Accueil Actualités Réalisation
Scénario
Films Acteurs Photo, Montage
Musique
Repères historiques Ressources documentaires
 
     
     
 

Ressources documentaires

 
 
 
     
 

L’opéra du Shaanxi ou Qinqiang

par Brigitte Duzan, 2 décembre 2021

 

Le qinqiang (秦腔) est le nom de l’opéra du Shaanxi : Qin () était en effet, du temps des Printemps et Automnes et Royaumes combattants (771-207 avant J.C.), le nom de l’Etat situé sur le même territoire que le Shaanxi actuel, dont le dernier potentat, poursuivant une politique de conquête et d’expansion, réussit à fonder le Premier empire, devenant le fameux Premier Empereur ou Qin Shihuangdi (秦始皇帝) [1].

 

 

 

 

Le qinqiang est un opéra rural caractérisé par un accompagnement aux claquettes (bāngzi 梆子), d’où son appellation populaire de luàntán (乱弹), c’est-à-dire jouer de la musique en faisant un bruit infernal. L’opéra bāngzi (梆子腔) est un opéra qui fait partie des quatre grands types d’opéras traditionnels chinois classés selon leur type de musique (shēngqiāng 声腔), et qui regroupe l’opéra du Henan (Yùjù 豫剧), l’opéra du Shanxi (Jìnjù 晋剧) ou encore celui du Hebei (Héběi bāngzi 河北梆子).

 

Un opéra local aux sources anciennes

 

Première théorie en 1705

 

Que le qinqiang porte le nom de l’ancien Etat de Qin et de la dynastie éponyme ne signifie pas pour autant qu’il est né à cette lointaine époque comme l’a prétendu une théorie formulée au début des années 1950 par un ancien soldat du nom de Wang Shaoyou (王绍猷) devenu scénariste et « chercheur » sur l’opéra qin après son départ de l’armée en 1932. Théorie sans fondement, mais qui a longtemps continué à être doctrine officielle dans les médias et auprès des autorités du Shaanxi alors que Wang Shaoyou devenait une éminence de l’Institut de recherche sur l’opéra traditionnel du Shaanxi (陕西省戏曲研究院).

 

Que le qinqiang ait des origines très anciennes, c’est certain ; il puise ses sources dans la musique populaire de la région et jusque dans le Gansu, au nord du Shaanxi, en reflétant la vie et la mentalité de la population rurale, avec toutes les histoires qui circulaient et forment un fond de littérature orale où puiser les scénarios. On pense que les premières formes des différents opéras bangzi se sont créées et ont évolué sous les Ming. Mais on s’accorde aujourd’hui pour dire que l’opéra qin dans sa forme moderne est né au début du 19e siècle, comme tendent à le

 

Guo Hongjun en 2016

démontrer les recherches sur les origines du qinqiang de Guo Hongjun (郭红军) publiées en 2007 dans la revue de l’Association du théâtre du Shaanxi (陕西省戏剧家协会) [2].   

 

C’est en effet en 1705, pendant la dynastie des Qing, sous le règne de l’empereur Kangxi (康熙), qu’un musicien originaire de Jingyang (泾阳), Zhang Dingwang (张鼎望), a écrit une première « Théorie de l’opéra Qin » (《秦腔论》). Puis, sous les empereur Qianlong (乾隆) et Jiaqing (嘉庆), Wei Changsheng (魏长生 1744-1802), spécialiste des rôles féminins de dàn () et de qingyi (青衣), est allé trois fois à Pékin donner des représentations de l’opéra et a remporté un grand succès. L’opéra qin est devenu tellement populaire que des chanteurs de kunqu et de jingju ont changé pour en devenir des interprètes.

 

Développement au début du 20e siècle

 

En 1912 a été créée à Xi’an la société Yisu (易俗社), avec mission de renouveler le répertoire, la musique, le chant et la scénographie dans son ensemble. La société a créé des branches dans d’autres provinces.

 

L’opéra qin s’est ensuite développé dans la plaine de Guanzhong (关中平原) [3] au début du 20e siècle. Ce sont les vieilles histoires transmises dans le peuple, en grande partie par les conteurs, qui en forment le fond thématique, sur des musiques populaires dont de nombreux airs étaient joués dans les temples lors des fêtes annuelles, et lors des mariages et des funérailles. Pendant la guerre de résistance contre le Japon, les artistes se sont attachés à exprimer l’ardeur révolutionnaire des soldats-paysans-ouvriers en donnant des représentations dans toute la zone frontalière du Shaanxi-Gansu-Ningxia.

 

L’opéra a bénéficié de recherches et de promotion après la fondation de la République populaire, jusqu’au coup d’arrêt imposé par Jiang Qing pendant la Révolution culturelle.

 

Un opéra toujours vivant

 

Caractéristiques, sujets, stars

 

Le qinqiang a conservé bien des caractéristiques anciennes, dont treize sortes de rôles : quatre sortes de rôles masculins shēng (), six sortes de rôles féminins dàn (), deux sortes de visages peints jing () et un rôle de bouffon chǒu ().

 

On compte aujourd’hui quelque deux mille livrets, beaucoup sur des sujets très connus : « L’Orphelin des Zhao » (《赵氏孤儿》), « Les femmes générales de la famille Yang » (《杨门女将》), « Les Gardes rouges du lac Hong » (洪湖赤卫队), etc. D’autres sont des créations : par exemple « Trois gouttes de sang » (《三滴血》), un opéra de Fan Zidong (范紫东) créé en 1918 par la société Yisu de Xi’an et adapté d’un récit des « Notes de la chaumière Yuewei » (《阅微草堂笔记》),  brefs récits dans le genre des « Contes du Liaozhai » écrits par Yi Jun (纪昀1724-1805) en 1789-1798. En octobre 2018, pour le centenaire de la création de cet opéra, il a été de nouveau représenté sur la scène du National Centre for the Performing Arts (国家大剧院) à Pékin.

 

Trois gouttes de sang, opéra qin filmé produit en 1960 au studio de Xi’an

 

Xiao Yulin (à g.) et Yu Qiaoyun

lors d’une de leurs dernières apparitions en public

 

Le qinqiang a eu ses stars. L’une des plus célèbres au 20e siècle est Yu Qiaoyun (余巧云), surnommée « l’impératrice du qinqiang » (秦腔皇后). Née en 1932, elle a été formée aux rôles féminins : qingyi (青衣), xiao dan (小旦), huadan (花旦) et, typique du qinqiang, guige dan (闺阁旦) ou guimen dan (闺门旦) « dan du boudoir ». Elle a fait sensation à l’automne 1948 lors d’une représentation à Qiaozikou à Xi’an (西安桥梓口) ; le premier numéro de la revue Chunlei (《春蕾》杂志) lui a consacré plusieurs pages, avec articles et photos, en lui conférant le titre d’impératrice du qinqiang qui lui est resté.

 

Yu Qiaoyun interprétant le rôle principal de l’opéra

« Mère et enfants vont au tribunal » 《母子三人出宫院》

https://www.sohu.com/a/349812549_120268109

 

Xiao Yulin dans le rôle de Huang Guiying, dans le film « Le cheval de feu »

 

L’autre « reine » du qinqiang de la même génération était Xiao Yuling (肖玉玲), née en 1938, qui était plutôt spécialiste des rôles de guimen dan et a fondé l’ « école Xiao » du qinqiang (). Alors qu’elle n’avait que 18 ans, elle a interprété le rôle de Huang Guiying (黄桂英) dans le premier film de l’histoire du qinqiang :   « Le Cheval de feu » (《火焰驹》), film en couleur réalisé au studio de Changchun et sorti en 1958 – année qui marque l’apogée des recherches sur les opéras traditionnels dans la République populaire.  

 

 

Le film « Le Cheval de feu » https://www.bilibili.com/video/BV1Gi4y1w74o/

 

Xiao Yuling est décédée en 2017 à l’hôpital du peuple du Shaanxi, deux ans avant Yu Qiaoyun, disparue en juin 2019. Mais leur descendance est assurée.

 

L’opéra aujourd’hui

 

Aujourd’hui, l’opéra qin est à nouveau à l’ordre du jour et les publications se multiplient. En 2014, le professeur Jiao Haimin (焦海民) de l’Université normale du Shaanxi a publié un livre intitulé « Qinqiang, le tournant de 1807 » (《秦腔 1807年的转折》) : il y analyse les changements qu’a connus l’opéra pendant les règnes des empereurs Qianlong et de Jiaqing, en faisant de la 12ème année de l’ère Jiaqing (1807) un moment-clé de l’histoire de cet opéra, du point de vue des formes tant narratives que musicales, en soulignant que ces changements reflètent l’évolution de la société.

 

En 2016, poursuivant ses recherches sur cet opéra, le professeur Guo Hongjun, quant à lui, a coédité une anthologie en deux volumes des textes publiés après sa fondation en 1912 par la société Yisu [4]. Et dans un livre paru en mai 2020, sacrifiant à la ligne officielle, son collègue Jiao Haimin l’a intégré dans la « culture de la route de la soie » [5].

 

Anthologie des textes publiés

par la société Yisu, 2016

 

Qinqiang, le tournant de 1807

 

Le Qinqiang et la culture de la Route de la soie

 

“Qinqiang” de Jia Pingwa

 

Le compositeur Tan Dun (谭盾) lui-même a fait des recherches sur le qinqiang pour préparer son opéra « The First Emperor » représenté en première mondiale au Met à New York en décembre 2006 ; ce fut, dit-il, un véritable voyage de découverte : une « odyssée opératique » [6].

 

Le plus bel hommage qui ait été rendu à l’opéra, cependant, reste le roman de Jia Pingwa (贾平凹) intitulé justement « Qinqiang » (秦腔) : il montre à quel point l’opéra faisait partie intégrante de la vie des gens dans les campagnes du Shaanxi.

 

 


 


[1] Le caractère qiāng () désigne les cavités dans le corps (comme l’indique la clé du caractère), et par extension le son produit dans ces cavités, en gros bouche, poitrine et abdomen. C’est un ton, mais aussi un accent local.
qiāngdiào (
腔调) est le terme désignant les airs d’opéra et qínqiāng (秦腔) signifie « le son/la tonalité de Qin ».

[3] C’est-à-dire la plaine au milieu des quatre passes (guan), correspondant à la basse vallée de la Wei, aujourd’hui au centre du Shaanxi et à l’est du Gansu. C’est de là qu’était originaire la mère de l’écrivain Jia Pingwa (贾平凹), plus exactement de Shangluo, dans le district de Danfeng (商洛市丹凤县), au sud-est. De là l’amour de l’opéra qin que reflète le roman éponyme de l’écrivain.

[4] Voir le compte rendu de la conférence de presse organisée au musée de l’université Jiaotong de Xi’an à la sortie du livre : http://www.museum.xjtu.edu.cn/info/1004/1639.htm

[5] Pour une analyse du livre : https://www.jianshu.com/p/480ff3f1ce58

[6] Voir l’article Tan Dun’s Operatic Odysssey : https://playbill.com/features/article/5701.html

 

 

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Qui sommes-nous ? - Objectifs et mode d’emploi - Contactez-nous - Liens

 

© ChineseMovies.com.fr. Tous droits réservés.

Conception et réalisation : ZHANG Xiaoqiu