Lu Dan
鲁丹
Présentation
par
Brigitte Duzan, 25 janvier 2025
Réalisatrice et scénariste née en 1993 à Urumqi, Lu Dan (鲁丹)
a grandi dans le Xinjiang, puis, à l’âge de 18 ans, elle est
partie à Pékin continuer ses études. En 2015, elle est
sortie diplômée du département radio et télévision de
l’Université des communications de Chine (中国传媒大学).
Lu Dan en
tournage
Son
film de fin d’études était un court métrage documentaire de
32’, « Peacock Butterfly » (《孔雀蝶》),
qui a été primé lors de la deuxième édition de la
compétition dite « China International College Students‘
Innovation Competition » dans la section courts métrages (第二届中国大学生微电影创作大赛最佳纪录片奖).
Pendant plusieurs années ensuite, Lu Dan a travaillé en
tournant à l’occasion des documentaires pour la télévision.
Puis, en 2018, elle a commencé à écrire des scénarios.
2024 : Premier long métrage
Son
premier long métrage, « The Absent » (dōng
lǚ
rén《冬旅人》),
est né de l’un de ces scénarios. Elle a fini de le tourner
en 2021, et il a été sélectionné en juin 2024 au 26e
festival de Shanghai, dans la section « Nouveaux cinéastes
d’Asie » (亚洲新人单元).
Il a été produit par
Pema Tseden
qui a en outre beaucoup aidé la jeune réalisatrice dès
l’étape du scénario. Elle a dit elle-même que son film est
un hommage au cinéaste
tragiquement disparu en mai 2023.
The Absent
Le
titre chinois du film (dōng
lǚ
rén《冬旅人》)
signifie « Voyageurs en hiver », mais le titre original
était « La troisième rive » (《第三条岸》),
inspiré d’une nouvelle que Lu Dan aime beaucoup, « La
troisième rive de la rivière » (《河的第三条岸》)
de l’écrivain brésilien
João Guimarães Rosa
– l’histoire d’un père de famille pris d’une soudaine crise
de misanthropie qui part vivre seul sur un bateau, en
réapparaissant de plus en plus rarement pour quêter de la
nourriture auprès de sa famille, jusqu’à se diluer dans le
brouillard. L’auteur est parti de l’idée exprimée par
Marguerite Duras (dans « Écrire ») :
« Un livre ouvert, c’est aussi la nuit ». Écrire, pour Rosa,
était voyager dans cette nuit, et trouver un point
d’ancrage… sur la troisième rive du fleuve.
Trois personnages en hiver
Le
titre initial du film de Lu Dan insistait donc sur la dérive
des personnages, tous habités par l’absence d’un père.
Finalement, c’est ce point qu’a retenu le titre anglais,
tandis que le titre chinois est centré sur le voyage en
hiver – un souvenir de Lu Dan qui n’est revenue chez elle
qu’une fois pendant ses études à Pékin : en hiver.
Nous
sommes donc en hiver, dans une petite ville du nord du
Xinjiang, Tacheng (新疆塔城),
à la frontière avec le Kazakhstan.
Un photographe russe revient chez lui après des années
d’absence et s’installe à l’hôtel où il rencontre le
propriétaire, tatar, et une jeune Chinoise à la recherche de
son père. Tous trois ont l’esprit torturé par un mort ou un
disparu : le photographe était absent aux funérailles de son
père, le tatar est en butte à l’hostilité familiale à cause
de la mort accidentelle de sa fille, la jeune Chinoise est
en quête d’un père qui a disparu. Le film dépeint un lent
processus cathartique de deuil, et de réconciliation avec
soi-même, pour finalement « sortir de l’hiver », dans la
chaleur de sentiments partagés.
L’aide de Pema Tseden
Lu Dan
s’est lancée dans la réalisation de ce film sans autre
expérience que son court métrage de fin d’études et quelques
travaux pour la télévision. Elle a donc rencontré de
multiples problèmes pratiques. Elle a fait deux premières
tentatives de tournage, de dix jours, en 2018-2019,
ponctuées de difficultés.
C’est
alors que, dans la deuxième moitié de 2020, elle a eu la
chance inespérée de rencontrer
Pema Tseden,
lors de la 4ème Shanyi Venture Capital Conference
où « The Absent » avait été sélectionné et projeté en séance
spéciale.
Lu Dan (à
dr.) invitée de la Shanyi Conference (photo The Paper)
Il a
pris Lu Dan sous son aile et lui a donné des conseils sur le
scénario, puis sur le tournage.
Comme il est très pris et rarement à Pékin, Lu Dan a eu
trois communications en ligne avec lui. Elle a révisé son
scénario et refait un tournage de dix jours en 2021 ; puis
elle a montré à Pema le montage de ses vingt jours de
tournage avant de terminer le montage final.
C’est
là un aspect du travail de Pema Tseden que l’on connaît peu,
mais qu’il faut savoir pour bien comprendre l’impact qu’il a
eu sur le jeune cinéma chinois, et en particulier le cinéma
que l’on peut dire « des marges », correspondant à sa propre
esthétique -
action de producteur et directeur artistique
qu’il
a développée surtout à partir de 2015, l’année de « Tharlo »
(《塔洛》).
Lu Dan
aura été l’une des dernières à bénéficier de cette aide,
dont on trouve des échos dans certaines images de son film,
celles du mouton, par exemple, qui rappelle celui de « Jinpa »
(《撞死了一只羊》),
ou dans le son, le directeur du son étant celui des films de
Pema Tseden, Dukar Tserang (德格才让).
Lu Dan
a cependant sa personnalité, et son film mérite d’être
considéré pour ses qualités propres.
[article
à venir]
Deuxième film : l’été après l’hiver
Lu Dan
travaille maintenant le scénario d’un deuxième film, « Nuits
blanches » (《白夜》),
qui se passera dans la même préfecture d’Ili, mais en été ;
et ce sera l’histoire d’une mère et de sa fille…
Comme Lu Dan l’a expliqué dans
une interview avec Li Moxiao (李沫筱),
de la Shanyi Venture Capital Conference – interview
publiée dans The
Paper.
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