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« Hello, Mr. Tree » : le label Jia Zhangke

par Brigitte Duzan, 21 juin 2011, révisé 25 mai 2012

 

« Hello Mr. Tree »  (Hello树先生》) (1) a créé une petite surprise quand il a été projeté en juin dernier au festival du cinéma de Shanghai ; il a obtenu le Grand Prix du jury tandis que le réalisateur, Han Jie (韩杰), se voyait décerner le Golden Goblet qui est, à Shanghai, l’équivalent local du Lion d’or.

 

Lors de la remise du prix, Han Jie a rendu hommage à Jia Zhangke, producteur du film : « Je pensais que cela me suffisait d’être directeur de la photographie. C’est Jia Zhangke qui m’a encouragé à passer à la réalisation. »

 

Quand au jury, qui était présidé par Barry Levinson, il a justifié son choix en disant que Han Jie avait fait preuve dans ce film de sa capacité à « être clair et compréhensible dans le traitement d’un sujet complexe tout en restant suffisamment subtil pour éviter d’être simpliste, et à créer une émotion abstraite et mystérieuse. »

 

Ni très clair, ni très  subtil, ni très émouvant

 

 

Hello Mr. Tree

L’histoire est délayée à doses tellement subtiles que l’on ne comprend pas grand-chose au départ. On voit un personnage marcher dans des poses artificielles, monter et descendre d’une voiture garée sur le bord la route sans raison particulière, haranguer des enfants qui se disputent en les traitant de voyous… on peine à reconnaître Wang Baoqiang (王宝强) affublé d’une petite moustache et plissant les yeux parce qu’il est sensé devenir de plus en plus myope.

 

Il interprète un jeune réparateur de voitures dans une petite bourgade de la province du Jilin dont les résidents doivent être relogés ailleurs, dans une ville nouvelle mais encore à construire, car la mine locale a des projets de développement qui va nécessiter de raser leurs maisons. Ils sont incités à s’en aller gentiment par des distributions de vivres et des boniments, comme le montre la séquence initiale.

 

Whang Baoqiang en Mr. Shu

 

Le réparateur, lui, ayant eu un accident du travail, son patron en profite pour le limoger. Il rencontre alors une jeune sourde-muette qui est masseuse en ville : coup de foudre, il décide de l’épouser, mais le mariage ne va pas durer longtemps, et pas seulement en raison de la difficulté de communication entre les deux époux.

 

En fait, le garçon a été traumatisé par un drame familial : son frère ayant été arrêté

pour « hooliganisme », son père l’a pendu, et sa mère est morte peu après. Du coup, sujet à des hallucinations, il passe ses journées dans un arbre où il semble trouver des pouvoirs surnaturels : d’où son nom de Mr. Tree (树先生).

 

Comme tous les gens qui ont des hallucinations, il est aussi un peu devin, et, quand une de ses prophéties se réalisent, les gens le prennent pour un véritable prophète. Et Mr. Tree, sur son arbre, n’en finit pas de rire à gorge déployée…

 

On a du mal à se laisser gagner par l’émotion car le mystère fait vite long feu. On n’en finit pas de se demander si Tree est vraiment fou, ou s’il se moque du monde, du haut de son arbre. Jusqu’à ce qu’on arrête de se le demander parce qu’on a épuisé et son attention et son intérêt.

 

Autre lecture

 

C’est un film qui se veut à la fois surréaliste et plein d’humour, reflétant la vie des marginaux de la croissance urbaine. Le titre est emblématique, selon les dires du réalisateur : beaucoup de villages sont aujourd’hui abandonnés, même sans mine pour les menacer, les gens sont tout simplement partis travailler à la ville : les maisons sont effondrées, seuls les arbres survivent et continuent à pousser.

 

Le film était en cours de tournage, l’an dernier, lorsque se produisit un incident qui lui donna une profondeur inattendue : un SDF devint soudain célèbre quand un photographe amateur posta sur internet des photos anonymes de lui, hagard, échevelé et en haillons. Les photos déclenchèrent des recherches pour retrouver l’identité de l’homme, et il s’avéra que, souffrant de problèmes psychologiques, il errait dans la région autour de Ningbo après être parti de chez lui près de dix ans plus tôt.

 

Nouveau marié

 

L’histoire vraie était plus forte encore que le scénario, qui souligne les dangers de fragilisation des individus soumis à la pression du changement, en particulier quand leurs maisons sont frappées de démolition, et l’inhumanité d’un monde où les être fragiles, justement, ont du mal à s’intégrer.

 

Mr Tree est déstabilisé par la perte des valeurs qui assuraient son équilibre et sa stabilité, et d’abord par le drame qui a détruit ses repères familiaux. Il est en quête de chaleur humaine, mais surtout de dignité, et s’il en trouve un semblant à la fin, c’est de manière surréelle, comme est la vie dans une société en changement trop rapide qui a laissé ses valeurs traditionnelles quelque part derrière elle.

 

Avec Tan Zhuo

 

Le film a été récupéré par l’idéologie officielle, ce qui explique sa promotion urbi et orbi. Fin décembre 2011, un article du site très officiel ‘chinese films’ (1) incitait le lecteur à se demander pourquoi le réalisateur a choisi un tel sujet comme argument de son film. Il l’a choisi, dixit l’auteur de l’article, parce que Tree est un « symbole des valeurs rurales chinoises ». C’est un personnage sans beaucoup d’aptitudes ni de talent dont l’équilibre repose sur les réseaux sociaux

traditionnels ; quand il perd ses bases familiales et cesse en outre de jouir du respect des autres autour de lui, son système de valeurs s’effondre. Il s’attache alors à l’arbre qui semble lui conférer des pouvoirs surnaturels.

 

Du coup Han Jie flotte entre réalisme et surréalisme, ou plutôt passe de l’un à l’autre. Et l’on peine à le suivre.

 

Superbe photo et label Jia Zhangke

 

Si le film retient l’attention, ce n’est pas pour l’histoire, ni même, pour une fois, pour Wang Baoqiang sur lequel il repose en grande partie.  L’acteur a délaissé ici la naïveté congénitale qui a fait ses premiers succès pour un rôle de fou de village qui reste artificiel. Il est loin d’avoir la carrure d’un Johnny Depp pour interpréter un rôle de ce genre en lui donnant toute le grain de folie nécessaire ; sa folie reste essentiellement gestuelle, on ne l’y sent pas à l’aise et, du coup, on n’adhère pas au personnage.

 

En revanche, la photographie est superbe, et en particulier le travail de cadrage de l’image et celui sur les couleurs. La photo est signée Lai Yiu-fai (黎耀辉), chef opérateur de Hong Kong qui a commencé sa carrière comme assistant de deux des meilleurs de la profession, à Hong Kong : Christopher Doyle et Andrew Lau. Il a signé son premier travail de chef opérateur avec « Love will Tear Us Apart », d’un autre génial chef opérateur passé réalisateur, Yu Lik-wai. Il a ensuite

 

Recherche esthétique

été directeur de la photo pour les deux films suivants du même, « All Tomorrow’s Parties », en 2003, et « Plastic City » en 2008.

 

Lai Yiu-fai est donc dans l’orbite de Jia Zhangke, puisque Yu Lik-wai a des liens très étroits avec ce dernier : il a été le chef opérateur de ses trois premiers films et le cofondateur de sa compagnie de production XStream Pictures qui a produit les films de Jia Zhangke à partir de 2004, plus « Plastic City ». C’est aussi Xstream qui a produit le premier film de Han Jie, « Walking on the Wild Side » (赖小子), en 2006.

 

Là encore les liens sont anciens : Han Jie a été l’assistant de Jia Zhangke pour « The World » (《世界》) en 2004, « Still Life » (三峡好人) en 2006, et “Wuyong” (《无用》) en 2007. Peut-être parce qu’ils sont tous les deux originaires du Shanxi (c’est très important en Chine), les deux hommes semblent s’entendre à merveille.

 

On attend le prochain film de Han Jie en réservant tout jugement d’ici là…

 

 

Notes

(1) On trouve aussi le titre « Hello Mr Shu », shu étant la transcription pinyin du caractère du titre chinois, qui signifie arbre ; quant à Mr, c’est la traduction des deux caractères suivants.   

(2) L’article en entier : http://www.chinesefilms.cn/141/2011/12/30/122s6609.htm

 

 

Le film, avec sous-titres anglais

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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