « Nuit profonde » (《夜深沉》) en 1941.  C’est la voix de Zhou Xuan qui survit de ces films.

 

L’affiche de « Li Sanniang »

 

 

La chanson du film « Nuit profonde » par Zhou Xuan (Ye shenchen… La nuit est profonde…)

 

En 1941, les Japonais occupent la concession internationale de Shanghai et fusionnent les studios de cinéma existants pour créer la compagnie Zhonglian ou China United Film Company (中华联合制片股份公司),. Zhang Shichuan passe de la Guohua à la Zhonglian devenue en mai 1943, après fusion supplémentaire avec la Shanghai Theatre Company, la compagnie Huaying (华影公司).

 

Il tourne ainsi plusieurs films de 1942 à 1945, dont, en 1942, « Le retour des hirondelles » (《燕归来》), d’après un roman de Zhang Henshui (张恨水). Mais ces films de la Zhonglian / Huaying ont été remisés après 1945 et la défaite japonaise.

 

Après la guerre

 

En 1946, le Guomingdang revient en force à Shanghai et, dans un climat politique de guerre civile larvée, reprend le contrôle des studios créés par les Japonais. Les cinéastes qui avaient travaillé pour la Zhonglian sont accusés de collaboration avec l’ennemi. Beaucoup partent tourner à Hong Kong.

 

Publicité pour “An All-Consuming Love”

 

Zhang Shichuan était parti à Hong Kong tourner des films pour le studio Dazhonghua (大中华影业公司). C’est à la Dazhonghua qu’il commence à tourner l’un des grands films de cette fin des années 1940 : « An All-Consuming Love » (《长相思》), toujours avec Zhou Xuan. C’est alors qu’il apprend qu’il est accusé d’être un traître pour avoir travaillé avec les Japonais. Cela le rend malade, il rentre à Shanghai en laissant le film inachevé ; il sera terminé par un autre réalisateur, He Zhaozhang (何兆璋), qui en est crédité tandis que le nom de Zhang Shichuan a été omis [1]. Du film, sorti en janvier 1947, il reste les chansons inoubliables interprétées par Zhou Xuan, dont

« Shanghai la nuit » (Ye Shanghai《夜上海》) et surtout Huayang de nianhua (《花样的年华》) [2], sur  une musique de Chen Kexin (陈歌辛).

 

Ye Shanghai (Shanghai la nuit)

 

Huayang de nianhua (extrait du film « An All-Consuming Love »)

 

Mais c’est un triste règlement de compte pour celui qui est justement célébré comme « le père du cinéma chinois », ou au moins l’un de ses pères, avec plus de cent cinquante films à son actif et une pléiade de grands cinéastes formés à la Mingxing, aux côtés des plus grand écrivains. Revenu à Shanghai, Zhang Shichuan réalise quelques films à la compagnie Datong (大同影业公司), mais il ne s’en remettra pas.

 

Il est mort à Shanghai en 1954, à l’âge de 64 ans.

 

Note complémentaire

 

Il est toute une série de films dont on ne parle pratiquement jamais : les films policiers qu’il a réalisés entre 1931 et 1942, d’après des scénarios de Cheng Xiaoqing (程小青) [3], d’abord à la Mingxing, puis, après 1937, à la Guohua. Il en a réalisé huit (deux en 1932, deux en 1940, trois en 1941 et un en 1942)[4].

 

Or, ces films sont dans une veine populaire analogue à celle des films d’arts martiaux : en fait, après l’interdiction des wuxiapian par la censure du Guomingdang, ce sont ces films policiers qui les ont remplacés.

 

 


 


[1] Voir le témoignage de sa veuve, He Xiujun (何秀君) : « Trahison en fin de parcours pour le père du cinéma chinois » 中国电影之父的汉奸末路. https://www.douban.com/note/608853562/

[2] Il s’agit du titre chinois du film de Wong Kar-wai « In the Mood for Love » : c’est l’inspiration initiale, et c’est la chanson que Maggie Cheung écoute à la radio dans le film. Elle est marqueur spatial et temporel. Voir : http://www.chinesemovies.com.fr/films_Wong_kar_wai_Mood_for_Love.htm

[3] Sur Cheng Xiaoqing, le maître du roman policier chinois de la première moitié du 20e siècle, voir

http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_Cheng_Xiaoqing.htm

[4] Voir la liste des films policiers sur des scénarios de Cheng Xiaoqing à la fin de l’article sur l’écrivain sur baidu : https://baike.baidu.com/item/%E7%A8%8B%E5%B0%8F%E9%9D%92

 

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Qui sommes-nous ? - Objectifs et mode d’emploi - Contactez-nous - Liens

 

© ChineseMovies.com.fr. Tous droits réservés.

Conception et réalisation : ZHANG Xiaoqiu