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« Drifters » de Wang Xiaoshuai : le faux eldorado de
l’émigration
par Brigitte
Duzan, 19 septembre
2011
« Beijing
Bicycle »,
en 2001, était la chronique de la migration
intérieure des campagnes vers les villes dans la
Chine du miracle économique, et des difficultés
d’intégration des jeunes campagnards dans un tissu
urbain qui ne les accepte guère que comme
main-d’œuvre bon marché et corvéable à merci.
L’attrait
du large
Deux ans
plus tard, avec « Drifters » (《二弟》),
Wang Xiaoshuai (王小帅)
reprend sa peinture des jeunes laissés pour compte
de la croissance, cette fois sous un angle beaucoup
plus rare dans le cinéma chinois : le phénomène
d’émigration de la côte est, et même plus
précisément sud-est, en quête d’un eldorado, ou tout
simplement d’un boulot qui permette d’assurer le
pain quotidien. |
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Affiche du film
« Drifters » |
Er Di (二弟),
c’est-à-dire ‘deuxième petit frère’, est le surnom d’un
jeune garçon de la province côtière du Fujian parti
travailler clandestinement aux Etats-Unis. Il a eu là-bas
une liaison avec la fille du patron du restaurant où il
travaillait et elle s’est retrouvée enceinte. Furieux, le
père l’a dénoncé et il a été expulsé. De retour dans sa
ville natale, désœuvré, il erre sans but, avec pour seule
compagnie celle d’une jeune actrice d’une troupe d’opéra
itinérante, aussi perdue que lui.
Le père et l’enfant |
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Il apprend
un jour que les grands parents de son fils l’ont
fait revenir. Il tente alors de le voir, mais en
vain ; éconduit, il l’enlève et part avec lui en
excursion au bord de la mer. Mais ses velléités
d’amour paternel sont de courte durée. Il finit pas
reprendre la mer, avec la jeune actrice, pour un
avenir toujours aussi incertain. |
Une peinture
réaliste, et personnelle
Le film résulte
d’un accord de coproduction entre Chine continentale et
Taiwan, la postproduction ayant été faite à Taiwan, et la
productrice étant Peggy Chiao, comme pour
« Beijing
Bicycle ». Cela
assure une certaine continuité esthétique d’un film à
l’autre.
« Drifters » est
cependant moins complexe et surtout beaucoup plus lent que
« Beijing
Bicycle », basé sur
une construction à base de plans très longs et souvent
mutiques. La séquence de la virée avec l’enfant est le
moment de grâce du film, souligné par une excellente
partition musicale, joyeuse et colorée. D’ailleurs toutes
les séquences avec l’enfant dégagent une chaleur humaine et
une émotion que l’on ne retrouve pas par ailleurs. Le film
retombe vite dans la même lenteur, les mêmes conversations
oiseuses, ou pas de conversation du tout.
Il faut dire que
le style est parfaitement adapté au sujet.
Wang Xiaoshuai a expliqué
qu’il voulait rendre l’impression de dérive dans un vacuum :
« pendant longtemps, a-t-il dit, je me suis senti
observateur invisible. Il me semblait que, quel que fût
l’endroit où j’allais ou habitais, je ne pouvais être qu’un
outsider social. »
Il est donc en
symbiose avec le personnage de Er Di qui est l’outsider
type.
« Drifters » est encore un film à forte résonance
autobiographique, et ce d’autant plus que
Wang Xiaoshuai a passé deux
ans comme assistant au studio du Fujian à la fin de ses
études de cinéma. La réalité qu’il décrit est donc une
réalité observée personnellement.
Il n’en reste pas
moins que le film est à la fois trop long et trop lent pour
emporter totalement l’adhésion, et c’est bien dommage.
Le film |
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