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Avec « Nina Wu », Midi Z choisit un sujet d’actualité, en rupture avec sa filmographie

par Brigitte Duzan, 22 novembre 2019

 

Cinquième long métrage de fiction de Midi Z (趙德胤), en sélection au festival de Cannes dans la section Un certain regard en mai 2019, « Nina Wu » (《灼人秘密》) représente une rupture thématique et stylistique dans la cinématographie du réalisateur.

 

Rupture thématique

 

Avec « Nina Wu », Midi Z abandonne les sujets originaux de ses films précédents, sur des thématiques qui lui étaient personnelles : l’immigration et les problèmes liés à la pauvreté de jeunes d’origine chinoise dans son pays natal, Myanmar. Il filme pour la première fois à Taiwan, en mandarin.

 

Le scénario a été écrit par son actrice vedette, Wu Kexi (吴可熙) [1], à partir de sa propre expérience, puis réécrit après le scandale Weinstein pour y inclure des séquences inspirées de cette affaire. Il dépeint les humiliations et la violence subies par les

 

Nina Wu (affiche pour la sortie à Taiwan)

actrices, dans une profession qui les méprise et les exploite en les traitant comme des objets sexuels.

 

Les trois actrices avec le réalisateur à Cannes en mai 2019

 

Mais, de manière plus large, il dresse un tableau de l’oppression qui pèse sur les femmes dans la société taïwanaise, sous les formes les plus diverses : professionnelles, familiales, mais aussi plus intimes. Le titre chinois signifie « Brûlants secrets ».

 

Le scénario campe d’abord une jeune femme solitaire qui gagne sa vie comme elle peut à Taipei en faisant des séances de conversations érotiques en streaming sur son téléphone portable. C’est une aspirante au métier d’actrice qui fait de la figuration dans des courts métrages. Elle a un agent qui lui

propose finalement de jouer dans un film d’espionnage, mais le rôle comporte une scène de sexe

explicite. Elle doit alors accepter les pires humiliations lors des séances de casting pour décrocher le rôle, s’attirant au passage la haine d’une concurrente.

 

Le tournage, ensuite, est une autre série de violences physiques et morales : elle est giflée et frappée par le réalisateur dans une séquence hallucinante où la violence réelle doit stimuler le jeu de l’actrice, la mettre en condition. Elle manque même mourir lors d’une explosion qui fait partie du scénario, sans se soucier du danger que cela fait courir à l’actrice.

   

Wu Kexi en Nina Wu

 

 

Première séquence

 

 

Répétition du film dans le film

 

Aux violences professionnelles s’ajoutent les tensions familiales : son père fabriquait des sacs en plastique « customisés » ; il a fait faillite, s’est retrouvé couvert de dettes et en a perdu la raison, sa mère a eu une crise cardiaque et doit subir un pontage coronarien. Et pour couronner le tout, à ces tensions éprouvantes s’ajoute le fiasco d’une aventure sentimentale avec une amie qui ne l’a pas suivie à Taipei, mais à laquelle elle reste toujours viscéralement attachée et qu’elle tente de persuader de venir vivre avec elle.

 

Son équilibre mental finit par céder : victime d’hallucinations, elle perd peu à peu la raison.

 

Rupture stylistique

 

« Nina Woo » est en rupture avec le style docu-fiction des films précédents du réalisateur : il est annoncé comme un « thriller psychologique » et il a tous les ingrédients du genre, dont une violence et une tension qui provoquent un malaise constant pendant tout le film.

 

Il est construit en fait sur des flashbacks qui ne sont pas clairement définis, si bien que l’on finit par perdre le sens de la réalité et de sa chronologie, en même temps que l’actrice perd ses repères, ses hallucinations se traduisant par des scènes récurrentes comme des leitmotivs ponctuant le déroulement du film, et générant un certain ennui par leur répétition excessive. Le film se termine abruptement sur une scène filmée comme une séquence théâtrale ou l’émanation d’un cauchemar dont on se gardera bien de dévoiler la teneur, mais qui peine à fournir une conclusion à même de couronner ce film un peu bancal dont l’apogée (la réussite de l’actrice) est en fait au milieu.

   

Séance photo

 

« Nina Woo » tient surtout par la qualité de son interprétation, et en premier lieu celle de Wu Kexi, bien meilleure comme actrice jouant son rôle d’actrice que comme scénariste tentant de livrer une critique de la profession. Il doit aussi beaucoup à la photographie de Florian Zinke, ainsi qu’à la musique de Lim Giong, le montage étant cosigné Matthieu Laclau.

 

Trailer

 

Co-production internationale

 

Travail sur la photo (cadrage et lumière)

 

Avec « Nina Wu », Midi Z a perdu ce qui faisait la fraîcheur et la spontanéité de ses premiers films, certainement bien moins réussis d’un simple point de vue technique. Il semble avoir été victime de son sujet, sans doute cher à son actrice, mais cher aussi sans nul doute à ses producteurs en raison de sa médiatisation.

 

Le film est une coproduction internationale qui regroupe, aux côtés de la société de production de Midi Z, Seashore Image Productions, la société malaisienne Jazzy

International, la société taïwanaise Harvest 9 Road Entertainment, le studio allemand River Flow et Myanmar Montage Film. Le film a également reçu des subsides du gouvernement taïwanais. 

 

Midi Z a perdu en âme ce qu’il a gagné en financement. Son film court le risque d’intéresser plus les sociologues du cinéma que les cinéphiles, et d’attirer par son sujet plus que par la manière dont il est traité, au bénéfice des producteurs plus que du réalisateur. « Nina Wu » laisse perplexe quant à la suite que Midi Z va lui donner.

 


 


[1] Aussi indissociable de sa filmographie que Zhao Tao l’est de celle de Jia Zhangke.

 

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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