Du sang sur le volcan, film muet de Sun Yu produit en 1932
par Brigitte Duzan, 22 novembre 2022
Du sang sur le volcan
« Du
sang sur le volcan » est un film écrit et réalisé par Sun Yu
(孙瑜)
en 1932, qui représente l’un des sommets de son art à ses
débuts. Le film est sorti la même année que « La Rose
sauvage » (《野玫瑰》),
après les deux grands films réalisés par Sun Yu en 1930 : « Rêve
de printemps dans l’antique capitale » (《故都春梦》)
et « Herbes folles et fleurs sauvages » (《野草闲花》).
Comme les précédents, « Du
sang sur le volcan »
a été produit par
Luo Mingyou (罗明佑)
et tourné à la Lianhua que Luo Mingyou venait de créer avec
Li Minwei (黎民伟).
Scénario
L’histoire imaginée par Sun Yu se passe dans les années
1920, alors que la Chine est aux mains des seigneurs de la
guerre qui mettent le pays à feu et à sang. Le scénario
relate les malheurs d’une famille de paysans qui ont une
fille trop jolie. Elle est donc convoitée par le tyran
local, un seigneur de la guerre qui la veut pour énième
concubine. Elle est kidnappée par son neveu, Cao Renjie (曹人杰).
Son père et son petit frère sont accusés de vol et jetés en
prison. Elle se suicide. Son père et son frère meurent.
Son cousin et fiancé Song Ke (宋珂)
se fait matelot et s’enfuit dans une île lointaine où il vit
pendant trois ans avec un groupe de travailleurs chinois, au
pied d’un volcan. Il gagne la réputation d’un homme qui ne
sourit jamais … jusqu’à ce qu’il rencontre une chanteuse de
cabaret qui a été engagée par la taverne locale et dont il
tombe amoureux. Cependant, Cao étant arrivé là parce que son
oncle a été vaincu et qu’il a été obligé de fuir, il
reconnaît Song Ke et le fait à nouveau emprisonner, mais il
est sauvé par la chanteuse et ses amis. Song Ke peut alors
confronter son ennemi et exercer sa vengeance alors que le
volcan entre en éruption. Il ne lui reste plus ensuite qu’à
revenir soigner la chanteuse… et
l’homme-qui-ne-souriait-jamais retrouve le sourire.
Mise en scène et interprétation
Les premières images sont un hymne à la nature typique de
Sun Yu, illustrant le « paradis » rural dont il parle dans
son introduction, idéal d’une vie proche de la nature qu’il
illustrera quelques années plus tard encore dans son film de
1936 intitulé justement « Retour à la nature » (《到自然去》).
Publicité des années
30
Film muet, en noir et blanc, le film peut difficilement
rendre le côté exotique que l’on aurait pu attendre de la
séquence supposée être dans une île « dans les mers du
Sud ». Malgré tout, le film n’a pas le côté statique de bien
des films muets de l’époque : les scènes au village, et en
particulier dans la boîte à matelots où même les figurants
sont très vivants, ont la fraîcheur et la spontanéité que
recherchait Sun Yu. C’est la caractéristique, aussi, de ses
acteurs.
Le rôle principal est interprété par l’actrice Li Lili (黎莉莉)
que Sun Yu venait de découvrir alors qu’elle n’avait que
dix-sept ans ; comme
Ruan Lingyu (阮玲玉),
star des deux films précédents, elle n’avait pas été formée
au théâtre huaju (ou théâtre « parlé ») comme la
plupart des actrices de l’époque ; elle avait donc comme
elle un jeu naturel et spontané. Toutes deux vont devenir
les actrices fétiches de Sun Yu ; elle joueront ensemble
l’année suivante dans « Le petit jouet » (《小玩意》).
Quant au rôle principal de Song Ke, il est interprété par
Zheng Junli (郑君里)
qui deviendra lui-même un grand réalisateur à la fin des
années 1940. Il était lui, issu du théâtre, et s’il est à
l’égal de sa partenaire féminine dans la première partie, il
a un jeu un peu convenu en justicier proche de l’archétype
du vengeur de la tradition chinoise.
Mais c’est aussi le rôle qui était ainsi conçu. Après la
mort du méchant sur le volcan comme frappé par la colère
divine dans une sombre apothéose, le film se termine sur une
conclusion rétablissant la justice et permettant au héros
d’envisager une vie heureuse, dans une harmonie retrouvée.
Cette fin de mélodrame est sans doute la raison pour
laquelle « Du
sang sur le volcan » ne figure pas parmi les films
habituellement cités comme les meilleurs de Sun Yu. Il
contient cependant bien des ingrédients qui feront du film
suivant, « Le petit jouet », un petit chef-d’œuvre de
fraîcheur et de sensibilité.
Du
sang sur le volcan,
intertitres traduits en anglais par Christopher Rea :
[1]
Titre français référencé (p. 156)
dans le catalogue du Centre Georges Pompidou « Le
cinéma chinois », conçu, sous la direction de
Marie-Claire Quiquemelle et Jean-Loup Passek, à
l’occasion de la rétrospective du 15 décembre 1984 -
28 février 1985.