« Blossoms Shanghai », série télévisée de Wong Kar-wai,
adaptée du roman de Jin Yucheng
par
Brigitte Duzan, 26 décembre 2023
Blossoms Shanghai
Ce 27
décembre, annoncée urbi et orbi, sort sur les (petits)
écrans chinois « Blossoms Shanghai » (《繁花》),
la première série télévisée réalisée par Wong
Kar-wai (王家卫),
adaptée du roman « Blossoms » (《繁花》)
de Jin
Yucheng (金宇澄),
l’un des lauréats du 9e
prix Mao Dun en 2015.
En termes d’adaptation d’une œuvre littéraire, on pourrait
difficilement imaginer mieux, mais cela reste quand même un
feuilleton télévisé.
Il
s’agit d’une série en trente épisodes de quarante minutes
dont l’histoire se situe dans le contexte des années 1990 à
Shanghai, avec pour personnage central A Bao (阿宝),
un self-made man d’origine modeste qui crée en une dizaine
d’années un véritable empire commercial, carrière fulgurante
assez typique de l’époque. À la tête de son éblouissante
fortune, il se trouve attiré par trois femmes tout aussi
éblouissantes, représentant, selon les posters
promotionnels, les différents aspects de ce qu’il poursuit
dans la vie : aventure, honneur, amour
[1].
Dans
ce scénario, conçu par le scénariste shanghaïen Qin Wen (秦雯),
on perd un peu Jin Yucheng qui a conçu son roman pour lutter
contre les stéréotypes usuels sur Shanghai et sa culture.
Pour cette raison, il l’a écrit en dialecte de Shanghai,
même si, pour des raisons éditoriales et commerciales, c’est
un dialecte revu et corrigé en le mâtinant de langue
classique, ce qui en fait un ovni littéraire… et
difficilement traduisible.
La
série télévisée est au moins fidèle à cet aspect-là : elle a
été tournée en dialecte de Shanghai, version qui sera
diffusée sur le réseau WeTV de Tencent. Mais, là aussi pour
des raisons commerciales, elle sera doublée en chinois
standard et officiel, pour diffusion sur le réseau national
CCTV8. La série est donc interprétée en grande partie par
des acteurs et actrices nés et élevés à Shanghai, parlant le
dialecte, à commencer par Hu Ge (胡歌)
dans le rôle de A Bao.
Annonce de la
diffusion sur CCTV8
Il
faut souligner l’effort particulier de recréation de
l’atmosphère locale des années 1990, comme on sait Wong
Kar-wai capable de le faire. Fidèle à lui-même, il a même
demandé à son équipe de lui trouver des objets de la vie
quotidienne de la période 1976-199 – d’où une recherche par
petites annonces et sur WeChat. La moisson a été
fructueuse : ils ont récolté de tout, de journaux de
l’époque à des machines à coudre en passant par des
briquets. Nombre de ces objets sont venus avec leurs
histoires familiales qui ont été partagées sur weibo,
et qui attendent d’être traduites… Et comme le directeur de
la photo est Peter
Pau (鮑德熹),
l’image est superbe.
Fidèle
à lui-même aussi, Wong Kar-wai a mis trois ans à tourner la
série, six ans au total pour tout terminer – ce qui reste
une gageure pour lui si l’on tient compte du nombre
d’épisodes… et du délai supplémentaire pour cause de
coronavirus.
Deux
bandes annonces ont été diffusées jusqu’ici : l’une en juin
2021, intitulée « Le temps est comme l’eau » (《时光如水》),
l’autre en novembre 2022 sous le titre « Les fleurs sont
comme du brocart » (《繁花似锦》).