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« The Pluto Moment » : un film élégiaque de Zhang Ming sur la création, la vie et la mort

par Brigitte Duzan, 9 mai 2021

 

« The Pluto Moment » (《冥王星时刻》) est le neuvième film de Zhang Ming (章明), réalisé vingt-deux ans après « Rain Clouds over Wushan » (《巫山云雨》 ou « In Expectation »). Il a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes en mai 2018. Les critiques ont été enthousiastes ; pour The Hollywood Reporter, c’était « le joyau caché du festival » (Cannes hidden gem).

 

Après vingt ans de compromis frustrants avec la censure et les producteurs, Zhang Ming retrouve la veine méditative de son premier film, en livrant une réflexion très personnelle sur les difficultés de la création, et tout particulièrement de la création cinématographique, dans une mise en abîme très réussie de son propre personnage.

 

La création comme principe vital

 

« The Pluto Moment » est construit autour du personnage principal de Wang Zhun (王准), réalisateur de films d’auteur en panne d’inspiration et de financement qui tente désespérément de monter un nouveau film inspiré d’un ancien recueil de chants funèbres, le « Conte des ténèbres » (《黑暗传》), que

 

The Pluto Moment

seules quelques personnes savent encore chanter, dans les fins fonds de montagnes reculées. On retrouve là un thème proche de celui du sixième film de Zhang Ming, « Folk Songs Singing » (《郎在对门唱山歌》), mais traité dans un esprit différent.  

 

Autobiographie satirique et cathartique

 

Le film se déroule en trois phases.

 

Dans la séquence introductive, Wang Zhun se rend sur le tournage d’un film dans lequel sa femme est en vedette : l’actrice Gao Li (高丽), interprétée par une actrice enseignante de yoga qui a joué dans « Kung Fu Yoga », ce qui donne une idée du film dans le film. Wang Zhun veut simplement lui demander de jouer dans le film qu’il prépare. Mais l’équipe ne le connaît pas et le réalisateur le traite de haut. Dans la brève séquence suivante, on retrouve Wang Zhun dans un taxi, un bandage sur la tête et le visage tuméfié. Tout est dit : la douloureuse solitude du réalisateur confronté à l’indifférence et à l’humiliation d’un monde tourné vers le profit qui méprise les artistes comme lui. On sent la satire autobiographique aux accents cathartiques.

 

 

Satire : ah vous faites un film d’art et d’essai, comme Zhang Yimou, c’est ça ?

 

 

Ce prélude est aussi une satire mordante des ambitions de « l’industrie » du cinéma chinois et de sa course aux coproductions internationales. Le film en cours de tournage est produit pas une productrice française qui prend l’intrus de haut en pensant qu’il vient demander de l’argent [1]. Le mélange d’anglais, de mandarin et de dialecte de Shanghai qu’on entend dans le studio renforce la charge ironique sur les prétentions à l’international du cinéma chinois officiel, ce qui ne fait qu’accentuer l’exclusion de Wang Zhun.

 

 

Les quatre membres de l’équipe

 

 

Il se lance alors dans la préparation de son projet en partant à la recherche de l’élégie funèbre dans les forêts des montagnes du Sichuan, avec une petite équipe ad hoc : sa productrice Ding Hongmin (丁宏敏), accompagnée d’un jeune acteur nommé Bai Jinbo (白金铂) qui tente de décrocher à la fois un rôle dans le film et une place dans le cœur de sa protectrice, et la camerawoman Du Chun (度春) qui a elle-même un penchant pour Wang Zhun. Le petit groupe est complété par un guide, Luo (老罗), qui est aussi un représentant local du Parti, et apporte une touche d’humour, mais aussi de sagesse populaire.

 

 

Road movie dans la forêt

 

 

Le film progresse alors comme un road-movie pédestre dans la nature sauvage des montagnes au nord de Chongqing, avec même l’ombre de « l’homme sauvage » (野人) qui est un peu le loup garou local, mais version kitsch dans l’esprit de citadins qui y croient aussi peu qu’aux renardes de Pu Songling.

 

A la recherche de la « montagne de l’âme »

 

Au fur et à mesure, cependant, l’attitude des personnages évolue, leurs relations changent. On passe d’une atmosphère rappelant « L’Avventura » de Fellini à celle de « La Montagne de l’âme » (《灵山》) de Gao Xingjian (高行健), et ce de manière explicite car Wang Zhun et sa productrice ont le livre en main en travaillant sur le scénario lors d’une pause dans la forêt.

 

 

Le manuscrit du « Conte des ténèbres »

 

 

Or, ce roman est le récit de deux voyages parallèles construits à partir des souvenirs du voyage de l’auteur dans le sud de la Chine en 1983. Le premier voyageur, « tu », est un citadin rongé par la nostalgie du passé et le désir de reconstruire son existence, parti à la recherche de la « montagne de l’âme » dont il a entendu parler dans un train. L’autre, « je », est son autre visage, qui ressemble à l’auteur : « écrivain qui ne peut publier » bouleversé par un faux diagnostic qui l’a poussé à questionner le sens de son existence, et désormais en quête d’une « vie authentique ». Il est d’ailleurs remarquable que l’histoire de « La Montagne de l’âme » se passe au Sichuan.

 

 

L’inspiration : La montagne de l’âme

 

 

La « montagne de l’âme » n’existe pas, bien sûr, tout est dans la quête. Il en est de même dans le film de Zhang Ming. La quête, ici, est celle du « Conte des ténèbres », qui est dangereux puisque, selon la légende, celui qui réussit à le lire en entier devient aveugle. Mais la quête est bien plus intérieure, c’est celle de l’artiste cherchant sa voie/voix, comme chacun cherchant un sens à sa vie. La fin est ouverte.

 

Un moment de grâce

 

L’image de Pluton

 

L’idée du titre vient de la nature de Pluton, planète naine orbitant autour du soleil, dont la luminosité, due à la réflexion du soleil, est faible et variable selon les différentes zones de la surface. Cette luminosité faible reflète et symbolise celle où sont enfermés les personnages du film, dans leur recherche à la fois créative et existentielle.

 

 

Le moment de Pluton

 

 

La forêt constitue comme un huis-clos où l’existence de chacun prend forme peu à peu, dans une émergence crépusculaire, en se dégageant de sa gangue urbaine au plus près de la nature. La « luminosité réduite » est superbement bien rendue par les images nimbées de bleu-vert brumeux du chef opérateur Li Jinyang (李锦阳) qui finit par créer une atmosphère de sérénité éthérée. Le chant funèbre retentit dans la chambre mortuaire comme un rituel venant clore la quête du réalisateur pour son film, mais laissant ouverte la suite de son histoire.

 

Scénariste et acteurs

 

Le scénario est habilement mené, avec quelques diversions inattendues ; il est cosigné de la scénariste Gong Yuxi (龚竽溪) [2] que l’on retrouve dans le film suivant de Zhang Ming.

 

Les acteurs sont pour la plupart peu connus, ce qui est parfait pour ce film ; Zhang Ming a même fait appel à des figurants locaux, non professionnels. L’exception est Wang Xuebing (王学兵) dans le rôle de Wang Zhun : il livre ici un des rôles de composition où il excelle.

 

 

Wang Xuebing dans le rôle de Wang Zhun

 

 

Les acteurs et leurs rôles :

 

Muqi Miya母其弥雅 : l’actrice Gao Li  高丽  

Wang Xuebing 王学兵 : le réalisateur  Wang Zhun 王准

Liu Dan 刘丹 : la productrice Ding Hongmin 丁宏敏  

Yi Daqian 易大千 : l’acteur Bai Jinbo 白金铂

Li Xinran 李心然 : la camerawoman Du Chun 度春

Yi Ping 易平 : le guide Luo 老罗

Zeng Meihuizi 曾美慧孜 : la veuve Chun Tai 春苔

 

Les photos de la Quinzaine :

https://www.flickr.com/photos/140899214@N05/sets/72157696301024144

 

Trailer festival de Cannes

 

Trailer 2 (sous-titres anglais)

 

 


 

[1] Il s’agit de Nathalie Devillers, directrice de production chez China Blue Films.

[2] Née en 1994, elle a fait des études de cinéma en Angleterre de 2012 à 2016 :
2012-2015 BA Film and TV production, University of Westminster

2015-2016 MA International Film Business, London Film School

En 2014, elle a réalisé un documentaire : « The Pancake Man » (portrait d’un vieux retraité chinois qui faisait des crêpes pour les étudiants chinois à Londres)

 

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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