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Cheng Pei-pei / Zheng Peipei 郑佩佩

Présentation

par Brigitte Duzan, 21 février 2014

 

Cheng Pei-pei (ou Zheng Peipei en transcription pinyin) est une actrice devenue mythique qui se confond dans l’imaginaire des cinéphiles avec le personnage qu’elle interprète dans le film tout aussi mythique de King Hu (胡金铨) sorti en 1966 : « L’Hirondelle d’or » (《大醉侠》).

 

Elle incarne une nouvelle génération de grandes actrices de wuxia, qui a émergé au moment où les films de wuxia ont pris un nouvel essor à Hong Kong, à la fin des années 1960, grâce aux innovations de King Hu et de Zhang Che (张彻). Elle a cependant poursuivi ensuite une longue carrière qui n’est pas encore terminée, et dont elle dit valoir les succès à sa volonté et à sa détermination face aux défis, mais aussi à beaucoup de chance.

 

L’hirondelle d’or

 

Cheng Pei-pei en 2014

 

Née le 4 décembre 1946 à Shanghai, Cheng Pei-pei n’est arrivée à Hong Kong qu’en 1960.

 

A l’école de la Shaw Brothers

 

C'est en 1962, à 16 ans à peine, que Cheng Pei-pei entre à l'école d'acteurs dite du sud de la Shaw Brothers (南国实验剧团), où elle apprend l'art dramatique et la danse. C’était l’époque où la Shaw Brothers en était encore à un stade expérimental avec ses jeunes acteurs. On leur proposait des rôles, on les testait pour voir ce dont ils étaient capables, et le rythme de tournage était loin d’être aussi infernal que ce qu’il deviendra par la suite, dans les années 1970. C’est ainsi que Cheng Pei-pei a interprété des rôles totalement différents dans ses premiers films.

 

Elle signe son contrat en 1963 et tourne son premier film l’année d’après, mais le premier notable est le quatrième, en 1965 : « The Lotus Lamp » (《宝莲灯》), de Yue Feng (岳枫). Elle y interprète le rôle d’un jeune étudiant qui, égaré en montagne, trouve refuge dans un temple consacré à la déesse de la montagne, interprétée par la grande actrice Lin Dai (林黛) au sommet de sa carrière. Touchée par ses prières, la déesse descend sur terre et le jeune étudiant tombe amoureux d’elle. Quand un enfant naît de ce couple proscrit, la déesse est enterrée sous la montagne ; l’étudiant décide d’élever l’enfant pour qu’il se venge.

 

Le film est l’adaptation d’un opéra huangmei où Yue Feng a tenté de cloner des embryons de film de wuxia : quelques scènes de combat, quelques effets spéciaux, des décors noyés dans une brume irréelle, et le thème de la vengeance. Cheng Pei-peiy est d’une fraîcheur juvénile face à Lin Dai, d’autant plus pathétiquequand on sait qu’elles’est suicidée avant la fin du tournage.

  

Dans Princess Iron Fan

 

En 1966, Cheng Pei-pei enchaîne avec deux films de Ho Meng-hua (何梦华) adaptés du « Voyage vers l’Ouest » qui sortent respectivement en janvier et en août : « The Monkey Goes West» (《西游记》) et « Princess Iron Fan » (《铁扇公主》) dans lequel elle interprète le rôle du squelette blanc (白骨精).

 

  

Mais 1966 est l’année déterminante pour sa carrière : l’année de « Come Drink with Me » ou « L’Hirondelle d’or » (《大醉侠》) dont le rôle la propulse au rang de vedette emblématique du nouveau film de wuxia, descendante des grandes actrices des années d’or du wuxia à Shanghai, à la fin des années 1920 : Fan Xuepeng (范雪朋)Xu Qinfang (徐琴芳), Wu Lizhu (邬丽珠) ou Xia Peizhen (夏佩珍).

 

Cheng Pei-pei est un modèle de nüxia calqué sur celles des chuanqi des Tang, mais le surréel en moins. Sa célèbre image, ses deux courtes épées à la main, évoque les représentations de Nie Yinniang (聂隐娘) à l’opéra (1). Elle est exactement ce que King Hu cherchait alors : une actrice formée à la danse et à l’opéra, et non aux arts martiaux.

 

Elle expliquera plus tard que King Hu pensait que, si elle était danseuse, elle pourrait se former aux arts martiaux ; elle n’en

 

L’Hirondelle d’or

savait rien, mais – dit-elle – elle voulait faire mieux que les garçons, et en ce sens différait des autres actrices qui avaient peur de s’abîmer le nez, ou de sortir couvertes de bleus. Cheng Pei-pei n’en avait aucune crainte, et c’est – en partie - ce qui lui valut le succès qu’elle a eu.

 

Le film de King Hu était tellement différent des autres films de l’époque que Run Run Shaw voulut le détruire : il n’avait pas de beaux costumes, pas d’autres jolis filles que Cheng Pei-pei, et les scènes de combat étaient à nulles autres pareilles : jusqu’alors, les séquences d’arts martiaux au cinéma étaient des séquences d’opéra filmées comme du théâtre, alors que King Hu utilisa des angles différents et surtout un mode de montage totalement novateur. Cheng Pei-pei suivait aveuglément les instructions qu’il lui donnait :

« Quand je revois « L’hirondelle d’or », ce n’est pas moi que je vois, je ne vois que King Hu, et les instructions qu’il me donnait. Il n’était pas très grand, et moi, j’étais grande, car j’avais de longues jambes. Il me demandait toujours de plier les jambes, et de me faire aussi petite que possible. Il détestait mes jambes et voulait qu’elles soient couvertes par mes vêtements. Il disait que des jambes longues manquent de force. » (1)

 

Non seulement le film a eu énormément de succès, mais il a aussi entraîné une vague de films de wuxiaà Hong Kong, à commencer par la « suite » de « L’Hirondelle d’or » tournée par Zhang Che (张彻) en 1969, toujours avec Cheng Pei-pei : « Le retour de l’Hirondelle d’or » (《金燕子》). Si le film n’a pas été réalisé par King Hu, c’est que celui-ci avait laissé la Shaw Brothers et était parti chercher un peu plus de liberté à Taiwan. Il aurait bien aimé pouvoir emmener Cheng Pei-pei avec lui, mais celle-ci était sous contrat avec la Shaw Brothers.

 

Elle resta donc à Hong Kong. Mais le film de Zhang Che n’a rien à voir avec celui de King Hu. Zhang Che ne concevait le genre du wuxia que comme éminemment masculin, et les scènes d’action n’étaient plus avec lui de subtiles scènes de danse opératique, mais des affrontements violents et sanglants. « Il voulait que l’action soit laide » (1). Dans ce film, ce n’est plus Cheng Pei-pei mais Wang Yu (王羽) qui a la vedette.

 

Les années 1970

 

Zhong Kui Niangzi

 

Cheng Pei-pei surfa ensuite sur la vogue du wuxia, avec Ho Meng-hua (何梦华) et Lo Wei (罗维). Au second elle ne dut guère que de rencontrer Jackie Chan alors qu’il n’était encore que directeur des cascades, mais elle tourna quelques films plus intéressants avec le premier, dont « The Lady Hermit », ou « Zhong Kui Niangzi » c’est-à-dire « Un Zhong Kui au féminin » (钟馗娘子): elle y interprète une nüxia luttant, comme le légendaire Zhong Kui, contre une bande de démons.

 

Mais, dans les années 1970, ensuite, sous l’influence en particulier de Zhang Che, les films de wuxia ont peu à peu évolué vers les films de kung-fu, en même temps que beaucoup de réalisateurs de Hong Kong passaient à Taiwan. Les rôles féminins furent de moins en moins nombreux et intéressants.

 

Cheng Pei-pei était arrivée au bon moment, quand l’émergence du wuxia offrait des rôles en or, mais, une fois la vogue passée aux Bruce Lee et autres experts d’arts martiaux, Cheng Pei-pei se maria et partit à Los Angeles où elle commença par enseigner la danse.

 

Etats-Unis et retour à Hong Kong

 

Télévision aux Etats-Unis

 

C’est à Los Angelesque, par l'intermédiaire de Bruce Lee, elle rencontre Chuck Norris qui devient son instructeur en arts martiaux. Elle tente un retour au cinéma en 1973 dans « Tiewa » (《铁娃》), de Lo Wei, mais le film est un échec. Cheng Pei-pei abandonne le cinéma pendant près de quinze ans, se lance dans la promotion immobilière et se consacre à mettre au monde et élever deux filles.

 

A la fin des années 1970, elle se tourne vers la télévision, et crée une émission de « Health Dance » pour la TVB, à Hong Kong, qui voulait émuler les émissions de Jane Fonda en lançant un programme local d’aérobics. Cheng Pei-pei est considérée comme la personne idéale pour promouvoir le concept, diffusé à Hong Kong et à Taiwan.

 

Elle enchaîne avec des talk shows, mais revient aux Etats-Unis pour s’occuper de son fils. Elle tourne des documentaires, en

 

Cheng Pei-pei dans Painted Faces

s’inspirant du projet « Igo Ono » de King Hu (3), et réalise une série télévisée sur l’histoire des immigrants sino-américains.

 

Mais son divorce la ramène à Hong Kong.

 

1988 : retour au cinéma

 

Dans Flirting Scholar

 

En 1988, elle revient au cinéma, dans « Painted Faces » (七小福), film cantonais d’Alex Law où elle tient le rôle d'une instructrice dans la célèbre école d’opéra de Pékin de maître Yu, aux côtés de Sammo Hung qui y fut lui-même formé.

 

En 1993, son rôle dans « Flirting Scholar » (《唐伯虎点秋香》), de Lee Lik-chi (李力持), où elle joue aux côtés de Gong Li (巩俐) lui vaut une certaine célébrité en Chine continentale où le film a été programmé à la télévision.

 

Puis, en 1994, afin de rencontrer Michelle Yeoh (杨紫琼) qui interprète le personnage de Wing Chundans « Wing Chun » (咏春) de Yuen Woo-Ping (袁和平), Cheng Pei-pei accepte d'interpréter pour quelques minutes son maitre d’arts martiaux. Mais, Michelle Yeoh ayant dû momentanément arrêter le tournage du film en raison d’une blessure, Cheng Pei-pei doit finalement se contenter de jouer face à une doublure.


Cependant, son vœu se réalise enfin, quand Ang Lee (李安) lui demande d’interpréter le

 

Jade la Hyène dans Tigre et Dragon

rôle de Jade la Hyène (碧眼狐狸) dans « Tigre et Dragon » (《卧虎藏龙》) en 2000. C’est un rôle emblématique, qui inscrit le film dans la lignée de King Hu ; c’est  le seul, aussi, où elle campe un personnage négatif.
 

Années 2000 : encore le wuxia

 

Cheng Pei-pei (à g) dans Legendary Amazons

 

Elle a cinquante-quatre ans. Le succès international du film relance sa carrière. Elle tourne une série de films d’arts martiaux dans les années 2000, jusqu’à quatre pendant la seule année 2010. Mais ce sont des rôles mineurs, dans des films secondaires – comme dans « Legendary Amazons » (《杨门女将之军令如山》) de Frankie Chan,sorti en 2011, qui est un remake du film de 1972 « The 14 Amazons » sur le sujet classique des femmes générales de la famille Jiang.

 

Années 2010 : une vie après le wuxia

 

La soixantaine radieuse, Cheng Pei-pei semble vouloir aujourd’hui s’évader des rôles dans lesquels elle a été cantonnée jusqu’ici. Début 2014, son rôle dans le film « Lilting », du jeune réalisateur d’origine cambodgienne Hong Khaou, semble marquer un nouveau départ dans sa carrière : celui d’une mère sino-cambodgienne confrontée à des problèmes relationnels avec son fils, interprété par Andrew Law.

 

Dans Lilting

 

Cheng Pei-pei est une excellente actrice, tout simplement.

 

 

Notes

(1) Sur Nie Yinniang, voir :

www.chinese-shortstories.com/Reperes_historiques_Wuxia_Breve_histoire_du_wuxia_xiaoshuo_I_2a.htm

(2) « Forever Young and Restless », interview de Cheng Pei-peidu 5 décembre 2010, par Asia Pacific Arts.

(3) « The Battle of Ono », filmsur les immigrants chinois qui ont travaillé à la construction du chemin de fer Union Pacific en Californie, que King Hu  a commencé à préparer en 1982, maisqu’il a laissé inachevé à sa mort en 1997.
 

  

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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