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Yin Lichuan
尹丽川
Née en 1973
Présentation
par Brigitte
Duzan, 31 août 2013
Née en
1973 à Chongqing, la réalisatrice Yin Lichuan (尹丽川)
a d’abord fait des études de littérature occidentale
à l’université de Pékin. Diplômée de littérature
française en 1996, elle est ensuite allée poursuivre
des études cinématographiques à l’ESEC, à Paris.
D’abord
poète et écrivain
De retour
à Pékin en 1999, elle a commencé à écrire, et
d’abord des poèmes. Elle est alors devenue membre
d’un groupe de poésie très controversé appelé
« Lower Body » (“下半身”),
ou « la partie inférieure du corps », mouvement
d’avant-garde éminemment provocateur dont l’un des
membres les plus connus était la poétesse de Chengdu
Zhai Yongming (翟永明)
(1).
Yin
Lichuan a également écrit des nouvelles, dont un
recueil a été publié en mai 2001 sous le titre « A
nouveau bien à |
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Yin Lichuan poète et
écrivain, en 2004 |
l’aise » (《再舒服一些》),
et même un roman, « Connard » (《贱人》)
(2), publié l’année suivante.
Quatre de
ses nouvelles ont été traduites en français et
publiées aux éditions Philippe Picquier sous le
titre « Comment m’est venue ma philosophie de la
vie ».
Elle s’est
alors tournée vers le cinéma.
Puis
réalisatrice prometteuse
2006 : The
Park
Elle a
réalisé en 2006 un premier long-métrage, « The
Park », en français « Le Jardin public » (《公园》).
C’est un très beau film, qui raconte, avec beaucoup
de poésie et pas mal d’humour, l’histoire d’une
jeune femme de 29 ans, Xiaojun, présentatrice de
télévision à Kunming, et de ses relations avec son
père, âgé et veuf. |
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Yin Lichuan en 2006,
au moment du Yunnan New Film Project |
The Park |
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Au début,
leurs relations sont plutôt tendues, car il vient
rendre visite à sa fille et la vie qu’elle mène
n’est évidemment pas de son goût, surtout parce
qu’elle n’est toujours pas mariée ; il se met en
tête de lui trouver un époux. Pour ce faire, il se
rend dans un parc où les parents dans la même
situation se rencontrent pour tenter de caser leur
progéniture. Xiaojun est furieuse quand elle
l’apprend, car elle vit avec un petit ami qu’elle
pense aimer, mais son attitude change peu à peu. Les
rencontres du parc réservent des surprises à l’un
comme à l’autre, et, pas à pas, le film développe
une sorte de méditation plus profonde qu’il n’y
paraît au départ, sur l’âge, la complexité des
relations humaines et l’effet corrosif et
irréversible de l’âge sur chacun d’entre nous.
Le film
est tourné de manière souvent originale, en
utilisant, par exemple, une caméra à l’épaule quand
le vieux père se fait voler son portefeuille dans la
gare, les images tremblées |
traduisant son
émoi intérieur. La scène finale laisse finalement déborder
toute l’émotion contenue jusque là par les deux
personnages ; Xiaojun se remémore combien elle était proche
de son père quand elle était petite, sa mère étant morte
quand elle avait trois ans, et combien elle avait toujours
eu besoin de sa présence pour se sentir totalement en
sécurité. Il y a dans cette dernière séquence une poésie
qu’atteignent rarement les films sur le même sujet.
« The Park » a vu
le jour grâce à un projet très original d’aide à la
production lancé en 2005 par Lola Zhang, qui était alors une
célébrité dans le milieu cinématographique chinois. Le
projet, intitulé “Yunnan New Film Project”, était conçu pour
aider dix jeunes réalisatrices triées sur le volet à
produire un film, l’une des conditions étant qu’il soit
tourné au Yunnan. Evidemment, la province du Yunnan avait
été choisie parce que les autorités locales fournissaient
une aide appréciable (même si la majorité du financement
était de source privée), mais aussi parce que c’est un
endroit superbe qui offre des conditions naturelles très
favorables à un tournage.
Le film de Yin
Lichuan a été le premier à sortir. Il a été très bien
accueilli par le public comme par la critique, remportant en
particulier le prix Fipresci des critiques de films au
festival international de Mannheim-Heidelberg en 2007.
2008 :
Knitting
Dans ces
conditions, on attendait avec curiosité le deuxième
film de la réalisatrice. Ce fut
« Knitting »
(《牛郎织女》)
en 2008, le titre chinois
faisant
référence à la légende chinoise du bouvier et de la
tisserande.
Adapté
d’une nouvelle de la romancière A Mei (阿美),
amie intime de longue date de Yin Lichuan, le film a
été présenté au 61ème festival de Cannes
dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Il
n’a cependant pas totalement convaincu. Les
exigences de la censure sont certainement en partie
responsable du manque de vie du film dont on devine
ce qu’il aurait pu être en lisant la nouvelle d’A
Mei. Mais il marque une sorte de tournant dans la
carrière de la réalisatrice. |
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Knitting |
Sur le tournage de
Knitting |
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2010 et après :
banalisation
En 2010.
Yin Lichuan a participé à un projet collectif
regroupant une série de courts métrages sous le
titre collectif « The Bright Eleven » (《11度青春系列电影》) ;
son
court métrage s’appelait « Ah ! » (《哎》).
Cette même année, elle a été coscénariste avec son
amie A Mei (阿美)
du film de
Zhang Yimou
« Under
the Hawthorn Tree » (《山楂树之恋》). |
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Ah ! |
Sleepless Fasion |
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En 2011,
elle a ensuite réalisé un film dans l’air du temps,
une comédie satirique ciblant la jeunesse urbaine
branchée : « Sleepless Fashion » (《与时尚同居》).
On cherche vainement là la finesse et l’humour
subtil de la réalisatrice de « The Park ».
Mais c’est
aussi que les temps sont très durs pour les
cinéastes chinois. Ce que marque « Sleepless
Fashion », c’est la lassitude d’avoir à lutter pour
défendre une conception du cinéma qui n’a plus guère
cours dans le pays.
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Notes
(1) Zhai Yongming a
été la conseillère artistique de Jia Zhangke pour « 24
City » (《二十四城记》),
voir :
www.chinesemovies.com.fr/films_Jia_Zhangke_24_City.htm
(2)
贱人
jiànrén
est un terme d’argot signifiant ‘enculé’, ‘connard’ (le
livre a été traduit en anglais sous le titre « Fucker »). Il
est à replacer dans le contexte du mouvement du Lower Body
dont c’était le vocabulaire usuel.
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