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La trilogie documentaire de Ju Anqi : portraits de la société chinoise sous des angles insolites

par Brigitte Duzan, 6 mai 2013 

 

« Nuit de Chine » (《中国之夜》) est sans doute le documentaire le plus connu de Ju Anqi (雎安奇). Produit par ARTE (1), il a été couronné du prix "SRG SSR idée suisse" (2) lors du 14ème festival « Visions du réel » de Nyon, fin avril 2008. Le dossier de presse le décrit comme un « tableau délicat et désabusé d’une Chine urbaine qui a perdu ses racines ». Ce n’est pas en soi un thème très original dans le cinéma chinois, ni en 2008 ni de nos jours.

 

Nuit de Chine

Ce qui est original, c’est la façon dont il a été réalisé.

 

C’est à partir de rencontres diverses, au hasard, dans les rues, la nuit, que le film a pris forme. Il y a de tout, outre les inévitables chauffeurs de taxi, parmi les individus que la caméra a choisis : des balayeurs de rues, des apiculteurs, un universitaire désabusé qui coud des chaussures pour vivre, des nomades mongols, une famille tibétaine qui sort dans l’obscurité une icône du dalaï lama pour le prier tranquillement. Il y a ceux qui travaillent et ceux qui dorment, ceux qui luttent et ceux qui ont cessé de le faire, ceux qui voyagent et ceux qui meurent. Il y a quelques entretiens directs, voire insolents (y compris dans les toilettes publiques). Et au total, tout cela donne une image saisissante et pleine d’émotion autant que de poésie d’une Chine aux mille facettes unifiées par le miracle de la nuit, un tableau virtuel de la société chinoise moderne.

 

Il y a beaucoup de vent à Pékin

 

Ce qu’on oublie souvent de dire, c’est que ce n’est pas une œuvre isolée. Il s’agit en fait de la troisième partie d’une trilogie documentaire commencée en 1999 avec un film qui a fait l’effet d’un ovni et n’a pas cessé de susciter l’étonnement depuis qu’il est sorti : « Il y a beaucoup de vent à Pékin » (《北京的风很大》). Présenté au 50ème festival de Berlin en février 2000, le film a tout de suite assuré un début de notoriété internationale à Ju Anqi.

 

Le titre en soi est déjà assez saugrenu, mais ce qui l’est plus encore, c’est que c’est la seule et simple question posée tout au long du film aux gens de toutes sortes rencontrés dans la rue : est-ce qu’il y a beaucoup de vent à Pékin ? Ju Anqi a expliqué qu’il a choisi cette question parce que le vent est un élément intangible et évanescent qui suscite le rêve, insuffle des idées, porte l’imagination, mais peut aussi se révéler une force destructrice ; il peut donc

s’adapter à de multiples réponses en fonction de chacun des interlocuteurs. Mais c’est aussi une question dénuée de toute connotation politique, ce qui aurait tout de suite bloqué la communication, dans un pays où les gens sont habitués à refouler toute spontanéité dès que l’on aborde des sujets politiques ou historiques.

 

Certaines personnes ont évidemment traité le réalisateur de fou, mais la plupart des gens se sont pris au jeu et le résultat est un petit chef d’œuvre d’introspection, d’humour, d’analyse de sentiments, de déclarations de toutes sortes qui construisent un kaléidoscope de personnalités diverses, un peu comme dans « Nuit de Chine », mais par un autre biais. Le film donne un condensé sidérant d’une ville en totale mutation, à la veille de célébrer le cinquantième anniversaire de la fondation de la République populaire.

                             

Dans la seconde partie du film, cependant, la caméra s’attache à une seule famille, venue de la campagne, dont l’enfant, atteint d’une leucémie, doit être hospitalisé, mais qui n’a pas l’argent pour payer le traitement. La caméra les suit à l’hôpital, mais, à partir de là, le cinéaste cesse de poser des questions. Ju Anqi a expliqué qu’il n’avait pas prémédité ces séquences finales, simplement, alors qu’il venait de tourner une bonne demi-journée et était en train de se reposer, il avait entendu une femme pleurer, c’était un pur hasard… Le film atteint là une intensité dramatique au-delà d’un scénario de fiction, mais aussi les limites de cette sorte de cinéma-vérité : la totalité de la pellicule a été conservée au montage, il n’y a aucune volonté d’atténuer le choc des images. Il est certain qu’il y a là une force étonnante pour un réalisateur qui n’avait alors que 24 ans.

 

 

Couettes

 

 

Quant au deuxième volet de la trilogie, présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal en novembre 2004, il s’appelle « Couettes » (《被子》). C’est un long métrage, mais réalisé en DV. Là encore, l’idée initiale est des plus originales : «Une bonne couette fournit de la chaleur et de l’enthousiasme dans la vie.» Le film prend donc comme point de départ la tendre affection qu’ont les Chinois pour leurs couettes, afin de dresser un portrait éclaté et révélateur de la société chinoise au début du deuxième millénaire.

 

Il y a des dizaines de modèles et de sortes de couettes en Chine: celles qui conviennent aux mariages ou aux enterrements, celles que l’on utilise en voyage, en train ou en bus, celles conçues pour les étudiants et les militaires, celles faites à la maison étant les plus précieuses. L’équipe du film a quadrillé la Chine, prétexte à en filmer les paysages superbes, finissant par rassembler une série de témoignages fascinants, parfois drôles et parfois personnels, reflétant la vie de tous les jours, les mœurs et le respect des traditions. Même la couette du président Mao n’est pas oubliée, couette toute simple, bien sûr, mais toujours objet de culte.

 

 

Note

(1) Il a en fait été remonté par Mary Stephen à partir d’une version plus longue, pour le mettre au format ARTE, c’est-à-dire 53’. Il a été diffusé en juillet 2008 sur la chaîne, et également projeté en mai au MK2 Quai de Loire à Paris.

(2) Le prix est décerné par la société suisse de radiodiffusion et télévision, SRG SSR.

 

 

 

 

 
 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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