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Présentation
par
Brigitte Duzan, 9 juillet 2022
Artiste original aux multiples facettes, né à Laiwu,
dans le Shandong (山东莱芜),
le 16 février 1979, Han Tao (韩涛)
est peintre, poète, dramaturge et, depuis le début
des années 2000, réalisateur indépendant chinois.
Artiste
Il
a tenu sa première exposition personnelle à
l’Institut des Beaux-arts du Shandong en 1999. En
2007, il a été curateur de l’Exposition d’art
contemporain du Shandong « Breathe » (“呼吸——2007山东当代艺术大展”),
première grande exposition de groupe d’art
contemporain de la province, retraçant l’ histoire
de l’art contemporain dans la province de 1979 à
2007
.
À cette occasion, il a publié le catalogue
« Breathe » (《呼吸》). |
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Han Tao |
En 2011,
il a participé, pour la partie sur l’art contemporain, à
l’édition de l’ouvrage « 20 ans d’histoire du nouveau
Songzhuang » (《历史新宋庄20年》).
En 2013, il a exposé son installation Rainbow Tower (《彩虹塔》)
à la Biennale de Venise (55ème édition).
Réalisateur
Han Tao a commencé par
réaliser des documentaires avant de passer aux films
de fiction. Mais, sachant que la limite entre
fiction et non-fiction |
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Breathe |
est ténue
,
on peut dire que l’ensemble de son œuvre, d’une manière ou
d’une autre, est du docu-fiction expérimental.
Le pionnier de la Nouvelle Vague du
documentaire chinois
Wu
Wenguang (吴文光)
a dit de lui : « Un grand nombre de documentaristes filment
froidement les souffrances des gens, mais ne tournent jamais
leur caméra sur eux. C’est ce qu’a fait
Han Tao. »
Il a lui-même expliqué : « Ce que je filme, c’est ma propre
vie. En tant que documentariste, ce que je veux vous dire,
c’est ce que je vis, ce qui m’arrive, ce que je pense ; je
vais sortir tout cela et vous le montrer. »
Après un
documentaire sur les femmes dans l’histoire, il tourne « Baby »
(ou Baobao《宝宝》)
qui sort en 2003. Baobao est un homosexuel venu s’installer
à Jinan (济南),
la capitale du Shandong. Il travaille assidûment, montant un
petit restaurant, puis devenant directeur d’une maison de
thé, et enfin d’un bar. Le film explore pendant deux ans
les conditions de vie de la communauté gay de Jinan et ses
changements, en les mettant en parallèle avec les
changements concomitants de la société.
Big Fog |
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Achevé en 2007, son film suivant, « Big Fog »
(《大雾》), est
sélectionné au 32ème Hong Kong
International Film Festival, en 2008
;
en 2009, il est projeté dans le cadre du festival
Shadows dans sept villes européennes (Lyon, Rome,
Londres, Bruxelles, etc). Ce que l’on retient, dans
ce brouillard, c’est le mal de vivre et la violence
latente, comme une introduction à l’univers du
réalisateur.
« Man’s
World » (《人间》),
sorti en 2013, est un autre film documentaire dont
le personnage principal est pris comme une sorte de
modèle-type des villageois injustement victimes de
peines de prison. Ce villageois, Liu Renwang (刘仁旺),
d’un village du Shanxi, a été incarcéré après
l’assassinat de l’adjoint du chef du village. Après
sa sortie de prison, au bout de cinq ans, Liu
Renwang explique que les confessions sont
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toujours
extorquées par divers moyens de torture : coups, choc
électriques, brûlure à l’eau bouillante, enfermement dans
une cage en fer, coups de couteau dans les doigts, etc. Il
apporte un complément visuel avec des dessins. Même après
avoir été acquitté et relâché, il a du mal à retrouver le
calme.
En
2015, le docu-fiction « The Missing » (《缺失》)
coréalisé avec Zhang Xianmin (张献民)
a été présenté au Festival de cinéma international
de Hambourg où il a gagné le
Best
Experimental K26 Film Award ; il a été en
compétition au 12ème Festival de cinéma
indépendant de Pékin et au festival international de
documentaires d’Atlanta où il a décroché le Silver
Prize. L’argument du film part d’une histoire
biblique pour dépeindre la lutte d’un jeune garçon
qui veut changer de sexe. On retrouve le thème
genre-transgenre que Han Tao avait déjà abordé dans
« Baby ».
La
même année, le documentaire « Scars » (《伤疤》),
coréalisé avec Zhuo Kailuo (卓楷罗),
a été projeté en première mondiale à l’université
Lumière Lyon 2, en France. Scars, les cicatrices,
sont les traces de blessures, et d’un processus de
régénération, de guérison ; elles sont les
métaphores des peines et frustrations de la vie, et
les preuves de survie. Ce |
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Scars |
documentaire est la première partie d’un projet qui devrait
couvrir l’histoire des « cicatrices », individuelle et
collectives, de 110 Chinois depuis 1949.
En 2016,
avec « Maguey » (《龙舌兰》),
il s’amuse à évoquer la vie d’une équipe de tournage sans un
sou. Le film est conté de six points de vue différents :
l’écriture du scénario, l’enregistrement du son, la
photographie, la direction artistique, le jeu des acteurs et
le travail du réalisateur.
Tiger in the Zoo |
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Sorti en 2017 et également coréalisé avec Zhuo
Kailuo, « Tiger in the Zoo » (《东北大哥》),
est une sorte de pastiche des films de triade
hongkongais, un film de triade où tout va à
vau-l’eau, comme c’est le cas en général dans
l’univers de Han Tao. L’univers est ici celui du
Nord-Est après la reconversion industrielle qui a
fermé les usines et réduit les ouvriers au chômage.
Faute de mieux, le personnage principal, Chong‘er (虫二),
est devenu collecteur de dettes pour le gangster du
coin et se retrouve impliqué dans la lutte qu’il
mène contre l’entrepreneur local qui refuse de se
soumettre, et finira par le payer. Mais Chong‘er (虫二)
n’a qu’un désir : un rêve artistique étouffé, celui
de monter sur les planches comme acteur de
errenzhuan (二人转),
cette sorte de monologues ou dialogues comiques
typiques du Nord-Est
.
Artiste condamné par l’époque, comme les poètes dans
les autres films de Han Tao. |
C’est le cas de « Wolf »
(《狼》),
sorti en 2015 au Festival international de cinéma de
Houston où il a obtenu le prix du meilleur film
expérimental, dans la catégorie fiction. En 2018, le
film a remporté le prix du jury (Orchidée d’or) dans
une section spéciale « Films chinois d’honneur » au
festival de Cannes
.
Le film est au confluent de la littérature et du
cinéma. Han Tao s’est inspiré de l’histoire vraie du
poète Wofu (卧夫)
qui a choisi de se suicider dans les montagnes au
printemps, loin de la ville
.
Mais il en a fait bien plus un hommage aux poètes
chinois et à leur difficile existence en marge de la
vie et de la société, aujourd’hui.
C’est sans doute l’un des plus films les plus
représentatifs de Han Tao. On trouve au casting
l’acteur fétiche de
Jia Zhangke (贾樟柯),
Han Sanming (韩三明),
de même que
Wang
Hongwei (王宏伟)
figure dans celui de « Big Fog ». C’est une |
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Wolf |
manière de se
rattacher au courant indépendant du cinéma chinois, tout en
y occupant un créneau à part.
Festival de Cannes
2018, film chinois d’honneur,
Orchidée d’or à « Wolf
» |
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Le
suicide, et celui des poètes en particulier, est
d’ailleurs, directement ou non, un thème récurrent
dans les films de Han Tao, comme s’il était lui-même
taraudé par cette tentation, les films étant comme
une échappatoire autant qu’une manière de susciter
une prise de conscience. Toute la première partie
d’un film encore peu connu, « Sense of Space » (《感受空间》),
déroule des images et des extraits de poèmes au
milieu desquels sont intercalés des commentaires sur
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le suicide : d’abord des
statistiques (« Le suicide est la cinquième
cause la plus importante de mort en Chine. Le taux national
moyen de suicide y est de 23 /100 000, ce qui signifie près
de 300 000 morts par an »), puis des réflexions (« Le
suicide n’est pas une affaire privée, ni une attitude
personnelle extrême, il suggère un problème social bien plus
complexe, une logique éthique de survie »). Suivi du constat
qui irrigue toute l’œuvre : « Tout le monde finit par se
sentir étranger dans sa propre ville natale »
.
Wild Grass |
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Weave a Period of Time |
L’un des
films les plus complexes de Han Tao, par ailleurs, est « Weave
a Period of Time » (《岁月如织》),
sorti en 2019, où l’aspect narratif est un peu plus
développé, même si c’est pour en cultiver le mystère. S’il
faut tenter d’en donner un résumé, disons que c’est
l’histoire d’un ouvrier d’une usine textile nommé Chong’er (虫二)
tombé follement amoureux d’une nouvelle arrivée dans
l’usine, Xiao Lan (小兰).
Il se marient, mais leur bonheur est de courte durée. Accusé
d’avoir violé la loi, sans qu’on sache trop laquelle,
Chong’er est exécuté. Xiao Lan qui est enceinte est poussée
à avorter. Trente ans plus tard, l’usine a fermé et tombe en
ruine. Les anciens tentent de racontent l’histoire, mais le
temps a brouillé les souvenirs, dilué la mémoire… Reste
l’éternel regret, chez Xiao Lan, d’avoir perdu son enfant.
C’est un
film déroutant. Si l’affiche est dans des couleurs vives, il
est dans le noir et blanc de la mémoire qui fiche le camp.
Mémoire traumatique qui revisite le passé en tentant de
faire revivre des personnages qui ne sont plus que des
ombres, des zombies aux gestes répétitifs, comme
chorégraphiés dans le vide. La musique, de
Gabriel
Yared
,
ajoute au malaise, et le film a bénéficié du regard des Gao
Brothers, crédités au générique comme conseillers
artistiques (ils sont tous deux natifs du Shandong).
Par
ailleurs, l’ouvrier de l’usine est nommé Chong’er (虫二)
comme son homologue dans « Tiger in the Zoo » ; il est
d’ailleurs interprété par le même acteur, ce qui renforce le
sentiment d’un lien entre les films, comme émanant d’un même
univers. Mais un univers qui est à reconstituer peu à peu, à
partir des éléments contenus dans les images, dispersés
comme les morceaux d’un puzzle.
Outre
l’atmosphère délétère de violence et de désespoir latents
qui se dégage de tous ces films de Han Tao, ils frappent
aussi par un style très particulier, avec des séquences très
longues, quasiment statiques, qui produisent un sentiment
d’ennui venant renforcer l’impression générale mortifère.
L’univers de Han Tao est celui d’un monde postindustriel et
postmoderne où il s’agit de survivre, mais où l’individu a
du mal à trouver sa place, surtout s’il est doté de
sensibilité.
Filmographie
Au
confluent du documentaire et de la fiction
2001 Women
in History《时间做的女人》
(60’)
2003 Baby
《宝宝》(91’)
– China Triennal of Art
2006 Big
Fog
《大雾》(110’)
2013 Man’s
World
《人间》
(72’)
2015 Wolf
《狼》(92’)
2015 Nine
Years, Ten Months, Twenty Days
《九年十个月25天》(100’)
–
nominé au festival du cinéma indépendant de Pékin
2015 Scars
《伤疤》 (102’) –
coréalisé avec Zhuo Kailuo (卓楷罗)
2015 The
Missing
《缺失》(87’),
docu-fiction coréalisé avec Zhang Xianmin (张献民).
2016
Maguey
《龙舌兰》(85’)
2017 Who
is my Lord
《谁是我的主》
(64’) – 1st Pingyao DV Film Festival
2017 Tiger
in the Zoo
《东北大哥》(117’)
coréalisé avec Zhuo Kailuo (卓楷罗)
2018 Wild Grass《野草》(88’)
2019 Weave a Period of Time
《岁月如织》(110’).
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