Liu Feifang (刘飞芳),
de son vrai nom Liu Guanming (刘关明)
[1],
est un photographe et cinéaste né en 1981 dans le
district de Yuanping, dans le Shanxi (山西原平).
Il a étudié la photographie dans le département
d’études cinématographiques de l’université de
Chongqing (重庆大学美视电影学院)
puis il a travaillé comme photographe dans une
société de publicité pendant trois ans. En tant que
photographe, il a participé à un certain nombre de
films et de séries télévisées avant de décider de
réaliser ses propres films.
En 2008 et 2010, il a d’abord réalisé deux courts
métrages, « Pink Flowers » (《粉色小花》)
et « Big Names » (《大人物》).
Puis il a préparé son premier long métrage
documentaire sur lequel il a travaillé pendant
quatre ans : « The Fading Village » (《春去东来》)
[2],
le titre anglais étant traduit du
Liu Feifang
titre
original du film (《失落的山村》).
Il est sorti en 2019 en première mondiale au festival de
Karlovy Vary où il était en compétition dans la section
DokuFest.
Affiche de « The
Fading Village »
Le film dépeint un village du nord-ouest du Shanxi,
Heishuigetuo (黑水圪妥村),
à 2 300 mètres d’altitude, où ne restent que 15
habitants. C’est un cas extrême de cet exode rural
qui laisse les campagnes chinoises dépeuplées,
surtout dans les régions montagneuses et isolées où
la vie est difficile. On l’a deviné, c’est le
village d’où est originaire le réalisateur ; il est
l’un de ceux qui en est parti, à l’âge de treize
ans, pour aller au collège, et il n’y était pas
revenu pendant plus de dix ans car son père est mort
en 2003, et sa mère est alors allée vivre en ville,
avec sa sœur. Le film reflète le choc du retour
[3].
Les images sont superbes, même si on commence à en
avoir vu beaucoup, de ces villages chinois perdus
dans les montagnes qui se dépeuplent
inéluctablement. Il est en dialecte du Shanxi, et
Liu Feifang a bénéficié pour cet aspect linguistique
de l’assistance du professeur Guo Hengqi (郭恒奇),
lui-même réalisateur et monteur.
Le
film est centré autour d’un jeune de 35 ans qui est resté,
lui, au village et continue vaille que vaille à élever son
troupeau de moutons avec sa mère et son père tandis que sa
femme et son fils sont partis vivre en ville où il a acheté
un appartement avec les économies familiales. C’est un
village où il n’y a même pas d’internet, et on ne sait pas
si les jeunes s’en vont parce qu’ils n’ont pas de wifi ou si
personne ne s’en soucie parce qu’il n’y a plus là que
quelques vieillards…
Le film dure près de trois heures, à la
Wang Bing,
parce que la lente tragédie qu’il dépeint nécessite
un temps long. Et comme c’est la vogue en ce moment,
le film est construit sur le rythme des saisons,
comme le souligne le titre chinois ( « le printemps
vient à l’est ») ; il a été tourné en 2016 et 2017
pour donner le sens du cycle des saisons. En voyant
les longs travellings sur les champs en terrasses, à
perte de vue, on pense à nombre de films chinois qui
sont ainsi construits pour souligner l’harmonie
Au fil
des trois heures, on pense aussi à un film qui dégage la
même atmosphère, tourné dans un autre village de cette même
région du Shanxi, par un autre natif du lieu, mais qui est
une fiction, avec une pointe d’humour : « The Black and
White Milk Cow » (《一只花奶牛》)
de Yang
Jin (杨瑾).
Mais
le film de Liu Feifang participe de la culture actuelle de
la nostalgie de la campagne chez les jeunes qui l’ont
quittée… sans vouloir y revenir. On est curieux de voir son
film suivant.
The
Fading Village, trailer
[1]
Nom sous lequel il apparaît comme
producteur du film.
[2]Projeté le
18 novembre 2021 au cinéma L’Entrepôt à Paris dans
le cadre du programme
« Ecrans de Chine » sous le titre
« « Un village en voie de disparition ».