Née en
novembre 1945, sortie diplômée de l’Institut du cinéma de
Pékin en 1968, Wang Junzheng (王君正)
est une réalisatrice chinoise de la 4ème
génération des cinéastes chinois, connue pour la
représentation de femmes et d’enfants dans la Chine de
l’après-Révolution culturelle.
Wang
Juzheng
Après
avoir été assistante réalisatrice au studio de Pékin, elle
réalise son premier film en 1980 : « Miao Miao » (《苗苗》),
qui se passe dans une école expérimentale où les enfants
sont insupportables. Ils ont fait fuir le précédent
instituteur, mais Miao Miao finit par les discipliner.
Le
film est primé au premier festival du Coq d’or.
Miao Miao
Cependant, après un film pour enfants, c’est son troisième
film, sorti en 1986, qui est le plus célèbre : « La
Première femme dans la forêt » (《山林中头一个女人》),
qui a été en compétition au Festival du film de femmes de
Créteil en 1991. Mais c’est aussi l’un des films des
réalisatrices de cette génération qui a été critiqué par
Dai Jinhua (戴锦华)
[1].
Ce qu’elle reproche à ces films, c’est d’être certes
réalisés par des femmes, avec un personnage féminin central,
mais d’avoir malgré tout un style narratif et une thématique
qui ne se distinguent pas des films mainstream faits par
ailleurs par des réalisateurs, et se terminant en général de
manière très conventionnelle. D’après Dai Jinhua, le
problème essentiel vient du fait que les scénarios de ces
films sont écrits par des scénaristes masculins qui
déterminent la structure du film, son expression et sa
vision morale.
La
Première femme dans la forêt
« La
Première femme dans la forêt » en est un exemple. Il est en
deux parties. Au début, la narratrice est une jeune
étudiante de l’Institut d’art dramatique qui va dans la
forêt à la recherche d’un sujet pour écrire un scénario.
Elle rencontre un vieux bucheron qui lui raconte l’histoire
d’une prostituée qu’il a aimée jadis, Xiao Baixie ou « Petit
soulier blanc » (小白鞋) ;
il voulait la racheter mais, maltraitée, elle est morte
prématurément, le bûcheron l’a vengée en tuant l’homme
responsable de sa mort . On a donc pour commencer une
histoire typique de femme victime de la société ancienne,
mais c’est le bucheron qui est le narrateur principal.
Dans
la deuxième partie, le ton change pour raconter l’histoire
d’une autre prostituée, une forte femme qui aurait pu
devenir une figure rebelle contre l’ordre établi, mais en
fait c’est elle, la Première femme de la forêt, et c’est en
fait une figure de mère, dont l’idéal est de bâtir un foyer
et se consacrer à son mari et à ses enfants.
Le
principal atout du film est d’être interprété par de grands
(futurs) acteurs :
Li Xiuming (李秀明)
dans le rôle de la jeune étudiante, Li Wei (李纬)
dans celui du bûcheron,
Le
film suivant, « Woman – TAXI – Woman » (《女人TAXI女人》),
sorti en 1991, est beaucoup plus original. C’est l’histoire
d’une femme chauffeur de taxi, déjà originale, qui se prend
d’amitié pour une femme qu’elle véhicule et dont elle
découvre au passage les ennuis : elle était botaniste, elle
a été limogée … Le rôle de cette passagère est interprété
par
Pan Hong (潘虹),
et
Ge You (葛优)
apparaît également dans un rôle secondaire – ils avaient
joué tous les deux trois ans auparavant dans « The
Trouble-Shooters » (《顽主》)
de Mi
Jiashan (米家山).
Mais c’est secondaire : tout le film tourne autour de
l’évolution de la relation entre ces deux femmes très
différentes, dans un scénario plein de rebondissements
inattendus, qui frôle le mélo mais sans jamais y tomber
grâce à des ruptures de ton pleines d’humour. La séquence
finale est à cet égard une réussite. Le film mériterait
d’être plus connu.
Woman – TAXI – Woman
Woman – TAXI – Woman
Wang
Junzheng a poursuivi avec « Le message du Ciel » (《天堂回信》)
de facture plus classique. On part d’une situation
courante : un grand-père s’occupe de son petit-fils en le
choyant, mais ici parce que ses parents sont partis à
l’étranger (et non plus absents à cause de la Révolution
culturelle). Mais sa mère revient pour s’occuper de
l’éducation de son fils ; elle fait donner des cours
quotidiens d’anglais, de piano et autres à son fils. Mais le
grand-père manque à l’enfant qui ne cesse de pleurer. Alors
la mère organise une fête pour l’anniversaire du grand-père
qui emmène à nouveau son petit-fils faire voler des
cerfs-volants… Le film n’évite pas le mélo, mais il a été
primé au festival de Berlin en 1993.
Le
message du Ciel
Filmographie
1980 :
Miao Miao《苗苗》
1982 :
Brother Echo
《应声阿哥》
1986 :
La Première femme dans la forêt 《山林中头一个女人》
1991 :
Woman – TAXI – Woman
《女人TAXI女人》
1992
: A Private Bodyguard
《私人保镖》
1992
: Le message du Ciel 《天堂回信》
2000
: Falling in Love with the New Century
《爱上新世纪》
[1]
Voir “Gender and Narration: Women in
Contemporary Chinese Film,” in Cinema and Desire:
Feminist Marxism and Cultural Politics in the Work
of Dai Jinhua,” eds. Tani E. Barlow and Jing
Wang, tr. Jonathan Noble, Verso 2002, 99-150. Sur
Wang Junzheng : pp. 139-140.