par Brigitte
Duzan, 30
octobre 2011, actualisé 15 décembre 2023
Cong Feng
Cinéaste
et poète né à Chengde en 1972, Cong Feng (丛峰)
est sorti en 1995 diplômé en météorologie de l’université de
Pékin.
En
2001, après avoir démissionné de son poste à la météorologie
nationale, il a commencé à se consacrer à la poésie et à la
photo. Il a publié
deux recueils de poèmes : « Il y a là-bas un train que je
n’ai pas vu » (《那里有一列我看不见的火车》)
en 2002 et, l’année suivante, « Une œuvre littéraire
appréciée du vulgum pecus comme de l’élite et merci de moi
aussi » (《一部雅俗共赏的文学作品谢谢我也这么认为》).
En 2002, il a participé à une exposition de photographies au
festival international de Pingyao.
Il
s’est tourné vers le documentaire en 2005 et a alors réalisé
trois documentaires qui forment une trilogie sur la vie
rurale dans le Gansu.
2006-2011 : trilogie documentaire
1. Le
premier de ces films, « Religion » (《信仰》),
est sorti en 2006. Cong Feng l’a filmé dans le village de
Huangyangchuan, district de Gulang, dans la province du
Gansu (甘肃省古浪县黄羊川镇),
village qu’il a découvert en 2000 et où il
a filmé aussi ses deux documentaires suivants. C’est une
réflexion sur la religion populaire en Chine, à travers un
épisode de la vie locale : après la mort accidentelle de
deux villageois, la communauté villageoise a décidé de
reconstruire le temple local ; lors de la cérémonie de
consécration, l’effigie du Bouddha côtoie celle du président
Mao et le prêtre taoïste le shaman du coin…
Religion
En
2007, Cong Feng réalise une court métrage, « L’homme qui
tient la télécommande » (《持遥控器的人》),
avant d’achever son deuxième documentaire.
2. Ce
documentaire, « Doctor Ma’s Country Clinic » (《马大夫的诊所》),
a été remarqué en 2008
au Festival du cinéma indépendant de Nankin (aujourd’hui
disparu). Tourné dans
le même petit village, le film est un
condensé de la vie dans la province du Gansu, aux confins du
désert, à travers les bavardages des patients venus se faire
soigner dans un petit dispensaire privé
[1].
Dr Ma’s Country Clinic
Cong
Feng a commencé à tourner quelques scènes en 2005, pendant
une dizaine de jours, puis est revenu plus longtemps en 2006
et 2007, jusqu’à avoir une centaine d’heures de rushes.
Au-delà du Gansu, son film est un condensé de la vie encore
fruste dans les coins reculés de la campagne chinoise, avec
des souvenirs encore très présents des épisodes les plus
durs de la période maoïste, mais relativisés par le crible
de la mémoire et d’une certaine philosophie fataliste.
Doctor Ma’s
Country Clinic, bande annonce
3. En
2011, complétant la trilogie, Cong Feng a achevé un autre
long documentaire : «The
Unfinished Historyof Life » (《未完成生活史》),
sur les soucis et petits événements quotidiens d’un groupe
de copains dans le même endroit du Gansu.
The Unfinished History
of Life
2012-2022 : mémoire urbaine et films en écho
Ce sont
ensuite deux films que Cong Feng a réalisés et filmés dans
les dix années suivantes, non plus sur la vie rurale, mais
sur la mémoire de la ville, et ce qu’il en reste dans les
décombres.
1. Le
premier, sorti en 2012, est « Stratum
1: The Visitors » (《地层1:来客》) :
une ode à la mémoire des pierres, bribes de mémoire qui
s’attachent encore aux pans de murs rescapés des bulldozers,
jusqu’à ce que ceux-ci finissent leur travail et ne laissent
plus que des gravats informes.
Stratum 1
2. Le
deuxième film s’intitule « Stratum 2: The Athenosphere »
(《地层2:软流层》),
et il aura fallu près de dix ans à Cong Feng pour le
terminer ; il est sorti en 2021. Il s’agit ici d’une
réflexion sur l’espace et le spectacle : comment le
spectacle transforme l’espace. Cong Feng fait de l’espace un
théâtre, théâtre de la vie, des ruines, toujours ; et dans
ce théâtre errent des fantômes de notre temps, des réfugiés…
Il a « volé », dit-il, des séquences à d’autres de ses
films, cela crée des connexions, cela fait un film « en
écho »…
Stratum 2
3. Dans
le même ordre d’idées, entre ces deux films, il en a monté
un troisième : « Room
with Mao’s Images» (《有毛的房间》),
sorti en 2015.
Les rushes, en fait, ont été tournés dans le même
village du Gansu que ses trois premiers films. Ce sont des
images de maisons d’amis, d’étudiants, de connaissances.
C’est en les visionnant des années plus tard qu’il a réalisé
que dans toutes ces maisons il y avait aux murs des
portraits de Mao, dans des styles différents, avec des
couleurs et des expressions différentes, mais Mao était là,
omniprésent dans la vie quotidienne.
Room with Mao’s Images
Room with Mao
Images, CIFA’s film collection (sous-titré chinois/anglais)
Courts métrages
1. En 2020,
alors qu’il était en train de monter « Stratum 2: The
Athenosphere », Cong Feng a également monté un court métrage
de vingt minutes : « The Archelogy of Future – A Fragment» (《未来考古学:一个片段》).
C’est en fait une
vidéo qu’il a téléchargée sur internet, sur youku. Il
n’a pas changé la vidéo, mais il a ajouté le titre, et un
texte à la fin. La vidéo semble indiquer un événement se
passant dans le futur, mais ce n’est pas de la
science-fiction. On est là dans le pur domaine de
l’imagination suscitée par l’image.
Une
autre vidéo trouvée sur internet lui a inspiré un autre
court métrage, intitulé « On
the Passage of A Few Persons Through A Rather Brief Unity of
Time » (《关于短时间内的某几个人的经过》).
Sa réflexion, ici, porte sur le phénomène d’écho dans le
temps : revoir un vieux film rend ce phénomène palpable, des
sons du passé se répercutent encore ; la structure spatiale
qui a créé l’écho continue d’exister, donc la source du son
aussi…
2. En
2021, il a repris la même idée - une vidéo trouvée sur
internet en ajoutant un texte. Cette fois, c’est une brève
réflexion sur l’histoire : « Pas de quoi avoir peur »
(《没什么可怕的》).
En même temps, les images semblent sorties de ses propres
films, de « Stratum 1 » en particulier.
3. En
2022, c’est le confinement en Chine pendant l’épidémie de
covid qui lui suggère un court métrage : « A Thousand
Plateaus : Bright Volcanoes » (《千高原:明亮的火山》).
En scène ici : les gens enfermés chez eux qui hurlent par
les fenêtres. Pour Cong Feng, c’est l’immeuble qui hurle (“喊楼”),
comme si la terre elle-même entrait en vibration, et que ces
pulsations étaient le symbole de l’époque.
Filmographie
Longs métrages
2006
Religion
《信仰》
2008
Doctor Ma’s Country Clinic
《马大夫的诊所》 (215’)
2010
The Unfinished
History of Life 《未完成生活史》(245’)
2012 Stratum 1:
The Visitors《地层1:来客》(126’)
2015 Room with
Mao’s Images
《有毛的房间》 (138’)
2021 Stratum 2:
The Athenosphere
《地层2:软流层》(264’)
Courts métrages
2007
(L’homme qui tient la télécommande)《持遥控器的人》
2020 The
Archelogy of Future – A Fragment《未来考古学:一个片段》
(21’)
2020
On the Passage of A Few Persons Through A Rather Brief Unity
of Time
《关于短时间内的某几个人的经过》(15’)
2021 (Pas de
quoi avoir peur)《没什么可怕的》
(5’)
2022 A Thousand
Plateaus : Bright Volcanoes《千高原:明亮的火山》(15’)
[1]
On est là dans le monde rural cher à
Li Ruijun (李睿珺).
Les premières images, sur fond de dunes désertiques,
rappellent même instantanément celles de « The
Old Donkey » (《老驴头》).