Accueil Actualités Réalisation
Scénario
Films Acteurs Photo, Montage
Musique
Repères historiques Ressources documentaires
 
     
     
 

Metteurs en scène

 
 
 
     
 

Tang Yi 唐艺

Présentation

par Brigitte Duzan, 28 février 2023

 

 

Tang Yi (photo festival de Cannes)

 

 

Tang Yi est née à Fuzhou, dans le sud-est de la Chine, et y a passé sa jeunesse.

 

Après avoir fait des études de comptabilité à l’Université chinoise de Hong Kong, elle a commencé à écrire des chansons et à faire des vidéos musicales. Son premier EP [1], « Seriously », distribué par Universal Hong Kong, est resté en tête des ventes du Hong Kong ITunes Store pendant une semaine après sa sortie. Ses vidéos « Why On My Bed » et « Just Be Gay » ont atteint des audiences records sur weibo [2]

 

En 2016, elle est partie à New York poursuivre des études de cinéma à la Tisch School of the Arts de l’université de New York. Mais son idée n’était pas de faire des films, plutôt des clips musicaux soutenus par un fil narratif, comme celui qu’elle a présenté pour entrer à l’École et qui lui a valu d’y être admise : « Why I’m Bad ».

 

Pendant sa première année à l’École, elle a tourné trois courts métrages « d’école », pour s’entraîner.

 

Premier court métrage

 

Pour son premier court métrage (12’), « Black Goat » (《小阿尼偷羊记》), elle est allée au Népal et a filmé en népalais, dans un monastère de nonnes. Onze auparavant, elle avait passé une semaine dans un monastère au Népal avec sa classe ; les jeunes moines qui s’occupaient d’eux avaient leur âge, treize ou quatorze ans, et beaucoup d’expériences et de goûts communs. Elle est restée en contact avec eux. C’est pourquoi, en deuxième année à la Tisch School, ayant l’occasion d’aller tourner à l’étranger, elle a choisi le Népal plutôt que Hong Kong ou la Chine continentale.

 

 


Black Goat

 

 

Elle est revenue dans le même monastère népalais et y est restée un mois, suffisamment pour se rendre compte que, étant une réalisatrice, elle se heurtait à un mur : les moines pensaient qu’une femme ne pouvait pas raconter leurs histoires. Comme elle l’a expliqué dans une interview en 2023 [3], elle est alors allée dans un monastère de nonnes bouddhistes dont elle avait rencontré la fondatrice [4]. C’est un monastère très spécial car les nonnes, outre le bouddhisme, étudient aussi bien l’ingénierie que le droit et se préparent à des études universitaires.

 

Tang Yi s’est dit qu’elle pouvait tentait de repousser là les limites des tabous. Se souvenant des interdits imposés par sa mère quand elle était adolescente – éviter d’aller au monastère quand elle avait ses règles - elle a annoncé qu’elle voulait faire un court métrage sur l’expérience menstruelle des nonnes. Or les interdits liés aux règles sont encore pires au Népal qu’en Chine : dans certains endroits, on isole les filles dans des huttes où elles sont livrées à elles-mêmes, et parfois violées. La fondatrice du monastère a pourtant approuvé le projet tout de suite, en laissant Tang Yi gagner la confiance des nonnes, et à la condition que toute l’équipe de tournage soit féminine. Tang Yi a fait venir des camarades de classe des Etats-Unis, et deux ingénieures du son de Mumbai.

 

Son court métrage prend la forme d’une fiction : une jeune nonne, nouvelle dans un monastère, a ses règles pour la première fois après avoir entendu une histoire tragique de menstruation dans un monastère contée par une nonne, la nuit :

 

 

L’histoire

 

Terrifiée, elle réussit à le cacher jusqu’à ce que la vérité saute aux yeux de tout le monde pendant la prière ; croyant être victime d’une malédiction, elle pense, comme dans l’histoire, devoir sacrifier une chèvre noire pour y échapper… Le titre chinois (xiao ani tou yang ji 《小阿尼偷羊记》) signifie « histoire de la petite nonne qui vole une chèvre ».

 

Tang Yi a tourné avec un budget initial de 2 000 dollars, pour un coût total de 23 000 dollars. Sa mère lui a avancé des fonds, mais elle a manqué d’argent pour la postproduction. Malgré tout, l’expérience de ce court métrage a été très positive, pour les nonnes d’abord, mais aussi pour la suite de son travail : « Black Goat » lui a facilité l’obtention de financements pour son court métrage suivant.

 

2021 : Tous les corbeaux du monde

 

Ce deuxième court métrage (de 14’), « All the Crows in the World » (《天下乌鸦》), est également né d’une expérience personnelle : quand elle était adolescente, en pension pour préparer l’entrée à l’université, un oncle l’a invitée à dîner et l’a reçue avec ses deux maîtresses, l’a fait boire avec les autres invités, puis l’a emmenée dans un « karaoké » qui était en fait une maison de passe… Elle a mis longtemps avant d’en parler à son père qui s’est juste assuré qu’elle n’avait pas été agressée sexuellement. L’affaire a été enterrée, mais le traumatisme est resté.

 

 

Tous les corbeaux du monde

 

 

Le film revient sur cette histoire en en faisant la trame de son scénario. Elle montre la réalité telle qu’elle l’a vécue, une réalité assez sordide de la société chinoise mais traitée sur un ton satirique inspiré, de son propre aveu, de l’humour décalé de Takeshi Kitano. Mais le titre du film (Tiānxià wūyā 《天下乌鸦》) rappelle trop celui du film de Feng Xiaogang (冯小刚) « A World Without Thieves » (Tiānxià wúzéi《天下无贼》) pour exclure cette influence-là aussi.

 

Dans « Black Goat », Tang Yi s’attaquait à la « honte » de la menstruation, dans « All the Crows in the World » elle s’attaque à celle de la sexualité, telle qu’elle l’a ressentie. Le personnage principal de son film est son double. Elle n’est pas invitée par son oncle, mais par sa cousine, mais la situation est la même. Tang Yi a ensuite brodé, avec un humour sarcastique qui s’attaque aussi bien aux loups qu’aux corbeaux, et surtout aux pratiques et croyances traditionnelles de la Chine ancienne. La séquence introductive est représentative du ton du court métrage :

 

 

All the Crows in the World, séquence introductive

 

Le film détonne. On sent une espèce de libération qui n’exclut pas la provocation. Y compris la provocation vis-à-vis des professeurs de la Tisch School, en allant contre leur enseignement, ce qui lui a valu des critiques très sévères. En fait le film n’a pas été réalisé dans le cadre de l’École, mais grâce au soutien de la fondation du Hong Kong Arts Development Council, ce qui explique sa classification parmi les « films de Hong Kong ». Tang Yi explique sa réussite par le fait qu’elle est restée fidèle à elle-même.

 

Sous le titre « Tous les corbeaux du monde », le film a été couronné de la Palme d’or du court métrage au festival de Cannes en 2021. Tang Yi travaille sur un développement de ce film qui devrait être son premier long métrage.

 

En attendant, elle a réalisé un troisième court métrage.

 

2022 : Yokelan 66

 

Ce court métrage (10’), « Yokelan 66 » (《玉兰,六十六》), est un portrait original de la Yulan/Yokelan du titre, une veuve de 66 ans, belle et chic, qui vit dans le Chinatown de Manhattan et fréquente une classe de danse pour tenter de trouver un nouvel amour. Mais finalement les hommes sont décevants.

 

 

Yokelan 66

 

 

Tang Yi égratigne au passage la nostalgie du cantonais et autres dialectes chez les Chinois de la seconde génération d’immigrés aux États-Unis qui n’ont guère plus l’occasion de parler leur langue. Mais le film passe rapidement là-dessus. La quête de l’homme idéal reprend après un espoir avorté, comme si tout était dans la quête et non dans l’homme…

 

Tourné avec des amateurs, dont Yokelan Lee, le film met en valeur la superbe robe rose que porte l’actrice. Il a été réalisé grâce à Voguefilm [5].

 

Yokelan 66 

 


 

[1] Extended Play : un peu plus qu’un single, mais moins qu’un album.

[3] Interview de Tang Yi par Format court à la suite de la Palme d’or du court métrage en 2023 :

http://www.formatcourt.com/2021/09/tang-yi-faire-des-films-revient-a-faire-la-paix-avec-moi-meme/

[4] Dans l’interview est cité le nom de "Anila Troindroma", avec la précision qu’elle est aussi une chanteuse connue. Après quelques recherches, il s’est avéré qu’il s’agit d’Ani Choying Drolma (Ani désignant les nonnes au Népal et la suite étant une erreur de transcription). C’est un personnage fascinant : elle a écrit une autobiographie, Singing for freedom, dans laquelle elle explique qu’elle est née à Katmandu, dans une famille népalaise de la classe moyenne. Son père était sculpteur, mais tellement violent qu’elle a fui sa famille pour se réfugier à treize ans dans un monastère bouddhiste. La famille avait en fait émigré au Népal au moment des « événements de Lhassa » : elle est donc d’origine tibétaine. Mais son identité va bien au-delà de la simple dispute tibétaine/népalaise : c’est une identité subjective et discursive, fondée sur sa rébellion de femme en butte au système patriarcal aussi bien tibétain que népalais. Elle n’a d’ailleurs pas été une nonne bouddhiste traditionnelle : elle a étudié l’anglais et les arts martiaux avant de devenir une star de la chanson.

Elle a ainsi acquis une autorité qui lui a permis de fonder une école bouddhiste, la Ayra Tara School, ouverte en 2000, pour permettre aux jeunes nonnes de faire des études et acquérir un bagage professionnel. C’est le monastère du court métrage de Tang Yi.
Voir la thèse sur Choying Drolma soutenue en 2021 à l’université Tribhuvan de Katmandu :
https://elibrary.tucl.edu.np/bitstream/123456789/10436/1/Full%20Thesis%283%29.pdf

Ani Choying Drolma en concert : https://www.youtube.com/watch?v=EsFYAeP2rtQ&t=33s

[5] Et avec Lao Xingying (劳馨莹), entre autres, comme assistante de réalisation : on va pouvoir parler de « Génération Tisch »…

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Qui sommes-nous ? - Objectifs et mode d’emploi - Contactez-nous - Liens

 

© ChineseMovies.com.fr. Tous droits réservés.

Conception et réalisation : ZHANG Xiaoqiu