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Actrices

 
 
 
     
 

Yang Naimei 杨耐梅

1904-1960

Présentation

par Brigitte Duzan, 3 mars 2025

 

Actrice, star du cinéma muet dans les années 1920, Yang Naimei a été aussi la première femme en Chine à créer sa propre compagnie cinématographique. L’unique film qu’elle a réussi à produire a disparu, mais il nous en reste des images et elle a également écrit, laissant ainsi ce que Derrida aurait appelé des « traces », traces matérielles et visuelles à décoder pour tenter de cerner les risques inhérents à la volonté de devenir actrice-autrice au début du XXe siècle en Chine.

 

 

 

Yang Naimei

 

Petite fille de riche devenue star du muet

 

Yang Naimei tranche sur la majorité des autres actrices du muet, au début du cinéma chinois : elle n’était pas d’origine modeste, au contraire. Son père était un riche marchand cantonais de Foshan (佛山) venu faire des affaires à Shanghai. Étant fille unique, Yang Lizhu (杨丽珠), comme elle s’appelait encore, a été gâtée par ses parents. Son père l’a envoyée dans l’une des premières écoles pour filles de Shanghai, le collège pour filles Wuben (务本女子中学), en espérant qu’elle pourrait ensuite poursuivre ses études à l’étranger pour reprendre ses affaires. Mais, à l’école, l’adolescente s’est plus intéressée au théâtre qu’à ses études, participant à toutes les activités culturelles et jouant dans quelques pièces. Son père lui fait épouser un riche homme d’affaires de l’immobilier et elle mène une vie de « femme nouvelle » à la mode.

 

C’est alors qu’elle fait la connaissance du dramaturge et cinéaste Zheng Zhengqiu (郑正秋) qui venait de créer la compagnie Mingxing (明星影片公司) avec Zhang Shichuan (张石川) et qui la fait entrer dans la compagnie en 1923.  En quatre ans, elle va jouer dans quatre films réalisés par les meilleurs réalisateurs du studio et devenir une star du muet.

 

- Elle fait ses débuts en 1924 dans le film « L’Âme de Yuli » (《玉梨魂》), ou « Âme du poirier de jade », adapté d’un roman éponyme de Xu Zhenya (徐枕亚) considéré comme précurseur du courant des « canards mandarins et papillons » (鸳鸯蝴蝶体), c’est-à-dire un mélo larmoyant inspiré des romans occidentaux, traduits par Lin Shu (林紓), qui faisaient alors fureur, à commencer par « La Dame aux camélias ». Publié en 1912, le roman est autobiographique : il raconte l’histoire d’amour de Xu Zhenya avec une jeune femme, Chen Peifen (陈佩芬), qui l’avait embauché comme tuteur de sa fille. Étant veuve et ne pouvant se remarier, elle arrange le mariage de Xu Zhenya avec sa nièce.

 

Réalisé par Zhang Shichuan, le film reprend la trame de cette histoire en lui ajoutant une fin tragique : le jeune He Mengxia (何梦霞) tombe amoureux de la veuve Bai Liniang (白梨娘), mais ils n’expriment leurs sentiments que par lettres. Bai Liniang arrange le mariage de He Mengxia avec sa sœur cadette Cui Yunqian (崔筠倩). Les deux femmes meurent l’une après l’autre, Cui Yunqian après avoir découvert l’amour de sa sœur, et Bai Liniang par désespoir. Fidèle à sa mémoire, He Mengxia part au Japon puis revient participer au soulèvement de Wuchang, et meurt pour la révolution.

 

Yang Naimei interprétait le rôle de Cui Yunqian et Wang Hanlun (王汉伦) celui de Bai Liniang.

 

 

 

L’Âme de Yuli,

 

- En 1926, Yang Naimei interprète le rôle principal dans le film réalisé par Bu Wancang (卜万苍) : « Résurrection » (Liangxin de fuhuo《良心的复活》), adapté du roman de Tolstoï. Changeant totalement de personnage, elle y interprétait une mère vertueuse. Le film est perdu, mais il nous en reste la petite histoire : le film comportait une berceuse, le « chant de la nourrice » (乳娘曲), sur des paroles de Bao Tianxiao (包天笑), traducteur et écrivain du courant des « canards mandarins et papillons » qui a écrit de nombreux scénarios adaptés d’œuvres littéraires pour la Mingxing. Or il s’agissait encore d’un film muet. Donc, pour sa promotion, la Mingxing a organisé des projections avec l’actrice apparaissant soudain sur scène, habillée comme dans le film, pour interpréter la chanson. Inutile de dire que ce fut un immense succès. Le film est resté vingt jours d’affilée à l’affiche, avec une salle comble. La chanson, très opératique, est restée dans les annales et continue d’être enregistrée dans des florilèges de musiques de films.

 

 

Le chant de la nourrice, par Yang Naimei

 

À ce moment-là, sa vie était celle d’une star adulée par des milliers de gens : elle vivait dans une maison luxueuse où elle organisait des soirées ; elle a été la première femme en Chine à posséder une voiture et à montrer ses jambes. On lui prête tous les vices, y compris le jeu et la drogue. Mais elle était de plus en plus excentrique et arrivait même en retard aux répétitions. Elle se pliait de plus en plus difficilement aux contraintes de la vie de star, en studio.

  

 

 

Yang Naimei, star de la Mingxing

 

Fondatrice d’un nouveau studio

 

En 1927, elle lit un fait divers en première page d’un journal : l’histoire d’une femme qui s’était enfuie à Shanghai pour échapper à un mariage arrangé. Un jour qu’elle était sur son balcon, elle avait été prise d’une crise d’hystérie et s’était mise en riant aux éclats à lancer des billets de banque sur la foule qui passait dans la rue, provoquant un attroupement. La femme s’appelait Yu Meiyan (于美艳) et s’était suicidée. Yang Naimei conçoit aussitôt l’idée d’écrire son histoire et de la porter à l’écran.

 

Or, quand elle en parle à Zhang Shichuan, l’idée fait long feu : pas question d’investir dans une histoire présentant aussi peu d’intérêt. Yang Naimei décide donc de fonder son propre studio pour produire le film dont elle avait déjà trouvé le titre : « Une femme extraordinaire » (Qi nüzi《奇女子》). Mais encore fallait-il trouver les fonds…

 

C’est auprès d’un seigneur de la guerre du Shandong qu’elle va les trouver : un certain Zhang Zongchang dont la réputation était telle qu’on le connaissait sous une série de surnoms – Général viande de chien (狗肉将军), Diabolique roi de ce bas-monde (混世魔王), Grand Général aux cinq poisons (五毒大将军), etc. On l’appelait encore « le général des trois je ne sais » (三不知将军 ), c’est -à-dire je ne sais pas combien j’ai d’argent, combien j’ai de soldats ni combien j’ai de femmes (不知姨太太有多少). Le général l’invite, Yang Naimei passe un mois avec lui, et revient avec un pécule.

 

En 1928, elle fonde sa compagnie cinématographique, la Naimei Film Company (耐梅影片公司), avec laquelle elle produit son film : « Une femme extraordinaire » (《奇女子》), coréalisé par deux des meilleurs réalisateurs du moment, Shi Dongshan (史东山) et Cai Chusheng (蔡楚生), sur un scénario de Ban Tianxiao. Mais le personnage central n’avait plus grand-chose à voir avec Yu Meiyan. Dans le film, il s’agit d’une femme « moderne » qui n’a que faire de son mari travailleur et de sa petite fille ; elle mène une vie dissolue, son mari la met dehors, elle divorce, se remarie et part vivre ailleurs en donnant de l’argent à sa voisine pour qu’elle s’occupe de sa fille. Douze ans plus tard, elle revient à Shanghai, et, lors d’une soirée, son mari tente de séduire une jeune fille qui n’est autre que sa propre fille. Pour la sauver, elle tue son mari mais elle est tuée par son garde du corps. En un certain sens, le film avait quelque chose d’autobiographique.

 

 

 

Une femme extraordinaire

 

Du muet au parlant : autre temps, autres films

 

« Une femme extraordinaire » restera l’unique production de la Naimei Film Company : le film a du succès et rapporte de l’argent, mais Yang Naimei en perd une bonne partie au jeu ce qui l’oblige à mettre la clef sous la porte. Elle tente de faire des films avec la compagnie Tianyi (天一影业公司), mais en vain.

 

Au milieu des années 1930, les films muets disparaissent au profit du parlant. Surtout, le gouvernement nationaliste impose l’usage du mandarin au cinéma. Comme beaucoup d’autres actrices de Shanghai qui ne le parlaient pas ou le parlaient mal, Yang Naimei préfère arrêter. En 1933, après avoir joué dans « Brise de printemps dans les saules » (《春风杨柳》), produit par la compagnie Dadong Golden Lion (大东金狮公司) qui, pour l’occasion, avait investi dans un nouveau mode d’enregistrement du son[1], elle annonce qu’elle se retire.

 

Elle épouse l’économiste Chen Junjing (陈君景) dont le père avait été un proche de Sun Yat-sen. Elle se range, donne naissance à une petite fille. Mais la guerre éclate, la société de son mari fait faillite, ses parents meurent, elle est victime d’une escroquerie et perd les biens familiaux. Elle part à Hong Kong et vit en vendant ceux qui lui restent. Alors qu’elle pensait avoir atteint le fond, sa fille épouse un petit entrepreneur et part avec lui à Taiwan.

 

Faute de mieux, elle rentre à Shanghai pour tenter de reprendre une carrière d’actrice. Mais en vain. Elle revient à Hong Kong, sa vie se détériore encore, elle divorce en 1956 et devient, dit-on, une véritable mendiante dans les rues de Kowloon[2]. En 1957, sa fille vient la voir et, la trouvant dans cet état, l’emmène à Taiwan où elle meurt le 27 février 1960.

 


 

[1] Technologie alors en plein développement, voir : https://www.thepaper.cn/newsDetail_forward_12097531

[2] Selon Wang Yiman, in Chinese Women’s Cinema, ed. by Lingzhen Wang, Columbia University Press, 2011, Part IV, ch. 10, p. 236-237.

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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