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« L’anniversaire » : une comédie satirique des débuts de Ning Jingwu

par Brigitte Duzan, 17 février 2008, révisé 18 mars 2012

 

Sorti en 2003, « L’anniversaire » (磨剪子抢菜刀》) est un film caractéristique de la première période de l’auteur du « Fusil de Lala », Ning Jingwu (宁敬武) (1). Peu connu, il est typique des comédies familiales, courantes à la télévision, et très populaires auprès du public chinois ; ce sont des satires du monde rural, de la société des petites bourgades dont beaucoup de citadins sont encore très proches.

 

Bien qu’il soit encore marqué par un certain formatage télévisuel, adapté d’une œuvre d’un auteur « du terroir » qui lui donne une certaine authenticité, le film de Ning Jingwu révèle une touche personnelle.

 

Une comédie satirique

 

Le titre original du film - 磨剪子抢菜刀 mójiǎnzi

 

L’affiche du film

qiǎngcàidāo  - signifie « aiguiser les ciseaux et affûter les couteaux de cuisine » ; c’est le cri, ou plutôt le chant traditionnel des rémouleurs chinois passant de maison en maison proposer leurs services, que l’on entend de moins en moins car le métier est en voie de disparition. Or ce métier, c’est celui du personnage principal du film, Li Chaoyang (李朝阳), qui s’apprête à fêter ses soixante-cinq ans.

 

Le vieil homme vit dans un village du Hebei avec sa femme, Wang Shufen (王树芬), et son troisième fils, Sanbao (三宝), un simple d’esprit resté à sa charge auquel il tente d’apprendre son métier pour lui assurer un minimum de ressources. Pour son anniversaire, il voudrait réunir ses quatre enfants : outre Sanbao, deux fils et une fille, tous trois partis travailler en ville, qu’il n’a pas vus depuis longtemps. Malade et sachant ses jours comptés, il voudrait profiter de cette réunion familiale pour discuter avec eux des problèmes qui le préoccupent : celui de la répartition des 180 000 yuans d’indemnisation qu’il doit toucher parce que sa maison va être détruite dans le cadre d’un projet d’industrialisation du village, et celui de l’avenir de Sanbao et de sa mère.

 

Les deux aînés sont au rendez-vous. Le premier, Li Dabao (李大宝), est un petit fonctionnaire timoré qui vit sous la coupe d’une femme intransigeante. Le second, Li Erbao (李二宝), a perdu son emploi et s’est couvert de dettes ; pour se donner un air de respectabilité, il a « loué », pour les deux jours de la fête, une jeune serveuse de restaurant, ravie de pouvoir gagner mille yuans aussi facilement, qu’il fait passer pour sa femme. La fille, elle, se contentera d’envoyer un gâteau d’anniversaire (dans un pathétique glaçage blanc et rose, ridicule témoin des modes occidentales).

 

Chacun n’a en fait pour principal objectif que d’obtenir la plus grande partie possible des 180 000 yuans.  Evidemment, la réunion familiale révèle les turpitudes de leurs enfants aux yeux des parents, dont l’incompréhension n’a d’égale que leur noblesse d’âme. Le film se termine par une scène d’un pathos exacerbé où est dévoilée la maladie du père, qui prend alors la parole pour énoncer ses dernières volontés.

 

Un mélo sauvé par son  authenticité

 

L’affiche pour CCTV

 

Le film penche vers le mélo un peu trop larmoyant – sur fond de critique larvée de la modernité : celle qui chasse les parents de leur maison, celle qui corrompt les enfants partis à la ville. Seuls en réchappent les parents, qui conservent leur dignité de paysan

et leur bonté naturelle, l’idiot qui ne l’est pas tant qu’on le pensait et la jeune serveuse dont le rôle n’est qu’esquissé (et qui n’existe pas dans le roman).

 

C’est un peu schématique, et le film en rajoute en multipliant les scènes pathétiques : par exemple, celle de la jeune fiancée de Sanbao qui se fait passer pour muette afin de justifier d’accepter de devenir l’épouse d’un arriéré mental, mais qui avoue se sacrifier, en fait, pour obtenir la dot qui permettra de faire opérer son père gravement malade… Mais c’est la maladresse de la mise en scène qui est en cause, non la véracité du personnage.

 

La mise en scène a sans doute été influencée par une optique télévisuelle – le film a effectivement été programmé sur CCTV6 – mais il comporte une vraie recherche d’authenticité ; les personnages évitent dans l’ensemble la caricature, et le film se rapproche des comédies satiriques très populaires de Zhao Benshan (赵本山) (2) dont il partage l’art du dialogue savoureux, fondé sur des expressions locales.

 

D’ailleurs, la verve satirique de Ning Jingwu a la même origine, ce Dongbei dont est également originaire l’écrivain qui a inspiré le film et en a écrit le scénario : Li Ming (李铭). Le scénario est l’adaptation d’un de ses romans : « La chaudière volante » (《飞翔的锅炉》fēixiángde guōlú).

 

Li Ming est né en 1972 dans une famille paysanne de

 

Li Ming

Chaoyang, dans la province du Liaoning (辽宁省朝阳市), au nord-est de la Chine. Après avoir tout juste terminé ses études secondaires, il a commencé à travailler comme simple paysan. En 1997, il est parti à Panjin (盘锦), toujours au Liaoning, où il a travaillé comme ouvrier sur des chantiers de bâtiment.

 

C’est le soir, après le travail, qu’il a écrit son premier roman, publié dans une revue de Panjin : « Pluie sur Lihua » (《梨花雨》líhuāyǔ : pluie sur les fleurs de poirier, c’est-à-dire sur le village de Lihua). C’est l’histoire attachante d’un apiculteur arrivant dans un village du Liaoning ; celui-ci est vidé de ses habitants mâles partis travailler en ville ; même le chef du village est une femme, dont la vie est bouleversée par l’arrivée de l’apiculteur.  Puis, en 2003, Li Ming est allé travailler à Xinglong, au Hebei, où, en 2005, il a publié « La chaudière volante », qui est donc son second roman.

 

Wang Chengli

 

Ses romans sont donc un témoignage vivant de son expérience personnelle ; ils ont la chaleur d’un souvenir légèrement nostalgique, et reflètent son amour du terroir natal, d’un passé qu’il regrette de voir révolu. C’est sans doute cela que les spectateurs chinois apprécient dans le film : il offre simplement une image à vif de la vie d’une famille ordinaire, et des problèmes d’adaptation que rencontrent la majorité des Chinois, confrontés à une modernisation accélérée où ils ont du mal à y trouver leur place.

 

Il n’y a pas d’attaque politique, pas de charge contre des autorités incompétentes ou corrompues : les problèmes apparaissent comme le fait du ciel, inéluctables, comme la naissance d’un enfant anormal, comme le passage du temps, et comme il en a toujours été en Chine. En ce sens, il n’y a pas d’accusation, pas de responsabilité particulière à dénoncer ; la responsabilité est collective, et elle tient bien plus, semble dire Li Ming, à la perte des traditions, des garde-fous sociaux, et, finalement, à la faiblesse humaine.

 

Cette première phase de l’œuvre de Ning Jingwu représente un aspect du cinéma chinois peu connu du public occidental, à ne pas négliger.  Son  film suivant, sorti en 2007, a été l’adaptation du premier roman de Li Ming, « Pluie sur Lihua » (《梨花雨》), avec, dans les deux rôles principaux, les deux acteurs interprétant, dans

 

Lei Ting

« L’anniversaire », les rôles de Dabao et de sa femme : Wang Chengli (王长立) et Lei Ting (雷婷)(3). Ceci crée un lien entre les deux films qui apparaissent ainsi comme deux volets d’une réflexion sur le même thème.

 

 

Notes

(1) Le film a été projeté au Centre culturel de Chine à Paris, le 16 février 2008.

(2) D’ailleurs l’acteur qui interprète le rôle du père, Wang Changlin (王长林), originaire du Heilongjiang, est un acteur de xiangsheng (相声演员), ces dialogues comiques dont Zhao Benshan est le grand maître.

(3) Wang Chengli (王长立) est un acteur de théâtre qui jouait déjà dans le premier film de Ning Jingwu, « Grandir » (成长》), où il interprétait le rôle du père.  Lei Ting est également une actrice venue du théâtre, et passée par la télévision, originaire de Changchun.

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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