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 « Silver Bird and Rainbow Fish » de Lei Lei :

 la Chine des années 1950 et 1960 contée en images vivantes et colorées

par Brigitte Duzan, 24 février 2023

 

 

Silver Bird and Rainbow Fish

 

 

« Silver Bird and Rainbow Fish » (《第二个和第三个妈妈) est le premier long métrage de Lei Lei (雷磊), un film documentaire, mais traité en film d’animation de manière très originale : en calquant les figures animées sur un arrière-plan de vieilles photos et affiches de propagande, collages surréalistes illustrant l’histoire de sa famille, contée par bribes par le père du cinéaste, Lei Jiaqi (雷嘉琦), répondant en voix off aux questions de son fils.

 

Bribes d’histoire familiale contées en voix off

 

Lei Lei livre l’histoire de sa famille à travers ce qu’en raconte son père, qui avait 4 ans quand son propre père, Lei Ting, a été obligé d’aller travailler à la campagne. Il travaillait dans une banque, dans la « vieille société » ; il était donc un mauvais élément, obligé de travailler dix fois plus que les paysans-soldats pour montrer que lui aussi participait à l’effort de développement national.

 

La mère meurt en l’absence du père – malade, elle avait l’air âgée déjà à quarante ans, dit la voix du narrateur ; le père revient juste pour l’enterrement, après quoi il doit mettre l’enfant et sa petite sœur dans un orphelinat (l’aînée étant dans une école d’aviation) car il doit repartir et n’a personne pour s’en occuper. C’est alors qu’un poisson arc-en-ciel se transforme en femme pour venir aider la famille. Jiaqi apprend que c’est sa nouvelle maman. Il se souvient des plats délicieux qu’elle cuisinait.

 

 

 

 

Après une introduction qui nous met dans l’ambiance des années 1950 en feuilletant un vieil album de photos, le film est divisé en plusieurs parties datées :

-          1959 : l’oiseau d’argent

-          1966 : les sœurs, Perle et Jade

-          1967 : l’enfant qui chante

-          1972 : l’homme sans ailes

-          1985 :  moi

 

La mémoire du père, cependant, est fragmentaire. C’est une mémoire sélective, d’événements personnels qui l’ont marqué : la mort de sa mère, l’absence du père envoyé travailler à la campagne, son expérience de l’orphelinat comme un oiseau dans une cage, l’énormité des fruits (sur les affiches) au moment du Grand Bond en avant, la Révolution culturelle comme un joyeux défilé avec des petits drapeaux colorés, l’enfant, à la campagne, apprenant l’Internationale à ses copains, puis rentrant tout excité dans la nuit, tombant à l’eau en traversant un pont et repêché in extremis, le cinéma en plein air projetant des images où l’on reconnaît le film « Le Singe Sun Wukong se battant contre la démone aux os blancs » (《孙悟空三打白骨精》).

 

 

Papa, maman, ma sœur et moi (sur fond de ciel de tempête)

 

 

À travers les lignes et les images se dessine une enfance faite de drames personnels commençant avec la mort de la mère et l’envoi du père à la campagne. Quand la deuxième mère se casse un poignet, au début de la Révolution culturelle, le père n’est pas autorisé à rentrer l’aider et s’occuper des enfants ; il ne sera libéré et autorisé à rentrer chez lui qu’en 1972. La mère doit se débrouiller toute seule. Le film est comme un hommage aux mères, le titre chinois signifie « la deuxième et la troisième mère ».

 

C’est l’envers du décor. On est quand même étonné que rien ne soit dit de la Grande Famine. Mais doit-on s’en étonner ?

 

Une histoire illustrée en images colorées

 

Ce n’est cependant pas un documentaire classique à la manière de ceux du Villager Documentary Project de Wu Wenguang (吴文光).

 

Les voix, se répondant, disent l’histoire tandis qu’elle se déploie en images animées colorées sur fond de photos d’époque en noir et blanc, voire des paysages en couleur : photos de famille, mais aussi photos d’archives, cartes postales, affiches de propagande et même vieux films que Lei Lei a passé six ans à rassembler. On voit ainsi les personnages animés se mouvoir sur ce fond anonyme, la petite histoire familiale se détachant de la grande, les anecdotes du père donnant vie aux événements historiques. Mais ceux-ci n’ont rien de ronflant, même les flonflons éventuels de la bande-son sont à peine audibles, comme à travers les brumes du souvenir.

 

 

Mère et fils

 

 

Par ailleurs, Lei Lei a ajouté à l’animation un élément supplémentaire qui gomme l’aspect réel des personnages : le film part des photos de l’album familial, mais les visages sont remplacés par des figures en pâte modelée aux couleurs vives. L’histoire familiale dépasse ainsi l’aspect anecdotique et prend valeur symbolique ; ce n’est plus simplement l’histoire de la famille Lei : bien qu’étant une « histoire spéciale », comme dit Lei Jiaqi, c’est aussi l’histoire de toute la Chine, pendant cette période sombre, celle aussi de toute famille victime des diktats et de la violence d’un régime autoritaire. D’ailleurs, à la fin du film, le réalisateur demande à son père si le visage de la mère est ressemblant. Pas du tout, répond le père, elle était bien plus jolie. Lei Lei en a fait une mère où chacun peut reconnaître la sienne comme il peut se reconnaître dans les histoires familiales que raconte le père.

 

 

Animation en couleur et images d’archives en noir et blanc

 

 

En l’absence d’histoire officielle autre que fabriquée pour la gloire du Parti, ces histoires familiales forment la mémoire du peuple, qu’il importe de préserver, et elles ne peuvent l’être qu’en reconstituant les images si on ne veut pas se contenter de filmer le narrateur évoquant ses souvenirs comme Wang Bing (王兵). Les longueurs elles-mêmes, ressenties ici et là, font partie de l’évocation de souvenirs devenus lancinants, ou ce qu’il en reste.

 

« Silver Bird and Rainbow Fish » est une production d’Isabelle Glachant et Chinese Shadows, Asian Shadows assurant les ventes internationales. Après le festival Visions du Réel de Nyons en avril 2022, le film était en compétition au festival d’Annecy en juin, puis dans un grand nombre de festivals y compris celui du Golden Horse à Taipei fin 2022. Il était encore sélectionné à Paris lors de la 5e édition du festival du cinéma d’auteur chinois en février 2023.

 

Bande annonce

 

     

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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