Né en
1982 à Chongqing, Wang Bo (王博)
y a grandi jusqu’à son entrée à l’université en 2000.
En
2007, il a obtenu un master en physique de l’université
Qinghua à Pékin. Puis, en 2011, il est parti étudier la
photographie et la vidéo à la School of Visual Arts de New
York où il a ensuite enseigné de 2014 à 2019. En
collaboration avec Pan Lu (潘律),
il a évolué vers une forme originale de « film-essai » (散文电影)
qui renouvelle l’art du documentaire en croisant le réel et
l’histoire.
Il est
aujourd’hui basé à Amsterdam.
Pan Lu
Il a
vécu le processus de bouleversement dramatique qu’a connu
l’agglomération de Chongqing et son hinterland pendant la
période de croissance accélérée de la Chine, à partir des
années 1990. C’est ce qui a inspiré en grande partie les
débuts de son œuvre, à partir de 2010. Son regard s’est
ensuite élargi à l’ensemble de la Chine et au-delà, en
s’intéressant en priorité à l’espace urbain et à son
histoire.
Photographies de l’espace urbain en Chine en période de
transition rapide.
Le
projet est inspiré de la conférence prononcée le 14 mars
1967 par Michel Foucault, « Des
espaces autres »,
où il développe le concept d’hétérotopie, zone alternative
entre espace réel et espace imaginaire. À partir des
bouleversements traumatiques de la ville de Chongqing, les
photographies montrent le paysage urbain comme hétérotopie
dramatique, dans un contexte chaotique non planifié, une
destruction succédant à une autre dans un processus
incertain et imprévisible.
Un
jeune SDF diagnostiqué autiste, surnommé Brother Sharp (Xīlì
gē犀利哥),
est soudain devenu une star médiatique grâce à des photos de
lui postées sur internet par un photographe anonyme. Sa
famille, ses proches aussi bien que les médias, tout le
monde s’est précipité pour exploiter sa popularité devenue
valeur commerciale. La vidéo de Wang Bo est un montage
d’images provenant de diverses sources montrant son retour
chez lui.
Retour sur le scandale Bo Xilai et réflexion sur
l’impact de l’image dans la Chine contemporaine.
Montage d’images tournées en majeure partie à Chongqing à
l’apogée de la campagne « rouge » de Bo Xilai (薄熙来)
en 2010 et 2011, prélude au plus grand scandale politique en
Chine depuis 1989
[1].
Sous le voile du capitalisme et de la course au profit
persistent bien des aspects de l’autoritarisme du régime
maoïste.
Le
film est construit sur une trame narrative constituée par
une série de lettres fictionnelles d’un homme décrivant ses
réactions à toutes ces images auxquelles il est confronté
lors d’un voyage en Chine, lettres qui sont lues par une
voix féminine. Mais ce sont les images qui importent :
images symboliques d’une société et d’un régime à double
visage.
Montage
d’images d’archives cinématographiques par divers curateurs,
dont Wang Bo.
Observation du Chinatown de New York des années 1940 à
aujourd’hui, le film en retrace l’histoire depuis les
premières communautés en s’attachant à en montrer
l’évolution et ses causes. Comportant aussi bien des
extraits de documentaires et de films d’archives que des
films d’amateurs, avec des séquences tournées de différents
points de vue – activistes, artistes, visionnaires,
cinéastes amateurs, journalistes – le film est une réflexion
sur le regard que l’on porte sur son environnement, mais en
retour sur la manière dont ses représentations influent
sur l’image que l’on s’en fait.
En collaboration avec Pan Lu. Installation à la
Biennale de Shanghai.
Projet
inspiré par le philosophe français d’origine russe Alexandre
Kojève et son concept d’humanité post-historique : humanité
qui, oubliant son histoire, en revient au stade élémentaire
du désir animal. Représentant la France dans différentes
institutions internationales après la deuxième guerre
mondiale, Kojève a commencé à collectionner des
photographies anonymes représentant le passé avant « la fin
de l’histoire ».
Le
projet de Wang Bo et Pan Lu renverse le regard du philosophe
en capturant des images de monuments non plus du passé mais
du futur : des images figées de la Chine postrévolutionnaire
où le passé a disparu.
Images
d’archives illustrant l’histoire devenue légendaire des
mangues offertes à Mao Zedong par le premier ministre du
Pakistan lors de sa visite à Pékin le 5 août 1968.
Après
avoir reçu ces quarante mangues, au lieu de les manger
lui-même, Mao en fit don aux travailleurs chinois, ce qui
fut perçu comme le signe de son infinie mansuétude envers le
peuple. Envoyées aux quatre coins du pays, les mangues,
alors inconnues en Chine, suscitèrent une vague
d’enthousiasme. On le compara aux Pêches de l’immortalité de
la Reine Mère de l’Ouest. On en fit des répliques en cire
pour les exposer, et elles allèrent orner affiches, badges,
tasses, couvertures et autres.
Dans
l’usine de tricots n°1 de Pékin, comme la mangue reçue était
en train de pourrir, les ouvriers tinrent une réunion pour
décider des actions à prendre. Il fut décidé de faire
bouillir la mangue dans un bac d’eau. La cérémonie eut lieu
devant l’assemblée des travailleurs et chacun reçut une
cuillérée de cette eau sanctifiée [2].
L’espace urbain de Hong Kong comme représentatif des
changements historiques des villes dans le monde entier,
entre capitalisme et globalisation. En trois chapitres
montrant les interactions et les tensions entre le global,
le local et la frontière entre les deux, le film montre
comment l’espace urbain a été construit, comment il est
utilisé, approprié et interprété. Il montre en particulier
le rôle de la rue comme espace d’expression collective lors
du mouvement des parapluies, en 2014, et l’image-miroir de
Shenzhen de l’autre côté de la frontière, au nord.
Mais le film analyse aussi comme un symbole le bâtiment duCentre
de congrès et d'expositions de Hong Kong (香港會議展覽中心),
construit de 1994 à 1997 sur un terrain gagné sur la mer
dans le quartier de Wan Chai Nord, sur l’île de Hong Kong,
au bord de Victoria Harbour que surplombe l’immense façade
de verre ; c’était initialement pour abriter la cérémonie de
la
Rétrocession, le 1er juillet 1997.
Wang Bo et Pan Lu rejoignent là, à leur manière propre, la
littérature introspective de Hong Kong de l’époque.
Film documentaire réalisé à l’occasion de la 12e
convention, en 2015, de l’Association mondiale du clan des
Wangs, le nom le plus répandu en Chine, porté par environ 15
% de la population.
Le
documentaire explore les problèmes d’identité générés par le
fait même que le nom soit aussi répandu, et les efforts pour
donner un sentiment de communauté au clan.
L’idée est partie des angoisses inspirées par le climat
tropical aux troupes britanniques stationnées à Hong Kong
pendant les guerres de l’opium – peur des maladies
tropicales latentes ayant contribué à la ségrégation à Hong
Kong. Puis
des recherches scientifiques ont été menées sur la flore,
des artistes ont alors été commissionnés pour peindre des
tableaux représentant des spécimens de botanique. Le projet
de Wang Bo et Pan Lu s’est intéressé à la circulation de ces
images dans la zone de Canton au 19e siècle.
Évocation de la rivière Tumen, frontière entre la Chine, la
Corée du Nord et la Russie, au pied des monts Changbai
(Paektu), site de violents conflits depuis le milieu du 19e
siècle. Le film est à nouveau une
réflexion visuelle sur un paysage en évolution, et les
relations transnationales sur fond d’histoire qui s’y jouent[3].
Exploration visuelle des locaux abandonnés de l’ancien
hôpital des Forces armées coréennes à Gwangju.
À
travers les gravats, la poussière et les herbes folles, les
images évoquent aussi le soulèvement de Gwangju, en mai
1980, en réaction au Coup d’Etat du 17 mai et à la dictature
de Chun Doo-hwan. Les blessés étaient transportés là pour y
être soignés.
Film-essai de Wang Bo et Pan Lu, sélectionné au
festival Visions du réel de Nyons.
(littéralement : Entre les vagues)
Entre les vagues
《湧浪之间》 (2019)
Film-essai géopolitique sur Hong Kong qui commence et
s’achève dans un centre commercial comme si le flux constant
de la foule représentait celui de la ville entière. Autour
de cet espace, le film dérive vers les entrepôts du port,
les galeries du centre d’expositions, les blocs d’immeubles
surpeuplés, les fragments qui subsistent de la ville
coloniale. À travers le paysage urbain, entre densification
de l’habitat et espaces naturels préservés malgré tout par
l’urbanisation, les deux cinéastes ont affiné leur vision de
la ville à la rencontre entre l’histoire et le présent.
Réflexion sur l’espace urbain sous l’angle de la
couleur.
Deux
écrans LED extérieurs en rotation projettent des couleurs
fluo, du mauve au bleu en passant par le rose. Symbole de la
manière subliminaire dont procède la propagande
gouvernementale aujourd’hui, par l’image et la couleur plus
que par le message lui-même.
Pastiche de reportage télévisé marquant le 70e anniversaire
de la visite du trois-mâts « Empress of China » à Canton en
1784, peu après la déclaration d’indépendance américaine (le
4 juillet 1776).
Épisode historique déterminant dans l’histoire des relations
commerciales entre Hong Kong et les États-Unis : après son
retour à New York en mai 1785, couronnée de succès,
l’expédition a entraîné le développement des échanges
commerciaux avec Canton, commerce de thé, de produits de
luxe comme les porcelaines et la laque, mais bien plus
commerce de l’opium ; c’est ainsi que se sont constituées
les grandes fortunes de la Nouvelle Angleterre.
Le
titre fait référence à un poème de 1970 de l’activiste des
droits des noirs
Gil Scott-Heron « The
Revolution Will Not Be Televised »,
repris symboliquement par les manifestants hongkongais
contre la loi extradition en 2019. Les heurts entre
manifestants et police se sont surtout passés dans des
centres commerciaux, induisant une réflexion sur le design
de ces espaces et leur subversion dans un contexte de
protestation et de contestation politique.
Film
inventif qui explore la mémoire de la modernisation en Asie
à la fin du 20e siècle à travers les exportations
de perruques pendant la Guerre froide.
An Asian Ghost Story,
2023
Ce
sont ici les perruques qui sont prises comme symbole de
l’expansion économique en Asie dans la période de
l’après-guerre. Dans les années 1960, c’était le quatrième
produit d’exportation de Hong Kong. La colonie britannique
était l’intermédiaire entre le fournisseur, la Chine
continentale, et le marché occidental, jusqu’à ce que, en
1965, le département du Trésor américain impose un embargo
sur « les cheveux asiatiques » pour couper une source
importante de devises à la Chine de Mao. Mais le concept a
été ensuite révisé en « cheveux communistes » de manière à
permettre le développement de cette industrie chez les
alliés américains, Corée du sud et Japon.
Le
film de Wang Bo part de l’interdiction des « cheveux
communistes » pour explorer l’histoire des migrations et de
la diaspora faisant de Hong Kong un espace transitoire
connectant des monde différents, entre impérialisme
américain et Asie de l’Est, pendant la Guerre froide.
En
mars 2023, le film a été couronné du New Vision
Award
au festival international du documentaire CPH.DOX de
Copenhague.
[1]
Sur l’affaire Bo Xilai, voir « Coup
d’Etat à Pékin » :
[2]
Pour la petite histoire, quand la première dame des
Philippines Imelda Marcos vint en visite officielle
en Chine en 1974, elle apporta elle aussi une boîte
de mangues, et Jiang Qing tenta alors de faire
renaître le culte des mangues en les offrant aux
travailleurs. En 1976, elle réalisa un film de
propagande intitulé « Le chant de la mangue » (《芒果之歌》),
mais une semaine après sa sortie, Jiang Qing était
arrêtée et le film retiré de la circulation. Il
reste une curiosité :
Le chant de la mangue
https://www.youtube.com/watch?v=eLNhABbQTMY