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« Jia Zhangke,
un gars de Fenyang » : un documentaire de Walter Salles
par Brigitte Duzan, 22 février 2015
C’est au festival de Rome, en octobre 2014, que le
documentaire du réalisateur brésilien Walter Salles
sur
Jia Zhangke a été
dévoilé ; il n’était pas tout à fait terminé, et la
première mondiale a eu lieu peu après au festival de
Sao Paulo. Présenté à la 65ème Berlinale
en février 2015, c’est un portrait de l’homme et de
son œuvre qui fait l’unanimité.
Pour le réaliser, Walter Salles est revenu aux
sources, c’est-à-dire aux racines du réalisateur
chinois, sa ville natale de |
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Walter Salles et Jia
Zhangke au festival de Rome |
Fenyang, dans le Shanxi, d’où le titre : « Jia Zhangke : un
gars de Fenyang » (《汾阳小子贾樟柯》).
Tournage du
documentaire |
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Walter Salles est un spécialiste du road movie, et
son film en a quelques aspects. Mais la ville qu’il
redécouvre avec Jia Zhangke semble une ville
fantôme, d’où les souvenirs du passé ont peu ou prou
disparu : bien des bâtiments sont fermés, les
fenêtres murées, et les karaokés de « Xiao Wu » ont
été rasés.
Restent les gens. Walter Salles a rencontré, filmé
et interviewé la mère et la sœur du réalisateur,
Zhao Tao bien sûr, mais aussi ses collaborateurs et
amis, indissociables de son œuvre : les acteurs Wang
Hongwei |
(王宏伟)
et Han Sanming (韩三明),
le chef opérateur Yu Lik-wai (余力为)
et l’ingénieur du son Zhang Yang (张阳).
Chacun égrène des souvenirs et anecdotes de
tournage, mais le plus intéressant restent les
séquences où la caméra s’efface devant Jia Zhangke
et le laisse rapporter ses propres souvenirs. Il dit
que ce retour dans sa ville lui a fait sentir le
passage du temps : quand il a fait son premier film
il avait 27 ans, maintenant il en a 43, et il peut
dire, déclare-t-il, qu’il n’a jamais trahi le
cinéma…
Il dit que la Chine vit un temps de perte de valeurs
et de malaise national, mais on sent bien que le
malaise est d’abord le sien. Et il |
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En famille, avec sa
mère et sa sœur |
se fait poignant quand il évoque le souvenir de son père, et
laisse percer combien il fut difficile de grandir
L’ancien cinéma de
Fenyang |
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pendant la Révolution culturelle. On pense alors à
ce film qu’il prépare depuis si longtemps et
n’achèvera peut-être jamais, et qui en serait comme
un écho : « The Age of Tattoo » (《刺青时代》).
Le documentaire de Walter Salles est un portrait de
l’intérieur, réalisé en osmose avec l’univers du
réalisateur chinois, qui n’a pourtant pas
grand-chose à voir avec le sien, mais c’est aussi
bien ainsi, justement. |
Sa qualité essentielle n’est pas tellement de brosser une
image complète de l’œuvre (d’ailleurs, le film pourrait être
raccourci en supprimant quelques extraits sans en altérer la
valeur).
L’intérêt majeur de ce documentaire est de faire
ressortir – et ressentir - à quel point cette œuvre
est unique dans sa peinture de l’évolution de la
société chinoise contemporaine, sous des aspects
très divers, et à quel point Jia Zhangke aura exercé
une influence primordiale sur le cinéma chinois de
la fin du 20ème siècle, en sortant des
schémas établis, et en formant toute une génération
par la profondeur de sa démarche et la fascination
qu’il exerce. |
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Entretien avec Walter
Salles |
Extrait avec
Wang Hongwei :
www.berlinale.de/en/programm/berlinale_programm/datenblatt.php?film_id=201507267#tab=video25
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