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« Deux femmes en fichus rouges » : un drame rural plein d’humour

par Brigitte Duzan, 14 juin 2009, révisé 30 avril 2014

 

« Deux femmes en fichus rouges »  (《两个裹红头巾的女人》) est un film inconnu sous nos cieux, hors des sentiers festivaliers occidentaux, un drame rural plein d’humour d’un écrivain passé à la réalisation, Han Zhijun (志君).

 

Le film est sorti sur les écrans chinois en mars 2007. Il a été couronné en septembre 2006 du prix spécial du jury au 8ème festival de Changchun et, en septembre 2007, a été l’un des films remarqués au Chinese Film Panorama de Hong Kong.

 

Une tranche de vie rurale dans les frimas du Nord-Est

 

Le film se passe dans la province du Jilin, dans le nord-est de la Chine, dont est originaire le réalisateur. L’action se déroule en plein hiver, dans un paysage enseveli sous une épaisse couche de neige. Dans ce superbe décor glacé où la vie est une lutte quotidienne et où le froid trempe les caractères, le scénario suit le destin

 

Deux femmes en fichus rouges

de deux femmes, deux voisines dans un village perdu au bord d’une immense forêt sauvage, dont le principal point commun est le foulard rouge qu’elles aiment porter, autour du cou ou sur la tête.

 

Le village

 

Xifeng (喜凤) est une jeune et jolie veuve d’une trentaine d’années dont le mari a été tué par un ours deux ans auparavant. Shuangyu (双鱼), elle, a tout juste une vingtaine d’années, et vit avec son père qui fait office de garde-forestier. A deux pas de là habite un divorcé, Yang Tianlong (杨天龙), qui a la charge de ses deux petites filles, deux jumelles adorables que gâte Xifeng. Il a malheureusement un vice rédhibitoire pour cette petite communauté : il braconne. Tout le monde tente de l’en empêcher, Xifeng la première, qu’il traite de « sale

veuve » quand elle l’embête trop, ce qui a pour conséquence immédiate de la mettre en colère.

 

La vie s’écoule tranquillement, au gré des incursions de Tianlong dans la forêt et de ses prises de bec avec Xifeng, dont on sent bien qu’elle est malgré tout attirée par lui. Arrive alors l’accident qui bouleverse cet univers relativement « harmonieux » : Tianlong, en braconnant, tire par erreur sur Shuangyu et la blesse gravement. Atterré par sa responsabilité, il part à la ville se rendre à la police. Il est condamné à deux ans de prison, et Xifeng, pendant ce temps, s’occupe des deux fillettes en attendant son retour….

 

Les deux femmes (Xifeng à g)

 

Quand il revient, cependant, les choses ne sont pas aussi simples qu’on aurait pu le penser…

 

Un scénario plein d’humour, aux dialogues savoureux

 

Xifeng et Yang Tianlong

 

Il n’est pas facile de tourner un film vif et plein d’entrain dans ces conditions : un village perdu dans la neige, où le froid incite les gens à se réfugier dans la chaleur des maisons de bois, et à ne sortir braver les éléments que pour aller chercher du bois ou de l’eau. Le film a pourtant dès le départ un rythme enjoué, grâce au caractère des personnages, dont la rudesse imposée par la vie sous ces latitudes trahit à chaque instant une profonde humanité, et surtout grâce à leur manière très directe et imagée de parler.

 

Ces dialogues très vivants sont le plus grand atout du film ; parfaitement adaptés aux caractères de personnages indissolublement liés à la nature vierge qui les entoure, ils sauvent le film de la platitude et lui insufflent une vie plus vraie que bien des documentaires. Ils abondent de jeux de mots et expressions très drôles ; par exemple, pour signifier à l’un de ses interlocuteurs que le passé est le passé, et qu’il faut savoir tourner la page, Shuangyu lui dit : “狗屎干了都不臭", c’est-à-dire « lorsque les crottes de chien sont sèches, elles n’ont plus d’odeur ». Ce qui est d’autant plus drôle que l’interlocuteur auquel elle s’adresse est dénommé Er Gouzi, soit deuxième chien (二狗子), sobriquet courant dans les campagnes chinoises

 

Cet Er Gouzi (二狗子) est un personnage burlesque qui tire le scénario vers la comédie. L’astuce est d’en avoir fait un chanteur de ‘èrrénzhuàn’ (二人转), ces dialogues comiques incorporant du chant, typiques de la région du nord-est, et qui font aujourd’hui fureur en Chine (1). Du coup, le film se transforme par moments en une sorte de comédie musicale, mais sans l’aspect superficiel qui aurait pu en découler, car le style populaire du ‘èrrénzhuàn’ s’intègre parfaitement dans les dialogues.

 

Er Gouzi

 

Er Gouzi débarque dans le village sous prétexte de demander à Tianlong de lui apprendre à tirer à la carabine et à chasser. C’est un petit clin d’œil aux films de wuxia où les jeunes combattants partent à la recherche d’un maître pour se perfectionner. Il n’appelle pas Tianlong directement « shīfu » mais se pose dès l’abord en disciple admiratif attiré par son renom de grand chasseur et de tireur émérite. Comme les grands maîtres, d’ailleurs, Tianlong commence par le renvoyer d’où il vient.

 

Les deux petites filles

 

Cet Er Gouzi qui n’arrête pas de mettre les pieds où il ne faut pas, au sens propre comme au sens figuré, est un outsider dont Han Zhijun a fait le ‘deus ex machina’ qui précipite le dénouement en se posant en intermédiaire de mariage, tentant de marier Tianlong d’abord avec Shuangyun, puis avec Xifeng. Il est dans ce rôle parfois drôle, mais malheureusement souvent assez lourd. En fait, il s’agit d’un personnage qui se rapproche des rôles de « chǒu » () dans l’opéra chinois. Les rôles du film, dans leur

ensemble, sont d’ailleurs construits comme une adaptation de ceux de l’opéra traditionnel…

 

Une pastorale du Dongbei

 

Il s’agit donc d’un divertissement, mais un peu comme les comédies de Shakespeare, avec un petit côté classique qui vient ici de la tradition orale. Il laisse comme un arrière-goût de terroir, la « saveur du Nord-Est » (“东北味”). Il n’est que de voir les femmes préparer la cuisine, retourner des crêpes ou rouler des raviolis, et surtout Xifeng sortir du feu un plat de ces petits pains à la vapeur fourrés de pâte de soja légèrement sucrée qui collent terriblement aux dents, les zhandoubao (粘豆包) (2)… On a l’impression d’en sentir l’odeur flotter dans l’air.

 

Han Zhijun (志君) est pétri de cette culture locale : né en 1948 dans ce nord-est du Jilin au climat très froid proche de celui de la Sibérie toute proche, il a vécu une enfance pauvre, aidant ses parents à s’occuper de ses six frères et sœurs. Il a commencé par écrire, en décrivant dans ses romans le petit peuple des campagnes, qu’il considère comme détenteur de l’âme de la Chine.

 

 « Les deux femmes aux fichus rouges », comme ses films précédents, et comme ses œuvres romanesques, est empreint d’une tendresse chaleureuse pour ce peuple dont il

 

Le réalisateur avec son chef opérateur,

Zhao Bo (à gauche), dans la forêt

est issu et se sent très proche. Empreinte d’une profonde saveur de terroir, son œuvre apparaît comme une ode à la Chine profonde qui tend à prendre des teintes nostalgiques, un peu comme nos pastorales d’antan : une ode à la terre  (田园诗).

 

 

Notes

(1) Il s’agit de sketches à deux acteurs, voire un seul, interprétant des rôles bien définis (clown, femme ou vieil homme), intégrant chant et danse, parfois même des acrobaties, et en particulier des jeux avec des foulards, à la manière de l’opéra traditionnel. C’est une forme artistique née à la campagne, dans le nord-est de la Chine, comme divertissement en marge des travaux des champs, mais devenue très populaire depuis une dizaine d’années dans les villes du nord-est d’abord, puis à Pékin et ailleurs. Elle a été popularisée par Zhao Benshan (赵本山) et son jeune disciple Xiao Shenyang (小沈阳) :

(2) On dit que c’est la terreur des fausses dents.

 

 

Note sur les acteurs et le chef opérateur

 

Les acteurs sont peu connus, mais parfaits dans leurs rôles. L’actrice qui interprète le rôle de Xifeng, Zheng Weili (郑卫莉), est une actrice de télévision ; dans le rôle de Shuangyun, Zhao Xiaoyi (赵小熠) est une jeune actrice sortie de l’Institut du cinéma de Pékin.  Quant à l’acteur qui interprète Er Gouzi, Guan Xiaoping (关小平), il a été formé au « errenzhuan » par nul autre que … Zhao Benshan.

 

Le chef opérateur est le photographe Zhao Bo (赵博), qui vit à Changchun.                                                                                                           

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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