Accueil Actualités Réalisation
Scénario
Films Acteurs Photo, Montage
Musique
Repères historiques Ressources documentaires
 
     
     
 

Ressources documentaires

 
 
 
     
 

« Heaven cracks, earth shakes » : éclairage sur le séisme de Tangshan… et sur « Aftershock »

par Brigitte Duzan, 24 février 2012

 

Sorti en janvier, « Heaven Cracks, Earth Shakes » (1) est un livre sur le tremblement de terre de Tangshan : un livre extraordinaire tant par la richesse du trait descriptif que par la profondeur de l’analyse.

 

Il arrive à point pour mettre en perspective cette fabuleuse mythification de l’histoire qu’est « Aftershock » (《唐山大地震》).

 

Le livre de James Palmer

 

Un récit riche et vivant

 

Le livre donne tout de suite une idée frappante de l’étendue de la catastrophe :

« Les 23 secondes que dura le séisme représentent probablement la force destructive la plus concentrée que l’humanité ait jamais connue. A lui seul, le

 

Heaven Cracks, Earth Shakes

séisme a fait plus de dégâts que Hiroshima ou Nagasaki, plus que les bombardements de Dresde, Hambourg ou Tokyo, plus que l’explosion du Krakatoa. Il a fait plus de morts dans une petite partie du Nord-Est de la Chine que le tsunami, en 2004, n’en a fait dans tout l’océan Indien. »

 

Puis, sous sa plume, toute la ville renaît, cette ville dont il ne restait au lendemain du séisme que des piles de gravats dont les photographies donnent une image saisissante. Et la ville reprend vie à travers ses habitants, quelques existences assez typiques, décrites avec un luxe de détails visuels :

« [l’auteur décrit une fillette de quatorze ans] Au cours des dix années précédentes, sa famille avait été harcelée parce qu’ils avaient un jour été riches. Dans les années 1950, ils avaient possédé une voiture, ce qui, à l’époque, était comme posséder un yacht aujourd’hui. Dans les années 1960, cependant, un jour qu’il conduisait ivre, son oncle était allé dans un fossé. Personne n’avait été capable d’en sortir la voiture, et elle était restée là à rouiller, près de la maison. »

 

Tangshan au lendemain du tremblement de terre

 

Mais Palmer fait aussi une description accablante des méthodes et matériaux de construction, en grande partie responsables de l’ampleur des destructions. Il dépeint ce qui était la « capitale du charbon », construite en 1877 par des financiers belges et britanniques pour exploiter le charbon, ville industrielle qui avait souffert et commençait juste, en cette seconde moitié des années 1970, à récupérer d’années de déclin.

 

La ville entière était construite de résidus de l’exploitation minière :

« La plupart des habitants vivaient dans des maisons basses, sans étage, dont les murs porteurs étaient bâtis en brique ou en pierre. Les toits étaient souvent constitués de plaques de béton récupéré des mines. Il s’agissait d’un mode de construction privilégié par les Britanniques pour les maisons ouvrières. Ils avaient réalisé des études sismologiques dans la région, mais n’avaient trouvé aucun problème majeur… Seuls les habitations et les bureaux du personnel étranger étaient construits de manière à résister à un séisme important. »

 

Après le départ des étrangers, rien n’avait changé. De nouvelles normes furent édictées en 1953 : non seulement elles ne furent jamais appliquées, mais, en outre, des bâtiments de plusieurs étages furent construits, sous la responsabilité d’architectes chinois incompétents, et dans la plus parfaite irresponsabilité politique.

 

Ce n’est qu’en lisant ces lignes horrifiantes que l’on peut comprendre l’ampleur des destructions à Tangshan, mais, en les lisant, on songe aussi avec non moins d’horreur que les mêmes causes ont encore produit les mêmes effets en 2008…

 

Une analyse en profondeur

 

James Palmer est, à l’heure actuelle, l’un des meilleurs connaisseurs de l’histoire et de la littérature chinoises, et il nous donne ici un brillant exemple de sa capacité à analyser un événement dans toute sa profondeur.

 

Son titre révèle le fondement de son propos : Heaven Cracks, Earth Shakes, le Ciel cède, la terre tremble, l’un étant le résultat de l’autre – si la terre tremble, c’est que le Ciel s’est déchiré, est en train de lâcher, de s’écrouler – l’explication complémentaire étant donnée dans la seconde partie : The Tangshan Earthquake and the Death of Mao’s China, le tremblement de terre de Tangshan et la mort de la Chine de Mao. Superbe inversion symbolique 

 

On sait que le séisme a été considéré comme annonciateur de la mort de Mao, les séismes étant, dans la tradition

 

James Palmer

chinoise, les marques du mécontentement du Ciel envers un empereur indigne, privé de son mandat céleste. Mao était très malade, Zhou Enlai était mort en janvier, le peuple chinois exsangue, le pays au bord du gouffre. La Bande des Quatre fut terrorisée et étouffa l’affaire, refusant avec arrogance l’aide internationale qui aurait pu sauver tant de vies. Le séisme devint tabou. Il l’est resté jusqu’à ce jour.

 

« Aftershock » en perspective

 

On sait aussi que le film « Aftershock » a été conçu apparemment pour honorer la mémoire des victimes, mais en fait pour dévier le sujet vers une compassion orchestrée envers elles, afin d’évacuer le problème de la responsabilité politique.

 

On repasse en mémoire les images du film montrant des contingents de l’armée populaire arrivant sur les lieux de la catastrophe en rangs superbement ordonnés, et érigeant illico des tentes pour héberger les survivants, et l’on reste atterré par un tel détournement de l’histoire. Palmer a enquêté et fait des recherches, son récit fait froid dans le dos, car il vient corroborer ce que l’on savait plus ou moins : il fallut des jours aux soldats de l’armée populaire pour arriver sur les lieux, ils durent faire une bonne partie du chemin à pied car les lignes de chemin de fer et les routes étaient coupées ; quand ils arrivèrent, ils étaient aussi épuisés que les survivants et ils s’attelèrent au travail de sauvetage à leurs propres risques.

 

Durant les premiers jours, le désordre le plus total régna sur les lieux de la catastrophe, la population fut livrée à elle-même, et les dirigeants eux-mêmes rajoutèrent encore à l’horreur en faisant fusiller des pauvres bougres qui avaient tenté de récupérer un peu de céréales des entrepôts publics pour ne pas mourir de faim.

 

Le livre replace le séisme dans un plus vaste contexte historique, analysé et richement commenté.

 

Il faut lire James Palmer.

 

 

(1) Heaven Cracks, Earth Shakes: The Tangshan Earthquake and the Death of Mao’s China, de James Palmer, Basic Books, 2012.

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Qui sommes-nous ? - Objectifs et mode d’emploi - Contactez-nous - Liens

 

© ChineseMovies.com.fr. Tous droits réservés.

Conception et réalisation : ZHANG Xiaoqiu