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Actrices

 
 
 
     
 

Wang Ying 王莹

1913-1974

Présentation

par Brigitte Duzan, 2 mars 2025

 

Grande actrice des années 1930, au théâtre comme au cinéma, Wang Ying incarne les liens étroits entre théâtre parlé huaju (话剧) et cinéma à l’époque. Avec l’actrice, scénariste et réalisatrice Chen Bo’er (陈波儿), elle s’est en outre distinguée par son militantisme et ses essais en défense des droits des femmes, et comme l’actrice et scénariste Ai Xia (艾霞), elle a été qualifiée d’ « étoile des lettres » (zuojia mingxing 作家明星).

 

 

 

Wang Ying actrice

 

Une Nora des années 1920

 

Née en mars 1913 à Wuhu, dans l’Anhui (安徽芜湖), de son vrai nom Yu Zhihua (喻志华), elle était la fille d’un banquier de Nankin passionné de littérature et de théâtre. Mais sa mère, qui était professeure de musique, meurt en 1921 ; son père se remarie, et sa belle-mère l’envoie en pension. Finalement, elle est donnée comme épouse-enfant à une famille en remboursement des dettes de son père dont les affaires avaient périclité. Wang Ying s’enfuit sous le nom de Wang Keqin (王克勤).

 

Le salut par le théâtre et le cinéma

 

À Shanghai, elle entre dans la Société des arts du théâtre (Yishu jushe 艺术剧社) et prend le nom de Wang Ying. Elle se fait remarquer par son talent précoce pour le théâtre. En 1929, elle s’inscrit à l’université Fudan et s’enrôle également dans la troupe de théâtre de l’université (Fudan jushe 复旦剧社). En 1930, elle entre au Parti communiste. À partir de 1931, elle joue dans des pièces comme « La défense du pont Marco Polo » (Baowei Lugou qiao《保卫卢沟桥》) et « L’éventail de la jeune maîtresse » (Shaonainai de shanzi《少奶奶的扇子》) adaptée de la pièce d’Oscar Wilde « Lady Windermere’s Fan » par Hong Shen (洪深), pièce qui avait causé une vraie sensation lors de sa première en 1924.

 

La carrière cinématographique de Wang Ying commence au studio Mingxing (明星影片公司) avec trois films (muets), entre cinéma de gauche et mélodrame « soft »[1] : « Cry of Women » (Nüxing de nahan《女性的呐喊》) réalisé par Shen Xiling (沈西苓) en 1933, et dépeignant les conditions de travail dures et humiliantes d’une jeune femme et de sa sœur ; « Red Tear Chronicles » (Tieban honglei lu《铁板红泪录》) réalisé par Hong Shen (洪深) également en 1933, sur les luttes paysannes, et « Common Enemy » (Tongchou《同仇》) réalisé en 1934 par Cheng Bugao (程步高) sur un scénario de Xia Yan (夏衍) contant l’histoire d’une femme qui pardonne à son mari volage parce qu’il s’est engagé sur le front pour se battre contre les Japonais.

 

Après une brève période au Japon en 1934 pour étudier le cinéma et le théâtre, Wang Ying rentre en Chine en 1935 et interprète le rôle principal dans le film « Goddess of Freedom » (Ziyou shen《自由神》) réalisé par Situ Huimin (司徒慧敏) au studio Diantong (电通影片公司), sur un scénario de Xia Yan (夏衍). Le film se voulait une nouvelle manière de dépeindre la quête d’indépendance d’une jeune femme et son engagement dans la lutte pour le salut national. Wang Ying y interprète le rôle d’une jeune femme qui s’enfuit de chez elle avec un étudiant pauvre ; ils se marient et se consacrent à la cause révolutionnaire, mais son mari meurt en héros à Canton ; elle est séparée de son enfant pendant l’Expédition du nord, mais elle se dévoue alors à la cause des orphelins de guerre.

 

 

 

Wang Jing dans « Goddess of Freedom »

 

Dans ses Mémoires, le grand acteur Zhao Dan (赵丹) rapporte avoir été impressionné par le jeu de l’actrice qu’il a vu jouer à cette époque-là [2] :

我当时去看她演出的时候,演完以后整个静场,过了很快,底下掌声像暴风雨般响起。我是佩服得五体投地。

« Quand je suis allé la voir jouer, à la fin de la représentation, la salle entière est restée totalement silencieuse, et puis, soudain, les applaudissements ont fusé comme une tempête. J’étais éperdu d’admiration. »

 

Jusqu’à la fin des années 1930, Wang Ying se consacre à l’effort de guerre et participe aux activités culturelles du Parti. Un Théâtre de défense nationale (Guofang xiju 国防戏剧) est créé par l’Association des dramaturges de Shanghai (Shanghai juzuozhe xiehui 上海剧作者协会). En 1936, elle interprète le rôle principal dans le film historique de Xia Yan (夏衍) « Sai Jinhua » (《赛金花》) – histoire vraie d’une courtisane huppée qui, grâce à l’influence qu’elle aurait exercée sur le diplomate allemand Waldersee commandant les troupes occidentales à Pékin au moment de la Révolte des Boxers, aurait réussi à négocier un accord de paix favorable à la Chine. La pièce fait sensation en dénonçant indirectement la non-intervention du Guomingdang dans la guerre contre les Japonais ; toutes les représentations font salle pleine. Le rôle rend Wang Ying célèbre. Or, pendant les répétitions de la pièce, elle était entrée en conflit avec l’autre actrice qui convoitait le rôle, Lan Yu (蓝𬞟), la future Jiang Qing (江青) de sinistre mémoire, qui ne le lui pardonnera jamais et se vengera plus tard.

 

 

 

Lan Yu et Wang Ying (à g.)

 

En 1937, après le déclenchement de la guerre, Wang Ying part en tournée dans quinze provinces avec la Troupe n° 2 de défense nationale de Shanghai. Au répertoire figure en particulier la célèbre pièce de « théâtre de rue » (jietou ju 街头剧) de Chen Liting (陈鲤庭) « Pose ton fouet » (Fangxia ni de bianzi《放下你的鞭子》). Adaptée d’une pièce de Tian Han (田汉), la pièce conte l’histoire d’un père et de sa fille qui se sont échappés du Manchukuo sous occupation japonaise, et qui se produisent dans les rues pour vivre en chantant les malheurs qu’ils ont subis[3].

 

Rebaptisée en 1939 Nouvelle troupe théâtrale de Chine (Xin Zhongguo jutuan 新中国剧团), la troupe voyage dans tout l’Asie du Sud-Est. Wang Ying en est la directrice adjointe et l’actrice principale. Pendant cette tournée, pour glaner des soutiens financiers, elle écrit des articles sur leur travail pour le journal de Singapour Nanyang Commercial News (Nanyang shangbao《南洋商报》). Mais, en 1940, sous la pression du Japon, la troupe est expulsée de Singapour et de Malaisie. En 1941, Wang Ying est à Hong Kong où elle participe à des activités antifascistes avec l’aide de Song Qingling. Quand Hong Kong tombe aux mains des Japonais, avec Xia Yan, Situ Huimin et les autres cinéastes de Shanghai, elle part à Chongqing.

 

Douze ans aux États-Unis

 

Depuis 1936, elle vivait avec le grand acteur Jin Shan (金山). Mais, à la fin des années 1930, elle tombe amoureuse de l’agent de liaison communiste Xie Hegeng (谢和赓) et rompt avec l’acteur. Or Xie Hegeng était marié. Mais, en 1942, il est envoyé aux États-Unis où il devient agent double pour le Parti communiste. Il laisse alors sa femme et ses enfants en Chine et emmène Wang Ying avec lui. Sa femme annoncera publiquement son divorce en 1951 et il épousera alors Wang Ying à New York.

 

 

 

 Wang Ying et son époux Xie Hegeng

 

Aux États-Unis, Wang Ying étudie un temps la littérature à Yale. En tant que présidente de l’Association culturelle de l’Est et de l’Ouest (Dongxi wenhua xiehui 东西文化协会), elle met en scène de nombreuses pièces de défense nationale. Elle est invitée à la Maison blanche : elle rencontre le président Roosevelt et son épouse ainsi que des membres du Congrès et d’autres personnalités pour lesquels elle interprète la pièce « Pose ton fouet ». Elle écrit également des articles pour les journaux des Chinois d’outre-mer à New York.

 

En 1946, elle assiste la journaliste américaine Agnes Smedley alors que celle-ci écrit la biographie du maréchal Zhu De : « The Great Road : The Life and Times of Chu Teh » (laissée malgré tout inachevée à la mort de Smedley en 1950, mais publiée en 1956). Wang Ying a écrit des essais sanwen réputés, écrits d’un point de vue féminin sur des thèmes qui lui sont chers comme le sort des femmes dans un monde en changement rapide ou le désir universel de liberté et d’amour. Parmi ses essais les plus célèbres figure aussi une réflexion sur le cinéma qui traduisait son insatisfaction avec les films faits à l’époque : « Expurger le côté sombre des cercles cinématographiques » (《冲出黑暗的电影圈》), écrit en 1934 juste avant de partir au Japon.

 

Aux États-Unis, elle écrit aussi la première partie de son roman autobiographique « Une précieuse fille » (Baogu《宝姑》) dans lequel elle retrace les vicissitudes des vingt premières années de sa vie. Il sera publié après sa mort, en 1980.

 

 

 

Baogu《宝姑》

 

En 1952, au moment des purges anticommunistes maccarthistes, elle est emprisonnée avec son mari Xie Hegeng. Ils seront ensuite déportés et renvoyés à Pékin au début de 1955. Ils sont reçus par le Premier Ministre Zhou Enlai.

 

À Pékin, de la campagne anti-droitiste à la Révolution culturelle

 

Wang Ying est alors assignée comme scénariste au Studio de Pékin. Mais, en 1957, son mari est dénoncé comme droitiste et envoyé dans un camp de réforme par le travail dans le nord-est. Wang Jing se réfugie dans les Collines parfumées à l’ouest de Pékin. Elle écrit là la deuxième partie de son roman autobiographique, « Deux sortes d’Américains » (Liang zhong Meiguoren《两种美国人》), publié en 1982, inspiré de son expérience des purges maccarthistes.

 

Le 1er juillet 1967, elle est arrêtée comme « Étoile noire des années 1930 » (三十年代黑明星) et « agent spécial de l’Amérique » (美国特务) et incarcérée à la prison Qingcheng (秦城监狱) sur ordre de Jiang Qing pour l’histoire du rôle de Sai Jinhua. Torturée, elle perd l’usage de ses jambes. Elle meurt en prison le 3 mars 1974. Son certificat de décès portait juste le code 6742 (prisonnier 42, année 1967).

 

Elle a été immortalisée par le peintre Xu Beihong (徐悲鴻) dans un tableau grandeur nature peint en octobre 1939 à Singapour où il l’avait vue interpréter « Pose ton fouet » dans la rue (tableau actuellement à la National Gallery de Singapour)

  

Wang Jing dans « Put Down Your Whip » 

par Xu Beihong  

 

Wang Jing avec Xu Beihong devant le tableau

 


 

Bibliographie

 

Wang Ying, par Jonathan Noble, in : Biographical Dictionary of Chinese Women, v. 2: Twentieth Century 1912-2000, sous la direction de  Lily Xiao Hong Lee, Routledge, 2003.

 

 


 

[1] Les films « soft » étant du divertissement, contrairement aux films « hard » des cinéastes de gauche.
Voir :
https://www.chinesemovies.com.fr/Ressources_Generations_cineastes_chinois.htm

[3] La pièce est connue en anglais sous le titre « Put Down Your Whip ».
Voir : The Framework of a Specific Historical Setting: On Situ Qiao's Put Down Your Whip,
in Migration, Transmission, Localisation: Visual Art in Singapore (1886-1945), by Yeo Mang Thong, National Gallery Singapore, 2019, ch. 11.

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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