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« Bing’ai », deuxième documentaire de Feng Yan dans sa série « Filles du Yangzi »

par Brigitte Duzan, 13 décembre 2023 

 

 

Bing’ai

 

 

Attirée par l’art du documentaire après avoir vu ceux du grand documentariste japonais Shinsuke Ogawa (小川紳介), Feng Yan (冯艳) a passé de nombreuses années, à partir de 1994, dans la région du barrage des Trois Gorges (三峡库区) pour filmer la vie des paysannes bouleversée par la construction du barrage et la montée des eaux du lac de retenue.

 

Après « The Dream of the Yangtze River » (长江之梦), achevé en 1997 et centré sur les réactions de plusieurs familles à l’engloutissement de leurs villages et à leur évacuation forcée, elle est revenue dans la région en 2000 pour un deuxième documentaire sur le sujet. Elle a alors partagé pendant plusieurs années le quotidien d’une femme : Zhang Bing’ai (张秉爱), dont le prénom a donné son titre au film, « Bing’ai » (《秉爱》).

 

 

L’entrée de la maison

 

 

À l’époque, Zhang Bing’ai était une paysanne d’un village sur les bords du Yangzi, obligée de quitter les lieux comme les huit-cents autres habitants du village qui allait être englouti par la montée des eaux du barrage géant. C’est aussi le sujet du film de Jia Zhangke « Still life » (《三峡好人》), sorti en 2006, un an avant « Bing’ai ». Mais, alors que Jia Zhangke, croisant des histoires parallèles, a fait de son film une sorte d’épopée moderne et du barrage la métaphore des bouleversements actuels de la Chine, Feng Yan a opté pour une vision moins politique, plus intime, et même poétique, en s’attachant aux conséquences personnelles découlant du projet des Trois Gorges, qui n’apparaît qu’en arrière-plan. Bing’ai fait ainsi figure de double de la réalisatrice, participant à la genèse du film tout autant qu’elle.

 

 

Travail éreintant sur les pentes au-dessus du fleuve

 

 

Les premières séquences donnent le cadre de la vie de Bing’ai : une vallée entourée de montagnes couvertes de nuages, un fleuve boueux, un paysage menacé d’engloutissement. Bing’ai apparaît lavant du linge au bord de l’eau. En même temps, au rythme de son battoir, elle raconte des bribes de sa vie : elle a aimé un homme, jadis, mais ses parents ont préféré qu’elle épouse quelqu’un vivant au bord du fleuve, elle aurait ainsi à faire moins de chemin pour aller chercher de l’eau. Elle a eu trois enfants, après avoir avorté plusieurs fois pour ne pas avoir à payer les amendes prévues dans le cadre de la politique de contrôle des naissances. Son mari est pratiquement invalide, c’est sur elle que repose la charge de la maisonnée. Et maintenant, son existence est menacée par la montée des eaux derrière le barrage. Les voisins obéissent aux autorités locales ; ils abandonnent leurs maisons pour aller s’installer une centaine de kilomètres plus loin. Elle, en revanche, a décidé de lutter jusqu’au bout pour préserver le fruit de son travail tout au long de ces années : les terres ingrates mises en culture sur les collines et les arbres fruitiers plantés là.

 

 

Au bord du fleuve

 

 

Après avoir tourné ces premières séquences, Feng Yan est revenue deux ans plus tard, en 2002. Elle a retrouvé Bing’ai en lutte ouverte avec les voisins et les autorités, n’acceptant pas la maigre compensation qu’on lui offrait pour quitter les lieux. Alors elle est de toutes les réunions, de toutes les protestations, Feng Yan derrière elle. Bing’ai ne mâche pas ses mots pour dire tout son mépris des autorités, mais ce n’est pas l’essentiel : il ne s’agit pas d’un énième film sur les injustices auxquelles est soumise la population et la résistance au pouvoir des plus têtus. C’est surtout un hommage à la ténacité d’une femme qui lutte pour préserver sa dignité, c’est un témoignage plein d’humanité.

 

Les plus belles séquences sont celles où Bing’ai fait part de ses rêves et de ses aspirations. Elle dit rêver de sa mère et de sa grand-mère, mais rarement de son mari, l’âme n’est pas toujours là où est le corps, dit-elle, comme pour se justifier. Surtout, elle rêve des enfants qu’elle n’a pas eus, car on l’a forcée à avorter, une fois, même, à six mois de grossesse : ils lui apparaissent sous forme de serpents qui tentent de la mordre ; alors elle leur crie que ce n’est pas sa faute, qu’elle n’est pas responsable, jusqu’à ce qu’ils la laissent en paix et retournent dans l’herbe. Il y a aussi une grande beauté dans la chaleureuse simplicité avec laquelle elle parle de cette terre qu’elle va devoir quitter.

 

Epilogue

Bing’ai a fini par perdre sa maison, mais on n’a pas douté un instant de l’issue du conflit ; il faut juste ajouter qu’elle a, en tout et pour tout, reçu une indemnisation de 4 800 yuans, soit environ 450 euros…

 

 « Bing’ai » a été sélectionné dans plusieurs festivals dont celui de Nyon et celui des 3-Continents à Nantes ; il a été primé au festival de Yamagata et au festival de Hong Kong en 2007 et il a obtenu le Grand Prix du festival Punto de vista de Pampelune en février 2008.

 

 

Présentation du film

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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