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Yin Lichuan 尹丽川

Présentation II

Œuvre cinématographique

par Brigitte Duzan, 31 août 2013, actualisé 11 décembre 2024

 

Née en 1973 à Chongqing, la réalisatrice Yin Lichuan (尹丽川) a d’abord eu une formation littéraire. Elle est diplômée de langue et littérature françaises de l’université de Pékin, et c’est après l’obtention de ce diplôme, en 1996, qu’elle est allée poursuivre des études cinématographiques à l’ESEC (École supérieure d'études cinématographiques), à Paris.

  

 

 

Yin Lichuan présentant son film « Like a Rolling Stone » en septembre 2024

 

De retour à Pékin en 1999, elle a commencé à écrire des poèmes et des essais dont elle a publié plusieurs recueils au cours des huit années suivantes.

 

Sur son parcours littéraire, voir :

http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_Yin_Lichuan.htm

 

Puis, en 2006, elle a décidé de se tourner vers le cinéma.

 

2007 : The Park

 

Elle a alors réalisé un premier long-métrage, « The Park » (《公园》), en français « Le Jardin public », qui est sorti en 2007. C’est un très beau film, qui raconte, avec beaucoup de poésie et pas mal d’humour, l’histoire d’une jeune femme de 29 ans, Xiaojun (小君), présentatrice de télévision à Kunming, et de ses relations avec son père, Gao Yuanshan (), âgé et veuf.

 

 

 

  

Au début, leurs relations sont plutôt tendues, car il vient rendre visite à sa fille et la vie qu’elle mène n’est évidemment pas de son goût, surtout parce qu’elle n’est toujours pas mariée ; il se met en tête de lui trouver un époux. Pour ce faire, il se rend dans un parc où les parents dans la même situation se rencontrent pour tenter de caser leur progéniture. Xiaojun est furieuse quand elle l’apprend, car elle vit avec un petit ami qu’elle pense aimer, mais son attitude change peu à peu. Les rencontres du parc réservant des surprises à l’un comme à l’autre, pas à pas, le film développe une sorte de méditation plus profonde qu’il n’y paraît au départ, sur l’âge, la complexité des relations humaines et l’effet corrosif et irréversible de l’âge sur chacun d’entre nous.

 

Le film est tourné de manière originale, caméra à l’épaule, par exemple, quand le vieux père se fait voler son portefeuille dans la gare, les images tremblées traduisant son émoi intérieur. La scène finale laisse finalement déborder toute l’émotion contenue jusque-là par les deux personnages ; Xiaojun se remémore combien elle était proche de son père quand elle était petite, sa mère étant morte quand elle avait trois ans, et combien elle avait toujours eu besoin de sa présence pour se sentir totalement en sécurité. Il y a dans cette dernière séquence une poésie qu’atteignent rarement les films sur le même sujet.

 

« The Park » a vu le jour grâce à un projet très original d’aide à la production lancé en 2005 par Lola Zhang, qui était alors une célébrité dans le milieu cinématographique chinois. Intitulé “Yunnan New Film Project” (云南影响), le projet était conçu pour aider dix jeunes réalisatrices triées sur le volet à produire un film, l’une des conditions étant qu’il soit tourné au Yunnan. Evidemment, la province du Yunnan avait été choisie parce que les autorités locales fournissaient une aide appréciable (même si la majorité du financement était de source privée), mais aussi parce que c’est un endroit superbe qui offre des conditions naturelles très favorables à un tournage.

 

Le film de Yin Lichuan a été le deuxième à sortir, après « The Case » (《箱子》), premier film de Wang Fen (王分), sorti également en 2007. Il a été très bien accueilli par le public comme par la critique, remportant en particulier le prix FIPRESCI des critiques de films au festival international de Mannheim-Heidelberg en 2007. Les critiques ont souligné en particulier la qualité de l’interprétation, celle de la jeune actrice Li Jia (李佳) qui interprète le rôle de Xiaojun, mais aussi celle de Wang Deshun (王德顺) qui interprète le rôle du père Gao Yuanshan – il est ensuite devenu une célébrité.

 

 

 

Yin Lichuan (au centre) en 2007 présentant

« The Park » avec Li Jia et Wang Deshun

 

2008 : Knitting

 

Dans ces conditions, on attendait avec curiosité le deuxième film de la réalisatrice. Ce fut « Knitting » (《牛郎织女》) sorti en Chine en 2008, le titre chinois faisant référence à la légende chinoise du bouvier et de la tisserande et de leurs amours contrariées, à l’image de deux constellations séparées par la Voie lactée et condamnées à ne se rencontrer qu’une fois par an [1].

 

Il s’agit d’une histoire de triangle amoureux, mais inhabituelle : l’homme disparaît, et les deux femmes finissent par trouver un modus vivendi paisible, à deux. Vision décalée de la modernité urbaine : plus question d’amour ni de famille au sens traditionnel du terme, et en ce sens le film était en avance sur son temps. Mais de manière inacceptable pour un gouvernement arc-bouté sur les traditions familiales, justement. La censure s’est chargée d’en raboter les angles.

 

 

 

 

Adapté d’une nouvelle de la romancière et scénariste A Mei (阿美), amie intime de longue date de Yin Lichuan, le film a été présenté au 61ème festival de Cannes dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Il n’a pas eu le succès qu’il aurait dû avoir, vu le traitement que lui ont fait subir les censeurs, et en dépit de la qualité des interprètes. On devine ce qu’il aurait pu être en lisant la nouvelle d’A Mei : « L’histoire de Li’ai et Haili » (《李爱与海丽的故事》). On ne fait pas plus moderne.

 

Le film marque une sorte de tournant dans la carrière de la réalisatrice, vers des productions plus mainstream.

 

2010 et après 

 

En 2010. Yin Lichuan a participé à un projet collectif regroupant une série de courts métrages sous le titre collectif « The Bright Eleven » (11度青春系列电影》) ; son court métrage s’appelait « Ah ! » (哎》).

 

Cette même année, elle a été coscénariste avec Gu Xiaobai (顾小白) du film de Zhang Yimou adapté d’un roman d’A Mei : « Under the Hawthorn Tree » (《山楂树之恋》).

 

En 2011, elle a ensuite réalisé une comédie satirique ciblant la jeunesse urbaine branchée : « Sleepless Fashion » (与时尚同居). On cherche vainement là la finesse et l’humour subtil de « The Park », la profondeur même escamotée de « Knitting ».

 

Mais c’est aussi que les temps sont durs pour les cinéastes chinois. Ce que marque « Sleepless Fashion », c’est la lassitude d’avoir à lutter pour défendre une conception du cinéma qui n’a plus cours dans le pays. Pendant tout ce temps, en parallèle, elle continue d’écrire et de publier des poèmes, comme une sorte d’exutoire à ses frustrations.

 

2021 : série télévisée

 

En 2021, elle coécrit et réalise une série télévisée en 31 épisodes diffusée en août 2022 sur la chaîne par satellite du Zhejiang et simultanément sur iQiyi : « My Way » (《第二次拥抱》) – littéralement « la deuxième étreinte », comme une deuxième chance. C’est un scénario dans l’air du temps qui campe une femme heureuse dans son ménage, mais dont la vie vole en éclat quand son mari traverse une crise dans sa carrière, ce qui entraîne aussi une crise financière pour le couple. Elle doit se remettre à travailler. Elle se retrouve alors au milieu de femmes qui ont toutes des problèmes dans leurs vies, et se lie d’amitié avec quatre d’entre elles… 

  

 

 

My Way《第二次拥抱》

 

On retrouve l’idée de « Knitting », de femmes se soutenant mutuellement. Mais au-delà, c’est toute la question du statut de la femme dans la société chinoise qui est posée, même si le sujet est édulcoré et enjolivé pour se plier aux exigences de la télévision.

 

2024 : pierre qui roule … le succès !

 

Cette idée d’une deuxième vie pour les femmes, au-delà du mariage traditionnel, se retrouve de plus en plus dans les scénarios de films chinois. Et c’est une idée de ce genre qui est le thème du film suivant de Yin Lichuan, « Like a Rolling Stone » (《出走的决心》), sorti en septembre 2024. Porté par le bouche-à-oreille, salué par la critique, le film est un succès ! Et un succès bien mérité.

 

Le scénario est inspirée d’une histoire vraie, ce qui lui donne d’autant plus d’authenticité. Une femme, approchant la soixantaine, a planté là son mari et sa fille et est partie toute seule, en voiture, faire les voyages qu’elle avait rêvé de faire toute sa vie. « Like a Rolling Stone », comme l’indique le titre chinois, dépeint la difficile maturation de son projet et sa décision finale, avec en flashback le récit de toutes les désillusions de sa vie. Le plus intéressant, dans le succès du film, tient à l’engouement qu’il suscite auprès des femmes du même âge qui ont vécu plus ou moins la même chose, mais aussi auprès de la jeune génération, renforcée dans son désir de ne pas vivre de la même manière.

 

Il n’y a pas de féminisme possible aujourd’hui en Chine, mais on assiste à l’éveil d’une conscience féminine qui s’oppose de plus en plus aux structures patriarcales du pouvoir. Le succès du film de Yin Lichuan en est un reflet.

 

Présentation du film

 


 


[1] Symbolique totalement évacuée dans le titre français banal choisi pour le film lors de sa sortie en France, le 5 août 2009 : « Portrait de femmes chinoises ».

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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