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« Getting Home » de Zhang Yang : une émotion diffuse, entre rire et larmes

par Brigitte Duzan, 7 décembre 2008, révisé 23 décembre 2012

 

« Getting Home » (《落叶归根》) a été, en février 2006, l’une des plus belles surprises de la 56ème Berlinale que son directeur Dieter Kosslick avait annoncée comme devant être « aussi cruelle et inconfortable que la situation du monde » à l’époque.

 

« Getting Home » apparaît plutôt comme un road movie très drôle ; ce n’est qu’en filigrane que s’en dégage un certain « inconfort », et une image détonante de la société qui apparaît au détour du chemin, au gré de rencontres improbables et loufoques. Zhang Yang (张扬) se rapproche ici de Feng Xiaogang (冯小刚) dans la satire sociale déjantée, dont on ne sait trop si l’on doit en rire ou en pleurer.

 

Road movie imaginatif et drôle

 

Le film démarre sur les chapeaux de roues, sur un court préambule. Zhao (老赵) est en train de boire avec son copain Wang (老王) avec lequel il travaille sur un chantier, à Shenzhen ; or celui-ci, affalé sur le coin de la table, ne

 

Getting Home

répond pas à Zhao qui insiste pour qu’ils prennent un dernier verre : et pour cause, il est mort… Or Zhao lui a promis que, s’il lui arrivait quelque chose, il ramènerait son cadavre chez lui pour qu’il soit enterré, comme le veut la tradition, dans la terre de ses ancêtres. D’où le titre original du film, qui reprend un vieux dicton chinois : 《落叶归根》Lùoyè gūigēn, une feuille tombée retourne à ses racines.

 

Arrivant pour prendre le bus avec son cadavre sur le dos

 

Commence alors un véritable road movie qui doit conduire Zhao, portant le cadavre de son ami, de Shenzhen jusqu’à Chongqing, d’où le vieux Wang est originaire. Ce périple d’environ 1 500 km est d’autant plus mouvementé que transporter ainsi un cadavre est illégal et que Zhao doit échapper à la surveillance de la police. Il commence par l’attaque du bus dans lequel a pris place le convoyeur, le cadavre assis à ses côtés comme si c’était un passager ordinaire.

 

Ce n’est que le début de multiples péripéties

qui sont pour le réalisateur prétexte à dresser un portrait de la Chine de l’intérieur, ou plutôt plusieurs portraits de personnages plus ou moins emblématiques, tous plus originaux les uns que les autres, qui forment au total une image chaleureuse, et plus profonde qu’il n’y paraît, de la Chine rurale, d’aujourd’hui comme de toujours.

 

 

L’attaque du bus

 

Si les deux premières séquences sont un peu forcées, le reste du film est aussi inventif que drôle. Certaines des rencontres faites en chemin donnent lieu à de véritables séquences d’anthologie, comme celle du vieux monsieur qui se paie des funérailles pour entendre des gens pleurer sur son sort ou celle du cycliste fou parti faire l’ascension de l’Everest (1). Le transport du cadavre lui-même donne lieu à des prodiges d’imagination, du vieux pneu de chantier à la carriole à bras rafistolée avec laquelle Zhao se prend à faire la course avec un buffle attelé…

 

Peinture  sociale entre rires et larmes

 

Mais le film ne serait guère plus qu’une simple comédie assez drôle s’il se bornait à cela. Il va en fait beaucoup plus loin : chaque personnage a une histoire personnelle qui donne envie de pleurer autant que de rire.

 

Le faux défunt, par exemple, déclare se payer des funérailles de temps en temps pour rompre sa solitude ; sa femme est morte, il n’a pas d’enfants, alors il invite des gens à venir le pleurer en échange d’un bon repas. Ou encore, Zhao est hébergé un soir par un couple d’apiculteurs qui vivent seuls dans la montagne ; au moment du déjeuner, la femme se dévoile lentement le visage ; un visage défiguré par l’explosion de la chaudière de son usine ; comme personne ne supportait plus de la voir ainsi, y compris son propre fils, son mari a imaginé cette reconversion providentielle en apiculteurs, loin de toute habitation….

 

Le film est ainsi construit en alternant scènes drôles et

 

Zhao Benshan avec Zhang Yang sur le tournage (séquence du bus)

séquences d’une infinie tristesse. Comme dans beaucoup de comédies chinoises, le comique est une couche superficielle qu’il suffit de gratter un peu pour qu’apparaissent les profondes blessures que la vie a laissées en chacun. Et si Zhao finit par conserver quelque espoir à la fin de son périple, terminé

 

La course avec le buffle

 

pourtant en queue de poisson dans un village déserté par ses habitants en prévision de la montée des eaux du barrage des Trois-Gorges (Chongqing n’a pas été choisi pour rien comme lieu de destination), c’est parce qu’il a rencontré en chemin une femme aussi perdue que lui à qui il a promis de revenir la chercher. Car seuls l’amour, ou au moins l’amitié et la chaleur humaine peuvent permettre de surmonter les difficultés et les traumas de ces vies de galère.

 

Après cette rencontre, Zhao repart sur un camion de chantier, le visage transfiguré, déclamant du haut de la cargaison, dominant le paysage,  le poème que l’enfant des apiculteurs était en train d’apprendre un moment auparavant :

如果我的祖国是一条大路,我就是一辆汽车,跑啊跑,我多快乐!
如果我的祖国是一棵大数,我就是一片树叶,我摇啊摇,我多快乐!

si mon pays était une grand route, je serais une voiture qui file, qui file, et je serais tellement heureux !

si mon pays était un grand arbre, j’en serais une feuille qui frémit, qui frémit, et je serais tellement heureux !)

 

C’est là un grand moment de cinéma. Le poème traduit le désir de fusion émotionnelle avec la patrie, mais Zhang Yang prend le terme dans le sens plus large de communauté humaine. Zhao exprime là toute sa profonde joie de vivre, une joie de vivre qui ne demande qu’à faire surface, mais qui dépend finalement d’une chose très simple :  un être à qui parler, avec lequel échanger sa tristesse et ses joies. Pour reprendre un terme malheureusement un peu dévoyé aujourd’hui, c’est une joie de vivre qui tient

 

Rencontre avec le cycliste (Xia Yu)

à l’harmonie de l’homme avec ses pairs, avec sa terre.

 

Avec le cadavre sur un camion

 

« Getting home » est donc plus profond qu’il ne semble au premier abord : le comique n’est là que pour panser les plaies, en quelque sorte. On n’en sort pas indemne, d’autant plus que le film est tourné dans des paysages d’une beauté à couper le souffle : le Yunnan filmé par Yu Lik-wai (余力为) offre au regard des images en elles-mêmes d’une intense charge émotionnelle, doucement et discrètement soulignée par la musique de Dou Peng (窦鹏).

 

Un scénario inspiré d’une histoire vraie

 

Le scénario est inspiré d’un fait divers dont Zhang Yang a lu l’histoire dans le journal Nanfang Zhoumo (《南方周末》). L’article, daté du 13 janvier 2005, était intitulé « Enquête sur un travailleur migrant revenu au pays en faisant mille kilomètres un cadavre sur le dos » (“民工千里背尸返乡调查”). Il a eu un tel succès (surtout après le film, d’ailleurs) qu’on le trouve en ligne, avec des photos du héros et de son cadavre, emballé comme une momie.

 

Pour écrire le scénario, Zhang Yang s’est associé cette fois avec Wang Yao (王要), un scénariste de l’écurie Peter Loehr, mais, en voyant quelques rushes du tournage, on imagine que Zhao Benshan (赵本山) a dû apporter sa contribution inopinée hors scénario : on décèle sa signature dans nombre de gags qui sont de véritables numéros de xiangsheng, y compris un vrai….

 

Hommage aux acteurs… et au réalisateur

 

Le vrai personnage de l’histoire initiale,

avec son cadavre emballé

 

Avec le faux défunt

 

Il faut saluer la performance de la pléiade d’acteurs célèbres qui viennent apporter toute la justesse de leur jeu à des situations qui demandent souvent à la fois la maîtrise du registre comique comme celui du registre dramatique, les deux étant étroitement imbriqués.

 

Il faut évidemment d’abord saluer la performance de Zhao Benshan (赵本山) que l’on connaît surtout comme acteur comique, grand spécialiste de xiangsheng (相声)  et de errenzhuan (二人转), mais

qui se révèle ici, dans un rôle complexe, plus vrai que nature, exceptionnel de drôlerie, de finesse et de profonde humanité.

 

Mais les rôles secondaires sont tout aussi réussis :

- Song Dandan (宋丹丹), dans le rôle de la pauvre femme qui vend son sang pour payer les études universitaires de son fils, est une célèbre actrice de sitcoms télévisés, souvent partenaire de Zhao Benshan ;

- Guo Degang (郭德纲), également célèbre acteur de xiangsheng, interprète le chef du gang qui attaque le bus au début du film ;

- Xia Yu (夏雨), le cycliste dopé à

 

Avec Song Dandan

l’adrénaline, est un acteur découvert par Jiang Wen (姜文) pour son premier film ; c’est lui qui jouait le rôle principal du court métrage réalisé par Zhang Yang en numérique en 2002 ;

- Wu Ma (午马), le faux défunt, est l’un des noms les plus célèbres du cinéma de Hong Kong, figure récurrente dans les films de Tsui Hark ;

- sans oublier des apparitions rapides comme des clins d’œil, tel Hu Jun (胡军), en conducteur de bus, ou Sun Haiying (孙海英) en policier

 

Avec Sun Haiying

 

Les paysages

 

On a ainsi toute une galerie d’acteurs dont les seuls visages sont tellement emblématiques qu’ils viennent renforcer la force expressive des portraits dressés par Zhang Yang. Et le plus extraordinaire est que ce pouvoir expressif agit en lui-même, même si l’on ne connaît pas les acteurs. 

 

Zhang Yang (张扬) s’affirme ainsi comme l’un des meilleurs réalisateurs du moment, même s’il est moins médiatisé que d’autres, dans un registre mêlant l’amer et

le sucré, comme il se fait de meilleur en matière de comédie en Chine.

 

 

Le film

 

 

Note

« Getting Home » a été projeté en France au festival de Deauville en 2007, et dans le cadre du Panorama du cinéma chinois à Paris en 2008.                                                                                                

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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