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« Desert Dream » : une lente méditation de Zhang Lü sur la frontière et le désert

par Brigitte Duzan, 08 décembre 2013

 

Ce troisième long métrage de Zhang Lü (张律) se passe dans le sud-est de la Mongolie, dans une région semi-désertique proche de la frontière chinoise, vraisemblablement dans la province de Dornogov’ si l’on en croit la plaque d’immatriculation (DOD-6000) de l’un des rares véhicules que l’on voit dans le film. Le titre définitif du film, « Hyazgar » (《边界》), désigne une frontière en mongol, et plus particulièrement la limite du désert.

 

Présenté en février 2007 au festival de Berlin, il n’a pas obtenu l’Ours d’or qui est allé au « Mariage de Tuya » (图雅的婚事) de Wang Quan’an (王全安) qui était en compétition en même temps, sur un sujet proche. L’injustice a été réparée quelques mois plus tard au Festival Osan-Cinefan du cinéma arabe et asiatique qui avait dans son jury, outre Wu Tianming (吴天明), l’Egyptien Hala Khalil, le réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul et l’Indien Saeed Mirza : ils ont salué un réalisateur qui, comme eux, menait une réflexion sur les problèmes

 

Desert Dream

humains du monde moderne, et était capable de les traiter dans un langage cinématographique parfaitement adapté.

 

Le désert comme refuge

 

Dornogov’, c’est la partie orientale du gobi - terme désignant une steppe semi-aride en mongol ; c’est une zone habitée par des populations semi-nomades vivant essentiellement de l’élevage.

 

L’arrivée des deux transfuges

 

Or, la sécheresse s’accroît dans la région, et, la vie y étant de plus en plus difficile, les familles démontent leurs yourtes et partent vivre ailleurs. Reste Hungai, viscéralement attaché à sa terre natale qu’il essaie de sauver de la désertification en plantant des arbres, un travail de Sisyphe perpétuellement menacé par les tempêtes de sable, aussi fréquentes que l’eau est rare. Même sa femme finit par partir, elle aussi, car, leur petite fille étant atteinte de surdité, elle décide de l’emmener à la ville la faire soigner.

 

Il ne reste pas seul longtemps, cependant, car, une nuit, il est tiré de son tête à tête avec une bouteille d’alcool devenue son unique compagnie par deux hôtes inattendus : une jeune femme et son petit garçon, qui se révèlent être des transfuges de Corée du Nord. La vie prend du coup une toute autre tournure. Si la mère reste froide et distante, l’enfant, lui, trouve de l’attrait dans sa nouvelle existence, trouvant dans Hungai la présence paternelle qui lui manquait, son père ayant été tué par les gardes-frontières chinois pendant leur fuite.

 

Ils finissent tous les trois, sans comprendre leurs langues réciproques, par former une sorte de famille unie par les travaux quotidiens : la traite de la vache, le ramassage des bouses de vache pour alimenter le poêle, le périple pour aller chercher de l’eau (ponctué par les haltes aux sanctuaires bouddhiques de fortune où flottent les bouts de rubans de prière bleus, symboles de bonheur futur), et la sempiternelle plantation des arbres dans le sable.

 

Un film méditatif sur la frontière

 

Hungai, Soon-hee et son fils

 

Le film prend une vitesse de croisière, très lente, pour dépeindre cette vie que seule anime quelque peu l’arrivée de temps à autre d’un soldat venu d’on ne sait où, le passage de chars, monstrueux dans la nuit, dont la zone semble être un terrain d’exercice, ou la visite occasionnelle au vendeur d’arbustes ou à la petit échoppe locale, tous deux aussi incongrus dans l’immensité de la steppe maintenant que presque tous leurs clients sont partis. La caméra se fixe sur le paysage sans même prendre la peine de suivre les personnages, qu’importe, ils ne peuvent aller bien loin, elle les rattrape un moment plus tard.

 

Frontière difficile à franchir

 

Il y a une sorte de culte du plan fixe chez beaucoup de réalisateurs chinois, mais jamais il n’a été aussi justifié qu’ici. On n’a même pas la distraction d’une musique de fond, la bande sonore est constituée du bruit du vent, et d’une chanson de temps en temps. On a le temps de penser, comme Hungai étendu dans le sable doré du désert.

 

La jeune Coréenne, comme absente, semble avoir évacué tout sentiment, comme si elle était atteinte elle aussi par la désertification ambiante. Zhang Lü lui a donné le même nom

qu’au personnage principal de son film précédent, « Grain in Ear » (《芒种》), qui était aussi une jeune mère coréenne, elle aussi élevant seule son enfant. Zhang Lü a expliqué que ces deux femmes ont une double origine autobiographique.

 

Il est lui-même originaire, de la préfecture autonome de Yanbian, dans la province chinoise du Jilin : proche de la frontière nord-coréenne, c’est une région où sont concentrées de nombreuses familles d’origine coréenne. Lui-même est chinois, mais il a un grand-père coréen. Pendant la Révolution culturelle, son père a été emprisonné ; sa mère a alors emmené ses enfants à la campagne, il avait cinq ou six ans et en a gardé des souvenirs vivaces. Les deux Soon-hee en sont des témoignages.

 

Travail dans le désert

 

Par ailleurs, il avait entendu dire que l’on trouvait des réfugiés nord-coréens très loin de la frontière, jusqu’en Mongolie ; il est donc allé voir, en a rencontré beaucoup, « Desert Dream » est né de là.

 

L’actrice Seo Jung dans le rôle de Choi Soon-hee

 

Il n’y a cependant pas de message politique ; Zhang Lü s’intéresse aux problèmes existentiels rencontrés par ses personnages : problèmes de communication et problèmes d’adaptation à un pays et un mode de vie totalement différents. Le titre original du film trouve là sa signification profonde : la frontière est géographique, mais elle est aussi dans les esprits, elle crée des cloisons étanches qui doivent disparaître pour que la communication puisse s’établir. Un rien suffit alors à l’amorcer, à défaut de la parole : un dessin dans le sable, un geste, une chanson…

 

« Les nations ont des frontières, » a dit Zhang Lü, « les esprits aussi… C’est quand ces frontières sont abaissées que les esprits peuvent communiquer. »

 

S’il y a lente progression, elle est en effet dans les esprits ; autrement, il semble ne rien se passer. Mais le travail du cinéaste est superbe : il n’y a pas deux images pareilles, les ciels sont toujours changeants, les scènes de nuit ont des éclairages caravagesques, et quand la monotonie risque de s’installer, fait irruption, le temps d’une nuit, une amazone superbe qui porte en elle toute la magie du pays, ou un jeune soldat en quête de chaleur humaine qui entonne une chanson mongole que le vent emporte avec lui.

 

L’acteur Osor Bat-Ulzii

 

Il faudra que Hungai soit appelé à la ville par sa femme pour que cet équilibre magique soit brisé. Ne le voyant pas revenir, après une nuit sans lendemain passée avec un jeune chauffeur de la base militaire proche, la jeune Coréenne reprend la route avec l’enfant qui ne voulait pas partir.

 

Hungai retrouve la yourte vide : il est celui qui reste. Ainsi se conclut cette sorte d’hymne muet. La steppe apparaît in fine comme une ultime frontière de liberté, aussi bien qu’un ultime refuge, où tout semble idéalement possible, à force de volonté et d’abnégation. Mais Hungai, dans sa solitude finale, prend la dimension absurde d’un personnage de Beckett.

                        

Le film (en mongol avec sous-titres chinois et anglais) :

 

 

1ère partie

 

 

2ème partie

 

Note sur les acteurs

 

Le rôle de Choi Soo-hee est interprété par l’actrice coréenne Seo Jung, connue, entre autres, pour ses rôles dans « Peppermint Candy » de Lee Chang-dong et « L’île » de Kim Ki Duk.

 

Quant au rôle de Hungai, il est joué par l’acteur et réalisateur mongol Osor Bat-Ulzii, auteur de « Uuliin Tumur » (2005). 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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