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Wu Wenguang 吴文光

Présentation

par Brigitte Duzan, 20 janvier 2013

 

Avec son premier long métrage, « Bumming in Beijing : the Last Dreamers » (《流浪北京 : 最后的梦想者》), Wu Wenguang a été le pionnier de la Nouvelle Vague du documentaire indépendant chinois qui s’est développée au début des années 1990 (1).

 

Il est aujourd’hui à la tête de plusieurs projets visant à promouvoir de jeunes documentaristes chinois. On l’a surnommé « le parrain du documentaire chinois » (中国纪录片教父”).

 

I. Fondateur de la Nouvelle Vague du documentaire indépendant chinois

 

Débuts

 

Wu Wenguang

 

Wu Wenguang (吴文光) est né en 1956 à Kunming, dans le Yunnan (南昆明). De 1974 à 1978, après avoir terminé ses études secondaires, il a fait partie des contingents de « jeunes instruits » envoyés à la campagne. A l’époque, il est marqué par sa lecture de « L’acier fut trempé » : Pavel Korchagin est son modèle.

 

A la réouverture des universités, il fait des études de littérature à l’université de Kunming et, à la fin de son cursus, devient instituteur, dans le Yunnan,  puis dans le Xinjiang, de 1982 à 1985. Il a expliqué à ce propos que, en 1982, la lecture de « La vie de Vincent Van Gogh » lui a donné la hantise de rester toujours au même endroit, sans possibilité de découvrir des lieux nouveaux ; c’est ce qui l’aurait incité à accepter un poste au Xinjiang.

 

De 1985 à 1988, il travaille ensuite comme journaliste à la chaîne de télévision de Kunming, ce qui lui permet d’apprendre à se servir d’une caméra vidéo. Mais le travail n’est pas de son goût.

 

Il démissionne alors de la télévision, s’achète une caméra, va s’installer à Pékin et commence à tourner des documentaires free lance. Il se retrouve dans un groupe de jeunes artistes qui veulent, comme lui, s’émanciper des contraintes imposées par l’idéologie et la politique et conquérir un certain espace de liberté. Il les filme, et c’est son premier documentaire.

 

L’année 1989 marque à la fois un tournant dans sa vie et un tournant dans l’histoire du cinéma chinois. Le raidissement politique et idéologique après la répression des événements de Tian’anmen conduit à la naissance du cinéma indépendant, dans le double domaine de la fiction et du documentaire. Dans ce dernier cas, c’est le premier documentaire de Wu Wenguang qui lance la Nouvelle Vague du documentaire chinois. (1)

 

Documentaires

 

1990 : « Bumming in Beijing, the Last Dreamers  » (《流浪北京 : 最后的梦想者》) se présente comme une série d’interviews d’artistes s’échelonnant sur les deux années qui précèdent et suivent les événements de Tian’anmen. Wu Wenguang interroge cinq de ses amis artistes, venus à Pékin sans hukou, sur leur parcours, leurs idéaux et leurs espoirs. A travers cette série de témoignages se dessine le portrait d’une génération d’artistes confrontés à des problèmes autant existentiels que matériels.

 

Avec ses séquences filmées caméra sur l’épaule et ses interviews sans scénario préalable, en filmant le silence et le vide autant que le discours et le mouvement, Wu Wenguang tâtonne, sous l’influence du cinéma-vérité utilisé alors à la télévision japonaise. Le silence et le vide apparaissent aussi comme l’envers du vacarme de la place Tian’anmen (avant la

 

Bumming in Beijing

répression) : le calme après la tempête. Projeté au festival de Vancouver en 1991, le film fit sensation par le contraste qu’il présentait avec les documentaires chinois traditionnels, parfaitement formatés.

 

L’équipement, cependant, était très cher, à l’époque ; mais il eut la chance de se faire embaucher pour une émission télévisée, et put emprunter celui du studio ; et comme il avait un ami qui travaillait au montage, il put utiliser le matériel les week-ends ou pendant les vacances. Il a donc fait son documentaire sans budget, un peu dans les mêmes conditions que Zhang Yuan (张元) réalisant « Mama » (妈妈), et, en ce sens, c’est bien le premier documentaire chinois indépendant.

 

En 1991, Wu Wenguang fonde son propre studio, le Wu Documentary Film/Vidéo Studio et, au cours des années suivantes, continue de réaliser des documentaires sur les marginaux du miracle économique chinois.

 

 

Le film

 

1993 : « When I Was a Red Guard » (1966我的红卫兵时代》) obtient le prix Ogawa Shinsuke au festival de  Yamagata. Wu Wenguang a l’occasion de voir là des œuvres de Frederick Wiseman, Bob Connolly et Robin Anderson dont le film ‘Black Harvest’ obtient le Grand Prix du festival. Ces œuvres vont le laisser admiratif et l’influencer ensuite.

 

Les années qui suivent voient un rapide essor du documentaire indépendant en Chine, favorisé par le développement des caméras numériques ; Wu

 

When I was a Red Guard

Wenguang a dit que le numérique l’avait sauvé. En 1995, « At home in the world » (《四海为家》) reprend le même schéma que « Bumming in Beijing », mais c’est le film suivant de Wu Wenguang qui innove, tant dans la forme que dans le sujet choisi.

 

1999 : « Jianghu, Life on the Road » (《江湖报告》)  est filmé avec une nouvelle caméra, une Betacam SP, qui lui permet de renouveler son style. Le réalisateur suit une troupe de chanteurs itinérants formée par des paysans. Le patron a 50 ans, et la troupe est composée de ses deux fils, de leurs petites amies, et d’un groupe de jeunes qui veulent tenter leur chance dans le show business ; leur spectacle est un mélange de chansons et de danses à la mode. A l’approche du 1er octobre, date de la fête nationale, les autorités de Pékin envoient des

 

Life on the Road

inspecteurs un peu partout pour veiller au bon aspect de la capitale. La troupe est obligée de partir.

 

Ce qui intéresse ici Wu Wenguang est ce trait de marginalité représenté par la mobilité, dans un pays où les gens ne peuvent quitter le lieu de résidence qui leur est assigné par leur hukou.

 

Au tournant du siècle, l’atmosphère se détend, au point que Wu Wenguang peut même montrer ses documentaires dans des endroits publics : bars, galeries d’art, universités, et même quelques salles. Il installe alors dans la zone artistique 798, dans le quartier de Chaoyang à Pékin, le Caochangdi Working Station (草场地工作站) qui devient le centre de ses opérations, allant jusqu’à organiser des projections et festivals.

 

2003 : « Dancing with Farmworkers » (《和民工跳舞》) est un documentaire sur la réalisation d’un projet de la chorégraphe Wen Hui, épouse de Wu Wenguang. Outre des acteurs et des danseurs, elle met en scène trente mingong, paysans venus travailler en ville pour échapper à la paupérisation dont ils sont victimes à la campagne. Ils travaillaient sur les chantiers de construction où ils étaient payés 30 yuans par jour. Wu Wenguang leur a offert le même salaire pour les mettre, pour une fois, au centre de la scène, en plein sous les projecteurs.

 

Dancing with Farmworkers

 

2005 : « Fuck Cinema » (《操他妈的电影》) est une désopilante analyse du monde du cinéma confronté aux impératifs du marché et de l’industrialisation du secteur.

 

Le personnage central est un travailleur migrant qui a pour ambition de faire mettre en scène le scénario autobiographique qu’il a écrit. Toute sa vie tourne autour de son projet de film, auquel il sacrifie tout, en butte à l’incompréhension et la morgue des producteurs et réalisateurs auxquels il s’adresse. Mais il finit par se réduire à un sujet d’étude pour Wu Wenguang et sa caméra. Le résultat est un tableau assez acerbe de « l’industrie du cinéma » chinois.

  

2010 : « Treatment » (《治疗》) est le dernier film de Wu Wenguang à cette heure, qui a été présenté en 2011 au festival de Tampere, en Finlande.

 

Il s’agit d’un film à la mémoire de sa mère, décédée en 2007. Il a, pour le faire, passé en revue douze ans de rushes, découvrant au passage nombre de détails émouvants qu’il avait oubliés, des gestes, des

 

Treatment

expressions, des images subtiles qui lui ont fait revivre le passé comme s’il venait d’arriver. Le film n’est pas seulement un flot de souvenirs de sa mère, c’est aussi la tentative de la faire revivre, une opération de catharsis personnelle.

 

Mais ces documentaires sont une partie seulement du travail de Wu Wenguang. Il dirige aussi deux importants projets collectifs qui ont aussi trait à la mémoire, mémoire de l’histoire ou mémoire privée.  

 

II. Projets collectifs

 

Les deux principaux projets sont le Villager Documentary Project et le Folk Memory Documentary Project.

 

Villager Documentary Project

 

Wu Wenguang fut au centre d’un projet intergouvernemental lancé en 2006 par l’Union européenne et la République populaire, dans le but de promouvoir le développement de la gestion démocratique des villages chinois par des actions éducatives.

 

Wu Wenguang fut chargé de la partie documentaire du programme (中国村民自治影像计划), conçu en trois étapes : d’abord former dix ‘‘paysans’’, entre 24 et 59 ans, dont deux femmes, à l’utilisation d’une caméra numérique pour qu’ils puissent eux-mêmes filmer les élections dans leur village pour en élire le chef ; ensuite, réaliser un film à partir d’un montage de leurs rushes, intitulé « Villagers’ documentary film », ainsi qu’un autre documentaire sur l’expérience de tournage de chaque apprenti réalisateur.

 

Villager Documentary Project

 

Parallèlement, Wu Wenguang invita dix jeunes cinéastes à tourner, pour leur premier film, un documentaire sur le déroulement des élections dans le village de leur choix. Complété par deux autres documentaires, chacun de ces films forme une trilogie : « My village 2006», « My village 2007 » et « My Village 2008 », le dernier retraçant les événements intervenus dans chaque village à la veille des Jeux olympiques. 

 

Folk Memory Documentary Project : Famine

 

Il s’agit du projet initié par Wu Wenguang pour collecter les souvenirs de survivants de la grande famine entraînée par le Grand Bond en avant, en 1959-61. L’un des livres préférés du réalisateur est le recueil de nouvelles de Yang Xianhui (杨显惠) qui est consacré à cet période dramatique, mais encore tabou : « Chronique de l’orphelinat de Dingxi » (《定西孤儿院纪事》) (2).

 

The Starving Village de Zou Xueping

 

Les participants au projet sont des volontaires provenant de quelque 80 villes et villages de huit provinces, qui ont entre 20 et 60 ans. Les deux plus âgés ont aussi participé au Villager Documentary Project, et vivent tous deux à la campagne, l’un au Hunan, l’autre dans un village non loin de Pékin. Les autres sont pour la plupart nés après 1980, et sont encore étudiants, ou juste diplômés.

 

Les villages retenus pour les interviews ont des liens avec ces participants, soit parce qu’ils y

ont de la famille, soit parce qu’ils y ont été envoyés quand ils étaient dans l’armée. C’est pour eux une occasion d’y revenir, et de faire des recherches sur leur histoire, à l’interface entre la réalité présente et

un passé flou, entretenu dans un voile de mystère. Le plus difficile a été de briser les réticences des villageois, car ils pensaient que le monde allait se moquer d’eux…

 

La réalisation a débuté à l’été 2010. Deux documentaires ont été terminés en 2011 : « Satiated Village » (《吃饱的村子》), second film de la réalisatrice Zou Xueping (邹雪平)

après « The Starving Village » (《饥饿的村子》), achevé en 2010, et « Luo Village: Me and Ren Dingqi » (《罗家屋 : 我和任定其》) de Luo Bing (罗兵). (2)

   

Luo Village, Me and Ren Dingqi

 

Folk Memory Documentary Project: Portraits privés

 

May Festival 2009 à Caochangdi

 

A Caochangdi, Wu Wenguang soutient aussi d’autres cinéastes dans le cadre de ce Folk Memory Project, étendu à un travail sur la mémoire. Parmi ces « portraits privés », par exemple : « Self Portrait with Three Women », suivi en 2011 de « Self Portrait, at 47 km » de Zhang Mengqi (章梦奇) (4), née en 1987, danseuse et chorégraphe freelance, et documentariste. Les trois femmes sont sa grand-mère, sa mère, et elle : la première a souffert d’un mariage arrangé, a voulu que sa fille en ait un idéal, et, quand ce rêve s’est évanoui, l’a reporté sur sa petite fille… Le mariage comme rêve et destructeur de rêves.

 

Wu Wenguang est bien « le parrain du documentaire chinois ».

 

 

 

Self-Portrait with Three Women, extrait www.cidfa.com/video/Zhang_Mengqi/Self_Portrait_with_Three_Women

                                                                                               

 

Notes

(1) Sur la naissance du cinéma indépendant chinois, et en particulier de la Nouvelle Vague du documentaire, voir : www.chinesemovies.com.fr/reperes_Cinema_independent_chinois.htm

(2) Sur Yang Xianhui et ses nouvelles, voir :

www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_YangXianhui.htm

(3) The Starving Village a été présenté au festival Shadows en 2010 et Luo Village: Me and Ren Dingqi au même festival en 2011.

(4) Présenté au festival Cinéma du Réel, à Paris, en 2012.

 

Le site du China Documentary Film Archive : www.cidfa.com/archives/tag/wu-wenguang/

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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