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Chen Lianhua
陈莲华,
ou Chen Xi
陈曦
Présentation
par Brigitte Duzan, 1er février 2020
Sous le nom de Chen Xi (陈曦),
associé à son ami et collaborateur An Xu (安旭),
décédé en 2017, Chen Lianhua (陈莲华)
est un réalisateur de courts métrages d’animation
chinois qui ont été remarqués dans un grand nombre
de festivals étrangers dédiés à l’animation, dont le
festival d’Annecy en France.
D’abord dessinateur de manhua
Il enseigne l’animation à l’Institut du cinéma de
Pékin. Mais il fait partie des cinéastes de la
nouvelle génération chinoise qui ne sont pas passés
par des écoles de cinéma traditionnelles au départ :
il a d’abord fait des études en administration et
sciences sociales. Cependant, il a commencé très
jeune, à l’école élémentaire, à faire des dessins de
bandes dessinées, de manhua (漫画),
qui ont été publiées. Il regardait beaucoup |
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Chen Lianhua (ou Chen
Xi) |
de dessins animés à la télévision, et était un passionné de
bandes dessinées. Mais il était conscient que faire de
l’animation n’est pas un art que l’on peut pratiquer seul,
il nécessite des équipes professionnelles, un équipement
lourd et un investissement considérable en temps. Cela lui
semblait donc hors d’atteinte. Dessiner était le plus
abordable.
Mais il est sorti du lycée au tournant du millénaire, au
moment où se développait internet, qui a transformé les
techniques de l’animation ; le rêve, du coup, est devenu un
objectif bien moins lointain, accessible à un individu. Il a
alors commencé à réaliser de brèves animations pour des
sites internet, en utilisant sa connaissance du manhua pour
l’appliquer à l’animation. Il a continué ainsi pendant sept
ou huit ans, sans se limiter à l’animation, mais en faisant
aussi, par exemple, du design de sites. C’est après cette
expérience de terrain qu’il a décidé d’arrêter pour étudier.
2005 : année charnière
Percée sur les festivals étrangers
En 2005, l’un de ses courts métrages a été sélectionné au
Festival de cinéma d’animation d’Ottawa, au Canada, et il a
été invité à Ottawa. En voyant les autres films au
programme, il a réalisé les immenses possibilités qui
s’offraient à lui. Cela a marqué une étape importante dans
sa maturation d’artiste.
A l’époque, très peu d’artistes en Chine pouvait prétendre à
une création indépendante dans le domaine de l’animation. Le
secteur était très fermé. La situation a progressivement
évolué, 2010 marquant une période d’ouverture avec de plus
en plus d’animateurs et de chercheurs, mais aussi un public
plus étoffé.
On a alors beaucoup débattu de la nécessité de préserver un
« style chinois » (“中国风”),
ou d’un prétendu « style chinois », en regrettant
l’influence des mangas et des films d’animation japonais,
voire coréens. Mais Chen Lianhua fait partie des nouveaux
créateurs opposés à tout label, pour lesquels prime
l’expression personnelle.
Rencontre avec An Xu
An Xu |
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2005 a été l’année de sa rencontre avec An Xu (安旭).
Ils ont commencé à créer des animations ensemble,
Chen Lianhua a adopté le nom de Chen Xi (陈曦)
et leurs noms ont fini par devenir une signature
unique, parfaitement équilibrée comme des sentences
parallèles : Chen Xi . An Xu (陈曦.安旭).
En fait, ils se complétaient très bien : An Xu
n’aimait pas l’animation, il la méprisait même un
peu, au profit de l’art et de la littérature. Mais
il a évolué et fini par y trouver de l’intérêt.
A partir de 2008, ils ont commencé à travailler
ensemble sur un certain nombre de projets, chacun
apportant sa vision personnelle en termes de
narration, d’esthétique, de design, etc…
An Xu est décédé en 2017, Chen Xi est redevenu Chen
Lianhua, mais il reste plusieurs courts métrages
témoignant |
de dix ans de collaboration pour explorer les possibilités
narratives offertes par l’animation sous les formes les plus
diverses : c’est la série des « périodes solaires » (节气系列).
La série des périodes solaires
Les courts métrages de cette série sont dans un style chaque
fois un peu différent, au niveau des couleurs, du graphisme,
du montage…
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22ème période solaire : solstice d’hiver
《冬至》(2008) |
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9ème période solaire : épis barbus
《芒种》(2009) |
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18ème période solaire : apparition de la
gelée blanche
《霜降》
(2012) |
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6ème période solaire : pluie des céréales
《谷雨》(2013) |
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14ème période solaire : fin des grandes
chaleurs
《处暑》(2014) |
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Les deux derniers de la série
1. Rosée froide, ou Hánlù (《寒露》),
c’est-à-dire la 17ème période solaire, est un
exemple de leur expérimentation sur la forme. Délaissant le
noir et blanc, ils sont partis ici d’un dessin bicolore : un
espace circulaire un peu comme une lanterne magique, avec
des nuances de gris et de rose définissant deux espaces
narratifs distincts, gris pour l’intérieur (à part les
livres qui ont une couverture rose), rose pour l’extérieur.
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Rosée froide |
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L’idée narrative est indiquée en rose foncé sur le mur,
c’est le slogan de Mao : « la révolution n’est pas un dîner
de gala »
(“革命不是请客吃饭”).
Mais ce thème contredit l’attitude des gens dans l’auberge,
ceux en train de manger sont calmes, apparemment oisifs, et
les serveurs semblent occupés seulement à attraper des
mouches… Chaque table représente un élément narratif. Les
personnages sont traités comme des figurines dans un
spectacle de marionnettes ou de théâtre d’ombre,
l’esthétique d’ensemble étant celle des gravures
traditionnelles du Nouvel An.
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Rosée froide
(détail) |
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En fait, leur style adopte volontairement une approche
populaire. Hanlu a été inspiré par une collection de
vieilles photos, en particulier les miliciennes armées de
fusils. Il y a sept ou huit groupes de personnages dans des
contextes différents.
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Rosée froide
(les miliciennes) |
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2. Rosée blanche, ou Báilù (《白露》),
c’est-à-dire la 15ème période solaire, a été
terminé après la mort de Han Xu, et présenté en juin 2019 au
festival d’Annecy. Le film met en scène un homme, une femme
et une grue sur le thème du désir. Il est inspiré d’un vieux
tableau chinois représentant la combinaison de deux signes
du zodiaque néfaste pour le mariage.
Fin janvier 2020, le film (de cinq minutes) a fait partie du
programme de courts métrages de la
3ème édition du festival du
cinéma d’auteur chinois à Paris, mais sous
le titre « The Six ». Interrogé sur la raison de ce titre,
le cinéaste a répondu :
Six 其实在片中是六次循环的意思,直接借用了六道轮回的意思。
《金刚经》中有"如露亦如电"的意思,形容人生虚幻,所以选取了"节气"中看起来比较接近的"白露"做题目。"
Dans le film, Six renvoie au sens de cycle, le cycle des six
destinées dans la cosmologie bouddhiste [c’est-à-dire les
six mondes où se réincarnent les êtres sensibles en fonction
de leur karma, qui sont représentés par une roue].
La référence du titre est par ailleurs le « Sutra du
diamant » où il est dit que toute chose est comme une goutte
de rosée ou un éclair dans le ciel, symboles d’états
transitoires et illusoires. C’est la raison du choix de
cette période solaire appelée « Rosée blanche ».
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The Six, image
initiale en split screen |
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Après An Xu
La disparition d’An Xu a été brutale et dévastatrice.
Cependant, Chen Lianhua veut mener à leur terme les projets
qu’ils avaient élaborés en commun. Mais, alors que l’élément
narratif dans leurs courts métrages s’était raréfié, il veut
maintenant revenir sur cette tendance et faire un film
narratif.
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