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Chan Tze-Woon 陈梓桓 

Présentation

par Brigitte Duzan, 1er décembre 2023

 

 

Chan Tze-Woon

 

 

Scénariste et réalisateur hongkongais de documentaires né en 1987, Chan Tze-Woon fait partie de la jeune génération de cinéastes politiquement engagés de Hong Kong, qui veulent rendre compte de la réalité hongkongaise à leur propre manière et de leur propre voix.

 

Cinéma engagé

 

Après un diplôme en science politique à l’Université baptiste de Hong Kong, Chan Tze-Woon s’est orienté vers un master en production cinématographique dans la même université. Il a commencé à tourner des documentaires dans le contexte de tension qui a connu son apogée en septembre-octobre 2014 avec les manifestations menées par les militants pro-démocrates regroupés dans le collectif Occupy Central (佔領中環) [1] visant à s’opposer au projet du gouvernement chinois de limiter le suffrage universel pour l’élection du chef de l’exécutif hongkongais en 2017.

 

 

Le mouvement Occupy Central

 

 

L’élection au suffrage universel du chef de l’exécutif avait été prévue par la loi à portée constitutionnelle entrée en vigueur le jour de la rétrocession, le 1er juillet 1997. Or, en août 2014, les autorités chinoises ont annoncé que les candidats seraient préalablement sélectionnés par un comité de 1 200 personnes, et en pratique il s’agirait uniquement de deux ou trois « patriotes » faisant allégeance à la ligne politique de Pékin. Cette annonce a entraîné un mouvement de désobéissance civile visant à paralyser le centre de Hong Kong, d’où le nom du collectif.

 

 

Les parapluies jaunes comme symbole

 

 

Fin septembre, ces manifestations ont pris le nom de « révolution des parapluies » (雨傘革命) en raison de l’utilisation de parapluies par les manifestants pour se protéger des gaz lacrymogènes – parapluies jaunes devenus symbole du mouvement. Le projet de loi a finalement été rejeté le 18 juin 2015 par le Conseil de Hong Kong.

 

Les documentaires sur la situation se sont multipliés. C’est aussi un tournant dans la filmographie de Chan Tze Woon. À partir de 2014, ses films sont devenus un mode de participation directe dans les événements, ressentie comme d’autant plus nécessaire que les médias officiels ne rendaient pas compte de la situation du point de vue des manifestants ordinaires. Mais il le fait dans un style très original qui n’est pas purement documentaire comme les autres films tournés au même moment pour fixer les événements sur la pellicule.

 

Courts métrages

 

Il a d’abord réalisé deux courts métrages d’environ une demi-heure, « The Aqueous Truth » (《香港人不知道的》) en 2013 et « Being Rain: Representation and Will​ » (作為雨水:表象及意志) en 2014. Le titre chinois du premier signifie : « Ce que les Hongkongais ne savent pas ». Le scénario imagine qu’un taux élevé de lithium est découvert par hasard dans l’eau potable de la métropole ; mais quand quelques documentaristes et journalistes indépendants veulent tourner un film pour alerter la population que des tranquillisants ont été ajoutés à l’eau courante pour calmer les esprits, ils se retrouvent menacés.

 

 

The Aqueous Truth

 

 

 

The Aqueous Truth, trailer

 

Le deuxième documentaire développe un argument semblable, fondé sur les « théories du complot » qui se sont multipliées à Hong Kong à ce moment-là, telle la théorie propagée par le gouvernement chinois selon laquelle c’étaient des gouvernements étrangers qui finançaient et activaient en coulisse les mouvements de protestations. D’une manière similaire, « Being Rain » part de l’hypothèse que les autorités contrôlaient la météo pour combattre les troubles en se fondant sur le fait que toutes les dates importantes de protestation dans la rue ont été marquées par des épisodes de pluies abondantes.

 

 

Being Rain

 

 

 

Being Rain, Representation and Will, trailer

 

Après ces deux courts métrages, Chan Tze-Woon est passé au long métrage documentaire, filmé directement dans la rue.

 

2016 : Yellowing

 

Le documentaire comme art de la guerre [2]

 

« Yellowing » () est l’un des meilleurs documentaires sur les manifestations de 2014 [3]. Jusque-là, tout le monde à Hong Kong croyait en la constitution, croyait que les lois et les libertés fondamentales pourraient être préservées. Mais à partir de 2014, tout a changé : Pékin montrait clairement qu’il se souciait comme d’une guigne des textes que lui-même avait signés. Les Hongkongais ont alors cherché des moyens plus radicaux de lutter pour la démocratie, avec un mouvement de désobéissance civile et l’occupation des rues. Les documentaires sur la situation se sont multipliés. C’est aussi un tournant dans la filmographie de Chan Tze Woon. À partir de 2014, ses films sont devenus un mode de participation, un engagement direct. 

 

 

Yellowing

 

 

« Yellowing » montre la foule des manifestants investir Civic Square le 27 septembre. Une véritable marée humaine se répand dans les rues. Le lendemain, la police tente de disperser la foule avec des gaz lacrymogènes. Cela ne fait que renforcer le mouvement qui va occuper les rues principales pendant près de six semaines. La nuit du 28 septembre, devant l’ampleur prise par le mouvement, Chan Tsz-woon a pris sa caméra et s’est précipité pour filmer, convaincu, a-t-il dit, que parfois les mots ne suffisent pas, qu’il faut l’image pour que l’on puisse vraiment comprendre. Il a continué pendant 79 jours, filmant les manifestants ordinaires et captant les heurts entre la foule et la police.

 

À partir de quelques mille heures de rushes, il a monté un document vivant, centré sur les portraits des étudiants qui ont organisé le collectif et encadré le mouvement. Son film a saisi sur le vif les images et les sons, en montrant les émotions des manifestants, ainsi que leur idéalisme et leur fougue. Aussi a-t-il eu un fort impact, surtout auprès des jeunes. Chan Tze Woon a mentionné deux sortes de réponses au film particulièrement significatives : l’une venant de jeunes Chinois du Continent où ils avaient appris que le mouvement n’était pas bon pour Hong Kong, mais qui, ayant vu à l’écran des jeunes de leur âge se battant pour leur avenir sans avoir peur de se faire arrêter, ont été poussés à réfléchir. L’autre réponse est la déception des jeunes qui se sont impliqués dans le mouvement mais sans résultat positif : le film est là pour leur rappeler de ne pas oublier et de continuer le combat. 

 

Tactique de guérilla pour sa sortie

 

Tel qu’il est, le documentaire s’est vu refuser l’accès aux salles de cinéma. Il est sorti en première mondiale en janvier 2015 au festival du cinéma indépendant de Hong Kong. Mais il a ensuite souffert du succès du film d’anticipation « Ten Years » (十年) qui a battu des records d’audience, et a été couronné meilleur film aux 35e Hong Kong Film Awards en avril 2016. Constitué de cinq courts métrages de cinq jeunes réalisateurs, « Ten Years » envisage la lente érosion des libertés à Hong Kong dans les dix années à venir, y compris la progressive imposition du mandarin dans la vie quotidienne aux dépens du cantonais. Le prix décerné aux Hong Kong Film Awards a déclenché une réaction violente des autorités chinoises ; le Global Times – porte-parole du Parti communiste – l’a qualifié de « virus pour l’esprit » et « Ten Years » a disparu des écrans. Dans la foulée, « Yellowing » n’a trouvé aucun cinéma disposé à le projeter.

 

Chan Tze Woon a alors adopté ce que la critique de cinéma de Variety, Vivienne Chow, a appelé « une tactique de guérilla » : avec ses producteurs, il a organisé des projections « au noir », dans divers lieux publics ainsi qu’aux Archives du film de Hong Kong. Par ailleurs, il a entrepris un tour des grands festivals, en commençant par Taiwan et Vancouver.

 

 

Yellowing, official trailer 1

 

 

Yellowing, official trailer 2

 

2022 : Blue Island 

 

Après la chronique des « temps troublés » qu’était “Yellowing”, « Blue Island » (《忧郁之岛》) est celle de la déprime (du blues) ; après le jaune de l’action, le bleu des lendemains incertains. C’est la suite de 2014 : un film sur les manifestations de 2019-2020.

 

 

Blue Island

 

 

Ce nouveau mouvement de manifestations a débuté le 15 mars 2019 pour protester contre le projet de loi, proposé le mois précédent, visant à amender la loi d’extradition de délinquants en fuite (Fugitive Offenders Ordinance). Introduit par le secrétaire à la Sécurité publique John Lee à l’instigation du chef de l’exécutif Carrie Lam, l’amendement fut publié le 29 mars et déclencha une mobilisation massive, culminant début juin avec des manifestations massives dans les rues demandant le retrait du projet de loi et la démission de Carrie Lam. Ce n’est que le 4 septembre, après treize semaines de protestations, que l’amendement a été retiré du programme de l’assemblée législative, avant l’annonce formelle de son retrait par le secrétaire à la Sécurité publique le 23 octobre.

 

C’est dans ce contexte houleux, avec des foules dans les rues assaillies par des policiers sur le pied de guerre et noyées dans les gaz lacrymogènes, et des campus universitaires transformés en champs de bataille, que Chan Tze-woon a tourné son documentaire. Mais il l’a conçu de manière originale, en en faisant un témoignage de l’esprit de liberté de Hong Kong : il est centré sur trois personnages réels qui ont participé à la résistance contre le régime de Pékin, de 1967 à 2022, personnages emblématiques qui sont interprétés par des jeunes manifestants d’aujourd’hui, mêlant ainsi non tant documentaire et fiction que passé et présent.

 

À ce titre, « Blue Island » (《忧郁之岛》) se distingue des autres documentaires sur les mêmes manifestations réalisés en même temps. Il a été entre autres couronné du prix du meilleur documentaire international (Best International Feature Documentary Award) au festival Hot Docs de Toronto en 2022, et a été le film de clôture de la 2e édition du Festival du film hongkongais de Paris le dimanche  15 octobre 2023.

 


 

Filmographie

 

Courts métrages

2013 : The Aqueous Truth 香港人不知道的30’

2014 : Being Rain: Representation and Will​ 作為雨水:表象及意志26’

 

Longs métrages

2016 : Yellowing 亂世備忘/《乱

2022 : Blue Island 憂鬱之島/《忧郁之岛》

 


 

[1] En entire : « Occupy Central with Love and Peace » (让爱与和平占领中环).

[3] Le titre chinois signifie : Chronique de temps troublés.

 

     

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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