Qiu Sheng
仇晟
Présentation
par
Brigitte Duzan, 22 juillet 2025
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Qiu Sheng |
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Né en
1989 à Hangzhou, Qiu Sheng a commencé sa carrière de
réalisateur avec un premier long métrage sorti en 2018. Mais
c’est en 2025 qu’il a fait parler de lui quand son film « My
Father’s Son » (《比如父子》)
est sorti au 27e festival de Shanghai : un film
cathartique qui recrée la mémoire de son père en utilisant
l’IA. Il sort sur les écrans français le 23 juillet 2025.
Premiers films : intérêt pour la science-fiction
Après
avoir obtenu une licence en génie biomédical à l’université
Qinghua à Pékin, Qiu Sheng est parti à Hong Kong poursuivre
ses études et a obtenu un master en production
cinématographique. Il a été sélectionné par l’École du
cinéma du Golden Horse et par le « Talent Training Camp » du
festival de Berlin.
Son
premier film, le long métrage « Suburban Birds » (《郊区的鸟》),
a été primé « Meilleur film » au festival FIRST de Xining en
juillet 2018 et a obtenu diverses récompenses dans d’autres
festivals, dont le prix Netpac décerné à celui de Macao. Il
a également été sélectionné au festival de Locarno, puis est
sorti sur les écrans chinois en février 2021, mais a suscité
des réactions mitigées de la part du public.
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Suburban Birds |
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Le
film a pour caractéristique technique d’avoir été tourné en
format 4/3 : l’image est carrée, comme les vieux films des
années 1920-1930, mais aussi quelques films récents, des
films comme « The Artist » de Michel Hazanavicius, par
exemple, se voulant en 2011 un hommage aux films des années
20. On sent donc tout de suite chez Qiu Sheng la recherche
de l’originalité. Par ailleurs, on peut considérer
« Suburban Birds » comme un film de science-fiction : alors
qu’un soudain éboulement s’est produit dans les faubourgs
d’une ville, une équipe d’ingénieurs est envoyée sur les
lieux pour tenter d’en déterminer les causes ; l’un d’eux
pénètre dans une école déserte et y trouve un journal intime
qui se trouve prédire ce qui est en train d’arriver : la
terre qui se fissure et la ville qui disparaît peu à peu.
Le
film a été présenté dans une
interview du réalisateur
comme une première tentative de représenter la croissance de
la culture urbaine, avec tout ce qu’elle a de poésie et
d’attrait pour les jeunes, par le biais de l’image de la
ville de Hangzhou recréée à l’écran.
Qiu
Sheng a ensuite réalisé un court métrage de 27 minutes sorti
en juin 2021 : « Double Helix » (《生命之歌》),
adapté de la nouvelle de science-fiction « Song of Life » (《生命之歌》),
prix Galaxy 1995, de l’écrivain de science-fiction
Wang Jinkang (王晋康).
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Double Helix |
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L’histoire est toute en allusions. Un soir, la jeune Kong
Xianyun (孔宪云)
et son frère s’échappent de chez eux. Après avoir erré un
certain temps, ils arrivent devant une école abandonnée qui
fait resurgir les souvenirs du passé dans la tête de
Xianyun : le bruit de la lecture, des rires, du piano, et
les cris « Au feu ! Au feu ! », les flammes soudain
engouffrant tout…
Ces
deux films, un long métrage et un court, ont contribué à
donner une image originale d’un réalisateur tourné vers la
science-fiction, mais pas celle à laquelle le cinéma chinois
nous avait habitués jusque-là : celle des adaptations de
Liu Cixin (刘慈欣),
« Wandering Earth » (《流浪的地球》)
et autres, influencées par les blockbusters hollywoodiens.
Qiu Sheng s’est en fait inspiré des films du réalisateur
japonais Kiyoshi Kurosawa, « Pulse » (回路, Kairo)
ou « Journey to the Shore » (岸辺の旅, Kishibe
no Tabi)
entre autres. Dans ces films, la science-fiction est
intimement intégrée à la réalité quotidienne, la
science-fiction rejoignant en fait la culture traditionnelle
et les croyances populaires dans le monde des esprits.
C’est
cela qui a intéressé Qiu Sheng. Il a suivi la même approche
avec l’IA dans son film suivant.
« My Father’s Son » : l’IA en mode cathartique
Le
deuxième long métrage de Qiu Sheng, « My
Father’s Son » (《比如父子》),
en compétition au 27e festival de Shanghai en
juin 2025, délaisse la science-fiction pour un autre sujet à
la mode : l’IA. Mais là aussi Qiu Sheng l’utilise à sa
manière, de façon quasiment autobiographique, et surtout
très créative.
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My Father’s Son |
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Le
film part de son expérience personnelle : il avait 15 ans,
était encore lycéen et venait de passer l’examen d’entrée à
l’université quand on lui a annoncé la mort de son père. Ce
fut un choc. À l’enterrement, on lui tendit un éloge funèbre
à lire ; il ne put le faire jusqu’au bout, sa voix s’est
nouée et il s’est enfui.
Son
alter ego dans le film tente de surmonter sa peine en
reconstituant la mémoire de son père par le biais de l’IA,
avec la boxe comme métaphore des relations père-fils :
brutale et violente, certes, mais aussi école de discipline,
avec un idéal de perfectionnement. L’IA crée une sorte de
fantôme avec lequel peuvent se former des liens d’intimité.
Le film
est une étonnante réussite qui renouvelle le cinéma chinois
à un moment où il connaît une désaffection très nette comme
le montrent les statistiques de fréquentation des salles.
Mais encore faudrait-il qu’il soit distribué : s’il sort en
France en cette fin de mois de juillet 2025, il n’est
toujours pas sorti en Chine.
Les recettes du box-office ont diminué de 23 % en
2024 par rapport à 2025, malgré les bons résultats
des comédies populaires comme « Yolo » et
l’augmentation du nombre de salles.
Les recettes d’avril 2025 étaient à un niveau
« historiquement bas » selon
Courrier international :
il n’y a tout simplement plus personne dans les
salles…
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