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Actrices

 
 
 
     
 

Ai Xia 艾霞

1912-1934

Présentation

par Brigitte Duzan, 3 mars 2025

 

Célèbre actrice et scénariste chinoise de la période du cinéma muet, Ai Xia (艾霞) a été la première actrice chinoise à se suicider, en février 1934. Son histoire a inspiré au réalisateur Cai Chusheng (蔡楚生) son grand classique de 1935 « Femmes nouvelles » (《新女性》) avec dans le rôle principal Ruan Lingyu (阮铃玉) qui allait elle-même se suicider quelques mois plus tard.

 

 

 

Ai Xia

 

Une Nora actrice de gauche

 

Ai Xia est née en novembre 1912 à Xiamen, dans le Fujian (福建厦门), mais son père est allé pour ses affaires s’installer à Pékin quand elle était enfant. Elle aimait beaucoup lire, a bénéficié d’une bonne éducation et a même commencé des études universitaires. À l’âge de 16 ans, en 1928, menacée d’un mariage arrangé, avec un riche homme d’affaires qui avait déjà une concubine, elle s’enfuit à Shanghai.

 

Elle entre alors comme actrice dans la Société théâtrale de Chine du sud (Nanguo jushe 南国社) que venait de fonder le dramaturge Tian Han (田汉). Pendant ses heures de loisirs, elle prend des leçons de peinture et de poésie. En 1931, elle entre à la Ligue des dramaturges de gauche, puis, en 1932, est admise à la Mingxing ( 明星影片公司), avec l’actrice Wang Ying (王莹), elle aussi venue du théâtre. C’est l’âge d’or du cinéma de gauche en Chine.

 

 Ai Xia joue en 1932 dans un premier film : « Vieilles haines et nouvelles vengeances » (《旧恨新仇》), réalisé par Li Pingqian (李萍倩) qui venait d’entrer à la Mingxing. L’année suivante, elle joue aux côtés du grand acteur Zhao Dan (赵丹) dans un autre film de Li Pingqian, sur un scénario de Xia Yan (夏衍) et A Ying (阿英) : « Enfants de notre temps » (《时代的儿女》). Et la même année, elle interprète le rôle de He Hua (荷花) dans le film de Cheng Bugao (程步高) « Les vers à soie du printemps » (《春蚕》) adapté de la nouvelle de Mao Dun (茅盾), également par Xia Yan.

 

 

 

Ai Xia et Li Pingqian

 

Mais en même temps elle participe aussi au cinéma de gauche comme scénariste.

  

Scénariste et écrivaine

 

L’un de ses premiers scénarios portés à l’écran est celui du film également réalisé par Li Pingqian (李萍倩) : « Une femme moderne » (Xiandai yi nüxing《现代一女性》), sorti en 1933, dans lequel elle interprète également le rôle principal.

 

Ce rôle est celui de Putao (葡萄) [ou Raisin] qui travaille dans une société immobilière. Elle se donne toute entière à la poursuite de l’amour mais sa vie prend un tour nouveau quand elle rencontre un journaliste nommé Yu Leng (余冷). Il est marié, mais ils sont heureux, jusqu’à ce que les choses se compliquent : Putao est limogée pour avoir refusé de coucher avec son patron, mais finit par le faire pour gagner l’argent dont Yu Leng a besoin pour faire soigner son enfant malade[1]. Quand Yu Leng se fait à son tour limoger, elle va même voler son patron, qui porte plainte. Elle est envoyée en prison. Elle rencontre là une femme condamnée pour son engagement politique qui lui donne des leçons d’idéal révolutionnaire. Putao sort transformée de prison.

 

Ai Xia devient l’emblème de la « femme moderne ». Elle apparaît ainsi, entre autres, dans la revue « Linglong » (《玲珑》).

 

 

 

Ai Xia, « femme moderne » "现代"女子,

Linglong, numéro du 7 juin 1933

 

Ai Xia a également publié toute une série d’articles sur le sujet des femmes et des actrices, ainsi un article de conseils aux actrices en herbe - « À mes sœurs intéressées par le cinéma » (Gei youzhi dianying de jiemei men 《给有志电影的姐妹们》) - alors que le journal lui avait demandé un article sur le thème « Les femmes et la famille » - sujet dans l’air du temps alors que le Guomingdang s’apprêtait à lancer le « mouvement pour la vie nouvelle ». Comment demander un article sur la famille à un « Chat sauvage » ? dit-elle. « Chat sauvage » (Yemao 野猫) était le surnom qu’on lui avait donné.

 

Pour elle, les années 1932-1933 constituaient une époque inédite, et en particulier, pour elle, l’année 1933,  comme elle le dit encore dans son article « 1933 – Mon espoir » (1933, 我的希望》) publié le 1er mai 1933 dans le mensuel de la Mingxing (《明星月报》) : une année promettant une vie radicalement différente.

 

Pourtant, le 15 février 1934, elle se suicide en avalant une overdose d’opium.

 

Enigme et symbole

 

Lu Xun n’avait pas prévu cette issue quand il demandait, dans son célèbre discours à l’université normale de Pékin en 1927 : que va-t-il advenir à Nora une fois sortie de chez elle ? Cela confirmait cependant son idée que, si elle ne voulait pas avoir à se prostituer, elle ferait mieux de rester chez elle.

 

La mort d’Ai Xia, cependant, n’a guère suscité d’émoi, hormis parmi ses proches. Les articles ont fleuri, mais on a surtout cherché à élucider les raisons de son acte tout en le considérant comme inéluctable, étant le fruit de contradictions inhérentes à la « femme moderne ». Même Xia Yan, dans un article intitulé « Qui a tué Ai Xia ? » (谁致艾霞于死?)[2], y est allé du couplet usuel sur les « contradictions entre vie et pensée » et a fait de son suicide le résultat d’un système meurtrier, nourri par le goût du scandale, mais finalement surtout l’issue fatale pour « une femme faible, épuisée par les tourments de la vie »…

 

C’est en fait le film de Cai Chusheng, puis la mort de Ruan Lingyu qui ont fait de ce suicide, a posteriori, un événement, et un symbole.

 

Le film « Femmes nouvelles » (《新女性》) sorti le 3 février 1935

Réalisé à la Lianhua par Cai Chusheng (蔡楚生), sur un scénario de Sun Shiyi (孙师毅),

Avec  Ruan Lingyu (阮铃玉) dans le rôle principal

 

 

 

Il est significatif que, dans ce film, il n’est pas question de cinéma, mais d’écriture, et d’écriture romanesque. L’accent est mis au départ sur l’espoir que pourrait être l’écriture pour la femme « sortie de chez elle », en s’inspirant du personnage d’Ai Xia qui avait été surnommée « écrivaine star » (zuojia mingxing 作家明星). Mais c’est un espoir illusoire car toute publication doit pouvoir dégager un petit parfum de scandale pour attirer un éditeur. L’écrivaine doit rester dans la sphère privée, comme depuis l’aube des temps en Chine, sauf à devenir sujet de scandale, comme les actrices.


 

 


[1] La maladie de l’enfant est un élément de scénario assez classique à l’époque, que l’on retrouve en particulier dans le film de Cai Chusheng « Femmes nouvelles ».

[2] Inclus dans ses écrits sur le cinéma (《夏衍电影文集》), années 1930-1937. Extrait cité par Wang Yiwan, « To Write or To Act, That Is the Question », in Chinese Women’s Cinema, Lingzhen Wang ed, Columbia University Press, 2011, ch. 10, p. 248.

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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