« Ganglamedo » de Dai Wei : le film « de minorité » nouvelle
mouture
par Brigitte Duzan, 29 septembre 2009, révisé 10 juillet
2012
Ce premier
long métrage de la jeune réalisatrice Dai Wei (戴玮)
a pour thème une très belle légende tibétaine.
Un film sur fond de légende
Une jeune
femme de Lhassa était une chanteuse populaire qui
s’était fait connaître grâce à son interprétation du
chant Ganglamedo (en chinois《冈拉梅朵》gānglāméiduǒ),
soit « Lotus des neiges »(1). Elle était connue sous ce
nom. Un peintre han de passage était tombé amoureux
d’elle, mais elle fut mariée à un Tibétain qui
l’emmena. Avant de disparaître, elle avait promis au
peintre de le revoir au bord d’un lac sacré
tibétain, le Namucuo, un an plus tard. Elle revint
effectivement, mais le peintre, lui, avait perdu la
mémoire…
Soixante
ans plus tard, une jeune Chinoise nommée An Yu (安羽),
qui a perdu sa voix en chantant le même chant et a
vu Ganglamedo en rêve, vient à Lhassa pour tenter de
la
Ganglamedo
retrouver. Elle
renoue avec son ancien ami, qui tient un bar appelé le
Ganglamedo (2), où le peintre avait fait la connaissance de
la jeune chanteuse. Elle rencontre là un personnage
excentrique, An Zha, le meilleur tambour de Lhassa, qui se
trouve être le petit-fils du peintre ; il aide An Yu à
partir à la recherche du lac et de la mystérieuse disparue
qui ne cesse de lui apparaître en songe, au bord du lac…
Images du film
Le film se
transforme alors en une sorte de road movie à la recherche
des racines de la légende, et, partant, de la musique et des
danses populaires tibétaines, comme clé de la quête mystique
de la voix perdue. Il y a évidemment là tout un symbolisme
souligné à la fois par le son et l’image.
Bande annonce
Le film
(sous-titres anglais)
Un film nouvelle
manière sur le Tibet
Le scénario est
l’œuvre d’un écrivain tibétain, Tashi/Zhaxi Dawa (扎西达娃).
On peine
cependant à en suivre les méandres car il joue sur la
répétition des motifs et utilise le folklore tibétain de
façon appuyée. Si le personnage d’An Zha est coloré et
original, celui d’An Yu est beaucoup plus terne, limité à
une icône sans voix très peu expressive, le choix d’une
actrice coréenne pour ce rôle ne semblant guère justifié, si
ce n’est pour faciliter la diffusion du film dans ce pays.
« Ganglamedo » est
annoncé comme le premier d’une « trilogie du Tibet » (“西藏三部曲”)dont la
deuxième partie est sortie en Chine, le 22 septembre 2009 :
« Passé tibétain » (《西藏往事》).
C’est une autre histoire d’amour tragique sur fond de
folklore tibétain. On a l’impression d’une série pour la
télévision, mais la réalisatrice travaille effectivement
pour la télévision chinoise.
Un
mot surla
réalisatrice
Dai Wei
Dai Wei (戴玮)
est originaire de Harbin, et a terminé des études de
tourisme en 1995, sur quoi elle est partie à Canton
travailler dans une agence de tourisme. Mais son
rêve était différent, et elle finit par partir à
Pékin étudier à l’institut de formation dépendant de
la radio-télévision nationale. Elle entra ensuite à
la chaîne internationale de CCTV. Comme elle est
très jolie, on l’appela « “美女导演”:
la belle réalisatrice. Le surnom lui est resté.
Parallèlement, elle avait connu à Canton un chanteur
qui avait dix ans de plus qu’elle, et qu’elle a
finalement renoncé à épouser, après maintes
tergiversations, pour poursuivre sa carrière de
réalisatrice. Cet amour contrarié est peut-être la
raison de sa prédilection pour les thèmes d’amours
tragiques, comme son Tibet semble un souvenir de ses
dépliants touristiques.
Le film
est cependant à replacer dans une nouvelle
symbolique han/non
han dans les films dits « de minorité » à partir de l’an
2000 (3). La jeune An Yu fait un voyage quasi spirituel à la
recherche de Ganglamedo, qui lui permet finalement de
retrouver son identité et son équilibre, avec sa voix
perdue.
Produit par China
Film et Han Sanping, le film a été promu par les instances
officielles : sorti en 2007, il a été présenté au 11ème
festival de cinéma international de Shanghai en 2008, puis
au festival du cinéma chinois de Paris en septembre 2009.
Notes
(1) Selon les explications
fournies par la tibétologue Françoise Robin, il s’agit en
fait d’une fleur connue dans la pharmacopée tibétaine sous
le nomde ganglha metok, c’est-à-dire« fleur de glacier », ou
« fleur de la divinité des neiges » ; c’est dans la médecine
chinoise traditionnelle que la fleur est appelée « lotus des
neiges » (雪莲).
(2) Le bar existe
vraiment à Lhassa, près de temple de Jokhand. C’est un
bâtiment à la très belle architecture ancienne, décoré
d’œuvres d’artistes locaux, recommandé par les guides
touristiques pour son atmosphère autant que pour son café et
ses pâtisseries.