Accueil Actualités Réalisation
Scénario
Films Acteurs Photo, Montage
Musique
Repères historiques Ressources documentaires
 
     
     
 

Films

 
 
 
     
 

« The Black Cannon Incident » : début en fanfare de Huang Jianxin

par Brigitte Duzan, 29 février 2012

 

« The Black Cannon Incident » (《黑炮事件》) est le premier film réalisé par Huang Jianxin (黄建新), au studio de Xi’an. Il le fut sous les auspices de Wu Tianming (吴天明) qui avait remarqué le jeune homme et l’avait choisi comme assistant pour son propre film, « La rivière sans balises » (没有航标的河流), en 1983.

 

Sorti en 1985, le film se fit aussitôt remarquer par son originalité, et fut même projeté hors compétition au festival de Cannes en 1987.

 

Le film est original à plus d’un titre, d’abord par le genre abordé, mais surtout par la manière dont il est traité.

 

Une comédie satirique

 

Le scénario fut adapté, par le scénariste Li Wei (李维), d’un roman de Zhang Xianliang

(张贤亮) intitulé « Le canon noir romantique »

(《浪漫的黑炮》) (1). Bien que divisé en douze

 

The Black Cannon Incident

chapitres, plus un introductif, ils sont très courts, et le récit est concis, sans détail superflu. C’est l’une des histoires les moins sombres de l’auteur, axée surtout sur la peinture de l’absurdité d’un système qui a eu des conséquences bien plus dramatiques que celles contées dans ce roman.

 

Un récit de l’absurde ambiant …

 

Le scénario reprend la narration au second chapitre, le premier, introductif, étant une sorte de profession de foi littéraire où Zhang Xianliang explique sa source d’inspiration : le réalité quotidienne. Ce qui n’est pas anodin : le récit qui va suivre est donc à considérer comme celui d’un cas ordinaire de la vie courante, et non comme une aberration passagère. La réalité de la vie chinoise est bien aussi absurde que cette histoire, signifie Zhang Xianliang.

 

Le roman commence en décrivant un homme débarquant dans un bureau de poste pour envoyer un télégramme : « Manque canon noir. 301. Chercher. Zhao ». Message sybillin qui lui vaut tout de suite un regard inquisiteur de l’employé des postes.

 

Montage de scènes

 

L’homme en question est Zhao Shuxin (赵书信), ingénieur, interprète et traducteur d’allemand dans une société minière. Ce télégramme va lui devoir des problèmes à la chaîne car son travail le met en contact avec des étrangers, et il est en particulier proche d’un ingénieur allemand qui vient négocier un contrat. Soupçonné d’espionnage, il va temporairement perdre son poste, remplacé par un interprète incapable qui va provoquer des catastrophes, jusqu’à ce que le directeur se rende compte que le canon noir du télégramme est une pièce d’échec.

 

Zhao Shuxin est en effet un célibataire solitaire dont la seule passion est de jouer aux échecs. C’est en disputant une partie avec son collègue allemand qu’il a égaré la fameuse pièce, dans la chambre 301 de l’hôtel où est descendu l’Allemand.

 

En fait, l’histoire est un peu celle de Zhang Xianliang, qui a été condamné comme droitier pour une raison aussi absurde que celle qui est à deux doigts de condamner son personnage dans son roman : parce qu’il avait écrit un poème intitulé « Le chant du grand vent » (《大风歌》) dans lequel certains virent un sens contre-révolutionnaire caché. Il passa ensuite vingt-deux ans en rééducation ou en prison.

 

transformé en satire sociale sur fond de pseudo film policier…

 

Dans le roman, l’auteur commence son récit d’un ton neutre, après avoir décidé au hasard de raconter l’histoire de cet homme descendu du bus, comme il aurait pu en choisir un autre.

 

Dans le film au contraire, l’atmosphère est dès l’abord menaçante : l’homme sort d’un taxi en pleine nuit, alors que se déchaîne un orage et que tombe une pluie diluvienne, la musique apportant dès l’abord un élément discordant. Le style est délibérément celui d’un film policier.

 

Un film d’une grande originalité stylistique

 

Le film tout entier est conçu dans un style résolument novateur, et frappe en particulier par l’utilisation des couleurs, par la construction et la bande-son.

 

Utilisation des couleurs

 

Huang Jianxin joue à fond la carte de la couleur comme facteur d’ambiance, au-delà de leur valeur symbolique. Son film est systématiquement construit sur quatre couleurs qui se répondent : rouge et jaune, opposées au noir et blanc.

 

L’omniprésence du rouge est celle du Parti dans la vie quotidienne : rideaux, nappes, voitures, murs, tapis et panneaux d’affichage. Dès la première séquence, quand Zhao Shuxin se précipite dans le bureau de poste, il se prend les pieds dans un parapluie … rouge : dès cet instant, la

 

Couleurs et composition

machine qui va tenter de le broyer est en place, symboliquement présente dans ce parapluie rouge sur lequel il trébuche. Le rouge est celui la Révolution, mais aussi couleur de la douleur et de la souffrance.

 

Jaune

 

L’envers du rouge, en quelque sorte, c’est le jaune, couleur chaleureuse du travail, de la réforme économique, de l’ardeur à vaincre les obstacles : jaune des casques du chantier, des vêtements de travail, des échafaudages. Il a fallu en rajouter, mais pourtant à aucun moment on n’en questionne le naturel, bien que le réalisateur ait opté souvent pour des lentilles. L’omniprésence du rouge et du jaune crée une impression d’univers uniformisé, vaguement obsessionnel.

 

Enfin, le noir est obscurité et mystère indéchiffrable : couleur des vêtements de Zhao Shuxin, et du canon manquant. Il accompagne souvent le blanc, couleur mortifère, car l’indéchiffrable entraîne condamnation : blanc immaculé de la salle et de la table de réunion où se joue le sort de Zhao Shulin, sous l’immense cadran noir et blanc qui compte les heures qui lui restent …. Il en ressort un sentiment d’angoisse.

 

 

La salle de réunion : blanc et noir

Palette renforcée par la ligne et le son

 

La construction de l’image en lignes droites vient renforcer l’idée de sort inéluctable, de société où tout est bien réglé : la courbe est interdite comme toute déviation de la ligne. La ligne peut devenir carré, se faire triangle, jamais s’incurver. En même temps, ces motifs géométriques, des bâtiments industriels, des machines, des immeubles, ce sont ceux de la modernité urbaine. Les couloirs eux-mêmes sont rectilignes. Il faut pouvoir avancer sans obstacle.

 

La bande son, cependant, apporte des stridences à cet univers bien ordonné, compromet cet ordre même. La musique d’entrée est une musique vaguement atonale qui va ensuite se fondre dans le grondement du tonnerre : impression dérangeante, inquiétante. Tous les bruits du film ont un niveau sonore parfois insupportable ; ils sont porteurs d’irritabilité, d’anxiété…

 

Il est étonnant que ce film soit ainsi tombé dans l’oubli. Sans doute parce que Huang Jianxin s’est ensuite peu à peu tourné vers des comédies beaucoup plus mainstream, et qu’on a peut-être retenu du film l’élément satirique qui caractérise le reste de son œuvre, en oubliant la recherche stylistique.

 

Le film

 

Note sur l’acteur principal

 

Liu Zifeng

 

L’acteur qui interprète le rôle de Zhao Shulin, Liu Zifeng (刘子枫), a été couronné du Coq d’or du meilleur acteur en 1986. Ce n’est pas par hasard. Il a raconté que, quand il a lu le scénario, il en fut ému aux larmes : il se sentait beaucoup de points communs avec le personnage.

 

Il était sorti en 1963 de l’Institut d’Art dramatique de Shanghai et avait donc commencé sa carrière vingt ans auparavant, mais avait surtout joué au théâtre. Il interprétait surtout des rôles de personnages éduqués, professeurs, médecins et autres, en ce sens Zhao Shulin n’était pas une exception. En même temps, c’était un personnage introverti, solitaire et peu disert, nécessitant une grande expressivité pour rendre ses sentiments intérieurs. Liu Zifeng y parvient plusieurs fois par un simple sourire, qui prend chaque fois une expression différente.

 

(1) Sur Zhang Xianliang, voir : www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_ZhangXianliang.htm

 

 

Note explicative sur le jeu d’échecs

 

Jeu d’échecs en début de partie, avec les deux canons sur la ligne du milieu

 

Le canon noir est une pièce du jeu d’échecs chinois, appelé xiangqi (象棋).  Il se joue sur un tableau rectangulaire, de neuf lignes de large sur dix de long, et avec seize pièces par joueur, pièces qui sont placées aux intersections des lignes. Les deux camps opposés, rouges et noirs, sont séparés par une ‘rivière’ qui limite les déplacements autorisés.

 

Les pièces rouges et noires ne sont pas représentées par les mêmes idéogrammes. Le canon noir est représenté par le caractère pào,tandis que le canon rouge est représenté par la forme simplifiée .

 

 

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Qui sommes-nous ? - Objectifs et mode d’emploi - Contactez-nous - Liens

 

© ChineseMovies.com.fr. Tous droits réservés.

Conception et réalisation : ZHANG Xiaoqiu