Li Luo est
un jeune cinéaste chinois qui a connu une soudaine
notoriété lorsque son premier long métrage,
« Rivers
and my Father » (《河流和我的父亲》),
a été présenté au Festival du cinéma indépendant
chinois de Nankin en 2010.
Il a
depuis lors à nouveau créé la surprise, cette fois
au festival de Vancouver en 2012, lorsque son second
film, « Emperor
visits the Hell » (《唐皇游地府》),
a gagné le Dragons and
Tigers Award for Young Cinema. Li Luo s’avère être,
à l’heure actuelle, l’un des talents les plus
originaux du
Li Luo au festival de
Vancouver, en 2012
jeune cinéma
chinois ; ce n’est peut-être pas un hasard qu’il réside au
Canada…
Du cinéma
expérimental au docu-fiction
Li Luo (李珞)
est né en 1978 à Wuhan (1). Il a étudié le cinéma au Canada
où il réside toujours. Mais il puise son inspiration dans
son pays.
Il
a d’abord réalisé des courts métrages expérimentaux,
Passionné de musique, il a, dans ces premiers films,
expérimenté sur l’image et le son. L’un de ses courts
métrages est ainsi une étude sur le chant des oiseaux, qui
fait penser à Messiaen.
1.
Son premier long métrage (mais relativement court, 70’) a
été projeté à la Berlinale en février 2009. Intitulé « I
Went to the Zoo the Other Day », tourné en noir et blanc, sans musique ni bruit de fond, le film porte
encore la marque de l’expérimentation. Il dresse un
parallèle entre les hommes et les animaux, en l’occurrence
un couple d’immigrés serbes à Toronto et les animaux en cage
dans le zoo.
Dragana emmène son
copain Danilo au zoo pour le distraire parce qu’il déprime.
Pendant la visite, ils se racontent, en serbe, des histoires
qui nous révèlent peu à peu leur histoire personnelle. Ils
s’identifient avec les animaux qu’ils voient, et nous,
visiteurs extérieurs, les observons inconsciemment du même
regard de voyeurs. Au-delà de la vision désenchantée de
l’immigration, c’est une métaphore de l’aliénation dans le
monde moderne.
Bande annonce
2. Le
second film de Li Luo a été l’une des révélations de
la 7ème édition du Festival du cinéma
chinois indépendant de Nankin, en 2010. Il s’agit de
« Rivers
and my Father
»
(《河流和我的父亲》),
évocation du père du réalisateur, sur la base de
souvenirs personnels notés par le père lui-même.
Le film réalise une combinaison très subtile de
fiction et de documentaire, en déstructurant la
narration pour jouer sur le
Rivers and my Father
son et l’image, à la façon dont opère la mémoire. Mais le
film se termine en outre sur une coda inattendue, qui
restitue la parole au père pour un dernier commentaire sur
le film réalisé par son fils. En ce sens, le film garde la
marque d’une œuvre en devenir dont la forme ne peut être
totalement achevée, étant celle d’une mémoire qui varie avec
ceux qui l’expriment.
La
surprise de Vancouver
Emperor visits the
Hell
En 2012, le troisième film de Li Luo crée la
surprise au festival de Vancouver où il obtient le
Dragons and Tigers Award for Young Cinema. C’est un
pastiche de trois chapitres du grand classique
chinois « Le voyage à l’Ouest » (《西游记》)
: « Emperor visits the Hell » (《唐皇游地府》),
dont le titre est lui-même un clin d’œil à un film
chinois éponyme de 1927, de Yu Qingquan (余清泉).
Il s’agit
d’une satire en forme de fable, mettant en scène Li
Shimin (李世民),
deuxième empereur de la dynastie des Tang sous le
nom d’empereur Taizong (唐太宗).
Pour gagner un pari avec un moine, le roi des
dragons utilise ses relations divines pour changer
la météo, sur quoi sa tête est mise à prix dans le
ciel. Il va alors demander l’aide de l’empereur qui
tente de distraire l’envoyé céleste de sa sinistre
tâche en l’invitant à un jeu de go, mais en vain.
L’empereur fait alors des cauchemars, voit des
esprits partout, tombe malade, meurt et va en enfer
(2). … Il doit alors se prosterner devant tous les
esprits des gens
dont il est responsable de la mort…
Li Luo transpose
l’histoire dans la Chine moderne, fait du roi des dragons un
truand, de la cour impériale un repaire de brigands et de
fonctionnaires corrompus… Le film est à nouveau en noir et
blanc, mais plus noir que blanc.
Bande annonce
Notes
(1) Li Luo et non
le contraire comme on le trouve souvent, y compris au
générique de « Rivers
and my Father », en contradiction
avec les caractères qui apparaissent juste au-dessus.
(2) L’empereur
Taizong est mort à 50 ans, d’une maladie que l’on pense
avoir été liée à des « drogues d’immortalité ».