Réalisé
par
Lü Yue (吕乐)
en 2006, « Thirteen
Princess Trees » (《十三棵泡桐》)
a obtenu cette année-là le prix spécial du Jury au
festival de Tokyo.
C’est un
film signé d’un excellent chef opérateur venu tard à
la mise en scène, qui a montré toute l’étendue de
son talent dans ses trois films précédents en tant
que réalisateur. Mais « Thirteen Princess
Trees » a été mutilé par la censure au point qu’il
est difficile d’imaginer ce que
le film aurait pu être.
Adaptation
d’une œuvre sur les problèmes de l’adolescence
Le film est
une adaptation d’un roman d’un écrivain de Chengdu,
He Dacao (何大草).
Après avoir fait des études d’histoire à
l’université du Sichuan, de 1979 à 1983, il a
travaillé comme journaliste pendant seize ans, ce
qui l’a rendu particulièrement sensible aux
problèmes sociaux.
Thirteen Princess
Trees
Le roman dont Lü
Yue s’est inspiré, intitulé « Couteau et couteau » (《刀子和刀子》), décrit un groupe de jeunes « à problèmes » d’un collège imaginaire de
Chengdu dont le nom a donné le titre du film. Le personnage
principal est une adolescente rebelle dont les objets
fétiches sont deux couteaux avec lesquels elle joue en
permanence, d’où le titre du roman. Quant aux autres dans la
classe, ils sont tous dans des relations conflictuelles, et
vivent dans un climat de violence permanent qui commence
chez eux. Le roman a été comparé à celui de J. D. Salinger
« Catcher in the Rye ».
Hefeng
Le film
reprend la trame du roman et en donne l’ambiance dès
la première séquence en campant le personnage
principal : cheveux courts hirsutes, jeans et battle
boots, la jeune Hefeng (何凤)
se fait rosser par son père, un policier violent.
Elle est amoureuse d’un garçon de sa classe, Taotao
(陶陶),
qui semble cependant plus attiré par Eva (伊娃),
la bonne élève de la classe, sérieuse mais
distante : elle a une prothèse à une jambe. Hefeng
est par ailleurs l’objet des assiduités du chef de
classe, Zhuzhu (朱朱).
Tout ce petit
monde vit cependant dans un certain équilibre, qui vole en
éclat quand débarque un nouveau collégien venu de Pékin, Bao
(包).
Non seulement il s’en prend au fils de famille aisée de la
classe, Ali (阿利),
que Taotao a pris sous son aile, mais il attire la jeune
Hefeng. Tout laisse prévoir un dénouement violent, qui
constitue la séquence introductive du film, le reste suivant
en flash-back.
Le film est
remarquablement interprété par de jeunes acteurs de
seize/dix-sept ans qui jouaient pour la première fois au
cinéma, et semblent interpréter leur propre personnage.
Il est cependant
légèrement décousu, mais, surtout, représente un version
édulcorée du roman, la violence – sociale et familiale - qui
en est une partie intrinsèque étant gommée, ainsi que tout
ce qui touche à la sexualité des adolescents, homosexuelle
en particulier.
Une
œuvre mutilée
Les principales
scènes controversées ont été interdites avant même le
tournage du film. Mais la censure a de nouveau frappé lors
de la sortie du film en Chine : celle-ci avait été prévue
pour mars 2007, et a été repoussée au dernier moment. Le
distributeur, Forbidden City Films, a invoqué des problèmes
techniques liés au passage du numérique au format 35mm, pour
que le film puisse être mieux distribué. Le film n’est sorti
qu’à l’été, dans la torpeur estivale. Il n’a eu aucun succès
malgré le prix décerné par le jury du festival de Tokyo.
Même le titre a été
changé : il était à l’origine « P.T.S.Z.X », c’est-à-dire
les initiales de la transcription pinyin du nom du
collège : Pāotóngshù Zhōngxué pour
泡桐树中学
(ou collège Pawlonia). Ce sont les initiales qui figurent
sur le dos des uniformes des enfants, comme sur des
uniformes de prison. Cela n’a pas été accepté.
Il reste une œuvre
imparfaite sur laquelle plane l’ombre de la censure.
Quelques éclats de violence ont été conservés, mais la
séquence initiale, par exemple, où Hefeng est battue par son
père, semble presque incongrue. Quant à la description des
rapports sexuels entre professeurs et élèves, qui formait
une bonne part du roman de He Dacao, elle a disparu dans le
film, à part une séquence où Taotao va rendre visite à l’une
des enseignants ; ne subsistent dans l’ensemble que de
vagues allusions, dans le regard tout au plus.
On pourrait dire
que le film joue sur l’allusion, justement, et y gagne en
finesse. Ce n’est pas le cas car il est légèrement décousu :
on sent que des séquences ont dû être coupées et que le
résultat final ne répond pas à l’intention initiale. On ne
saura malheureusement jamais exactement ce qu’elle était…
Il reste quelques
belles séquences, de très belles images, et la musique de
Liu Sola (刘索拉),
artiste protéiforme et inclassable, écrivain et musicienne,
auteur en particulier d’opéras : elle signe ici une superbe
partition qui semble méditer gravement sur le film…
Le film (avec
sous-titres chinois), en dix parties d’une dizaine de
minutes