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Zhu Shengze 朱声仄

Présentation

par Brigitte Duzan, 25 mars 2014, actualisé 19 mars 2021

 

Zhu Shengze est une jeune documentariste chinoise découverte au festival Cinéma du réel en mars 2014.

 

Née en 1987 à Wuhan (武汉), elle a d’abord étudié à l’université des sciences et technologie de Huazhong, ou université des sciences et technologies de la Chine centrale (华中科技大学), à Wuhan.

 

C’est après avoir vu « Petition » (上访) de Zhao Liang (赵亮) qu’elle a décidé de faire elle-même des documentaires. Elle s’est  inscrite à l’Université baptiste de Hong Kong pour un master en fine arts (MFA), mais a arrêté au bout d’un an, préférant partir aux Etats-Unis, à l’université du Missouri, faire un master en photojournalisme. Elle est sortie diplôme en poche en 2013.

 

Elle a alors fondé l’unité de production Burn the Film avec

 

Zhu Shengze

Yang Zhengfan (楊正帆), rencontré à l’Université baptiste de Hong Kong. Leur première production a été le film de Yang Zhengfan « Distant » (《远方》) dont elle a été également le chef opérateur.

 

2012 : Out of Focus 

 

Xu Jiao

 

En même temps, elle a terminé son premier documentaire, Xu Jiao / « Out of Focus » (虚焦), qui a été leur seconde production. C’était le seul film chinois à figurer en compétition au festival Cinéma du réel 2014, dans la section Premiers films.

 

C’est au cours de l’été 2012 que Zhu Shengze a travaillé dans l’école primaire de Lingzhi (凌智小学教), à Wuhan, avec des

enfants de 8 à 12 ans de travailleurs migrants. Elle a été enrôlée pour leur apprendre à se servir d’un appareil photo, et à voir la ville à travers leurs objectifs. Elle les a en même temps filmés, s’attardant en particulier sur l’une des petites filles.

 

C’est donc un film sur le regard, et un regard croisé, celui des petits campagnards sur la ville et son regard sur eux, avec une sorte d’effet miroir. C’est aussi un film sur la distance qu’il y a du rêve à la réalité.

 

Excités par la vie urbaine et les possibilités qu’elle semblait leur offrir, les enfants avaient en effet des rêves dorés d’avenir qui se heurtaient cependant à la triste réalité de leur vie familiale, et en particulier aux discriminations dues à leur manque de hukou urbain. C’est le sens du titre du film : l’eldorado entrevu reste virtuel [1]

 

Trailer de Xu Jiao

  

2016 : Another Year

 

« Another Year » (《又一年》) est une immersion dans la vie d’un ouvrier migrant et de sa famille. En treize longues séquences – treize repas en quatorze mois - Zhu Shengze montre avec son souci du détail habituel les relations entre les membres de la famille, les frustrations, l’espoir de meilleures conditions de travail, d’un meilleur salaire, et l’imperceptible évolution de ces relations dans le temps.

 

Elle avait rencontré la famille à Wuhan en 2012. Cet été-là, elle avait participé à un atelier photo pour un groupe d’une vingtaine d’enfants d’une école primaire locale âgés de 8 à 12 ans, qui lui avait donné le matériau de son premier documentaire, « Out of Focus ». Ils venaient de la campagne, et l’une des enfants était la fille aînée d’une famille de six personnes (sur trois générations) qui vivaient dans une seule pièce dans des conditions difficiles. Zhu Shengze se rendit compte que toute la dynamique familiale se passait quand ils étaient tous rassemblés au moment des repas, même s’ils

 

Another Year

n’étaient pas tous assis à table. C’est pourquoi elle décida de ne filmer que ces moments-là.

 

Le film n’est bien sûr pas un documentaire sur les repas eux-mêmes, sur la famille en train de manger, mais plutôt sur l’espace, cet espace exigu, claustrophobique, à peine éclairé, conditionnant les relations familiales, ainsi que sur le temps qui passe, et qui change peu à peu les gens rassemblés là. Le documentaire se déroule d’une Fête du printemps à la veille d’une autre, et les repas sont filmés en temps réel, en longues prises qui révèlent aussi le rythme de vie de ces gens en condition précaire. La caméra est fixe, et c’est Yang Zhengfan (楊正帆) qui est derrière, soulignant l’étroite complicité entre les deux cinéastes.

 

Finalement, la grand-mère ayant eu une attaque et ne pouvant être soignée en ville faute de hukou urbain [2], la mère est obligée de revenir dans sa belle-famille avec les deux plus petits enfants pour s’occuper d’elle. Et la fille aînée, elle, doit arrêter l’école pour travailler afin d’aider la famille. Mais l’année qui vient est quand même source d’espoir.

 

Le film a été primé en 2016 au festival Visions du réel de Nyon, en Suisse, et aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal, et en 2017 a obtenu le prix spécial du Jury au festival Millenium de Bruxelles.

 

Bande annonce

 

2019 : Present-Perfect

 

Zhu Shengze passe ensuite plusieurs années à écumer internet, fascinée par les plateformes chinoises de live-streaming qui se développent à partir de 2016 et font l’objet d’une de ces ferveurs récurrentes auxquelles la Chine est sujette, comme des poussées d’acné. En quelques mois, plus de 400 millions de Chinois se mettent à diffuser les images de leur quotidien à l’aide de leur téléphone portable ou de webcams. C’est un matériau documentaire brut dans lequel Zhu Shengze pioche des séquences mémorables qu’elle utilise pour construire un caléidoscope postmoderne d’une société chinoise des bas-fonds qu’elle introduit par quelques plans initiaux donnant le contexte : panoramique pris d’une grue et plan-séquence d’une démolition, car la Chine vue au ras du sol par ces gens-là, comme aurait dit Brel, c’est un immense chantier.

 

Mais dans ce chantier tout le monde n’a pas sa place. Ceux qui intéressent la réalisatrice, ce sont justement ceux qui n’en ont pas, de place, les ratés qui essaient d’attraper des miettes de la croissance qui se passe ailleurs, et de se créer une visibilité tout en calmant leurs angoisses grâce au live-streaming : une jeune fille atteinte de dystrophie musculaire arpentant les rues dans son fauteuil roulant, une caméra fixée sur le cadre du fauteuil, en parlant à son auditoire fantôme ; un grand brûlé, rescapé d’un incendie et réduit à l’inactivité, se filmant pour tromper son ennui ; un homme tout petit, victime d’une maladie inconnue, qui dessine à la craie dans les rues ; un homme d’une trentaine d’années à la croissance retardée qui clame son anxiété devant la caméra….

 

Tous ces personnages sont surtout des malades, des inadaptés inadaptables. Le live-streaming leur offre un espace où s’exprimer, chercher un écho à leurs souffrances, mais d’abord clamer leur existence, existence tellement en marge qu’on la sent lutter pour ne pas sombrer dans les limbes du virtuel. Le live-streaming apparaît comme une forme post-moderne du journal intime, avec un aspect voyeuriste qui laisse mal à l’aise.

 

Zhu Shengze nous livre leurs images comme des fragments de mosaïque disparates qui forment un tableau angoissant de tout un pan de la société chinoise rappelant le « zoo humain » de l’Exposition universelle de 1889 à Paris, attraction exhibant des Africains parqués dans des enclos pour la plus grande joie des visiteurs ébahis [3].

 

Le résultat est un documentaire étonnant, « Present Perfect » (完美现在时), qui a fait le tour des grands festivals

 

Present Perfect

internationaux  en 2019, dont le festival des 3 Continents, celui du Cinéma du réel et l’IFFR de Rotterdam, avant d’être présenté encore en 2020 au festival du Cinéma d’auteur chinois à Paris.

 

Present Perfect, trailer IFFR

 

2021 : A River Runs, Turns, Erases, Replaces

 

« A River Runs, Turns, Erases, Replaces » (河流,奔跑着,倒映着) est parti d’un projet sur l’observation des espaces urbains à Wuhan, la ville natale de Zhu Shengze, projet que l’épidémie de covid a bouleversé. C’est devenu une sorte d’élégie du fleuve, ce Yangtsé qui traverse la ville, et de poème à la mémoire des disparus, que pleurent les survivants tandis que le fleuve continue à couler, inexorablement.

 

La séquence initiale donne son rythme au film : dans une rue de Wuhan quasiment vide, en mars 2020, tout semble s’arrêter, soudain, lorsque retentit une sirène. Et puis, un instant plus tard, les passants repartent et reprennent leur chemin, la vie reprend son cours, tranquillement. Mais sous ces apparences paisibles, la douleur est latente, matérialisée dans ces lettres aux disparus qui scandent le film et lui donnent une profondeur quasi littéraire. Le fleuve est là, qui n’oublie pas, conclut la dernière lettre…

 

A River Runs, Turns, Erases, Replaces

 

Le film a été présenté en sélection officielle à la Berlinale en février 2021 et au festival Cinéma du réel, à Paris, en mars.

 

Bande annonce

 

 


 

[1] Xujiao (虚焦) est un terme de physique qui désigne un foyer virtuel (dans le cas en particulier de miroirs sphériques convexes, comme la cornée).

[2] Le hukou, c’est-à-dire le passeport intérieur qui indique le lieu d’habitation de chacun, ville ou campagne ; on ne peut pas vivre où on veut librement. Le système a été instauré pour éviter l’exode rural. Les travailleurs migrants n’ont pas accès aux services de soin urbains.

[3] Attraction qui n’était qu’un des nombreux « spectacles anthropozoologiques » qui se sont développés dans les grandes capitales européennes à partir des années 1870.

 

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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