Bai Xue réussit
son examen de passage avec « The Crossing »
par Brigitte Duzan, 25 juin 2019
Bai Xue (白雪)
a mis dix ans après la fin de ses études de cinéma
pour parachever son premier film : « The Crossing »
(《过春天》)
est un récit d’apprentissage dans le genre
Bildungsroman, traditionnellement opposé au
récit épique. « The Crossing » se veut d’abord
réaliste.
Récit d’apprentissage à cheval sur deux mondes
Bai Xue y peint l’univers d’une jeune lycéenne de 16
ans, Peipei (佩佩),
qui habite à Shenzhen et va tous les jours au lycée
à Hong Kong en train. Bai Xue elle-même a fait
d’innombrables allers-retours entre Hong Kong et
Shenzhen en prenant des centaines de photos et en
interviewant les jeunes rencontrés en cours de
route, et surtout les jeunes filles, à cheval sur
deux pays, avec des problèmes familiaux et des
incertitudes sur leur identité propre.
Son film a donc d’abord un aspect réaliste. Bai Xue
met l’accent sur le drame personnel de ces
The Crosssing
jeunes qui vivent à Shenzhen mais n’y ont pas d’amis, et qui
étudient à Hong Kong mais n’y ont pas de foyer. Ils vivent
une sorte de malaise existentiel qui est le propre de tout
immigré.
Peipei et son amie
La mère de Peipei passe ses journées à jouer au
mahjong, son père travaille de nuit dans un chantier
naval. Sa meilleure amie part au Japon pour les
vacances de la fête du Printemps ; Peipei voudrait y
aller aussi mais n’a pas l’argent pour se payer le
voyage. Elle fait alors la connaissance d’un jeune
garçon, membre d’une bande qui fait de la
contrebande de smartphones et recrute pour cela de
jeunes lycéens.
Peipei est ainsi introduite dans la bande, qui
devient une famille pour elle qui n’en a pas. Elle
se tourne vers la contrebande pour réunir les fonds
dont elle a besoin pour partir en vacances avec son
amie. Elle commence doucement, en glissant deux
smartphones dans son cartable, comme si c’étaient
les siens. Mais elle va prendre peu à peu de plus en
plus de risques…
Cependant, l’originalité du film tient au fait que
Bai Xue ne centre pas son propos sur
Peipei et son mentor,
la « sœur Hua » 花姐
le danger croissant que court la jeune fille, avec un
suspense également croissant. Ce qui l’intéresse, et dont
elle fait le sujet principal de son film, c’est la
progressive mutation de Peipei, de lycéenne candide en vraie
fille de gang. C’est en ce sens qu’il s’agit bien d’un
Bildungsroman.
La ville en mouvement
Le film y acquiert une touche symbolique, son
« crossing » étant valable pour toutes sortes de
« traversées » ou de « passages » : entre frontières
nationales, entre citoyen respectant la loi et
repris de justice, entre adolescence et âge
adulte…le passage réussi, au risque de tout perdre,
étant celui qui conduit à l’adulte responsable, en
charge de sa vie.
Belle photo, belle interprétation
Le travail sur la photo, du chef opérateur Piao
Songri (朴松日),
est remarquable, car les deux villes ne sont pas
filmées de la même manière, bien qu’en majeure
partie en lumière naturelle dans les deux cas : Hong
Kong est parcourue caméra à l’épaule, tandis que la
caméra s’attarde en longs plans fixes à Shenzhen, ce
qui rend encore plus pesante l’atmosphère familiale.
A côté de la photo, l’interprétation de la jeune
Huang Yao (黄尧)
est un autre
Des images en
surimposition
élément qui
contribue au succès final du film
[1] :
elle a obtenu le prix Fei Mu de la meilleure actrice au
festival de Pingyao, en octobre 2018, tandis que le film y
dérochait le prix de la meilleure réalisation.
Piao Songri
Huang Yao dans le rôle
de Peipei
Notons encore que
Tian Zhuangzhuang (田壮壮)
en a été le producteur exécutif (监制),
ce qui est un soutien appréciable.
Trailer
[1]
Les autres acteurs sont très bons,
mais peu connus :