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« Walker » de Tsai Ming-liang : éloge de la lenteur

par Brigitte Duzan, 09 juin 2012

 

« Walker » (《行者》) est un court métrage de Tsai Ming-liang (蔡明亮) qui a été présenté en clôture de la Semaine de la Critique au festival de Cannes, le 24 mai 2012.

 

C’est aussi l’un des films de la série intitulée « Beautiful 2012 » (美好2012”), initiée par le site de cinéma en ligne youku (优酷), et produite par la société de production du festival de Hong Kong. Il est en accès libre sur youku depuis la fin du mois de mars, et a suscité un grand intérêt : plus de dix mille commentaires le premier mois, la plupart pour critiquer l’a priori de lenteur du réalisateur, ou au contraire le louer.

 

Ce n’est cependant qu’un aspect d’un film qui est en fait une pause dans la trépidation de la

 

Walker

vie moderne dans une grande ville, et une réflexion à la faveur de cette pause.

 

Réflexion incarnée

 

La première séquence nous laisse apercevoir, dans le mince espace d’un couloir donnant sur une rue, un homme de dos, vêtu d’une longue robe rouge, qui descend les quelques marches qui le séparent encore du trottoir devant lui. Il progresse à la vitesse d’un lémurien, chaque pas semblant le résultat d’un effort laborieusement concerté.

 

La séquence suivante le montre dans la rue, quelques infinis instants plus tard, poursuivant son avance infinitésimale, la tête penchée vers le sol, comme pour mieux concentrer son attention sur le pied provisoirement tendu, amorçant un mouvement savamment décomposé. C’est une volonté d’extrême concentration qui conditionne le détachement.

 

Il y a ainsi dix-neuf séquences au total, qui font vingt avec le générique final : comme une série de scènes le long d’un chemin de croix, avec ce point rouge impavide au milieu de la foule, des voitures, des bus et des trams.

On dirait un saint portant des emblèmes dérisoires : un sac de plastique d’une main, un beignet de l’autre, dans lequel il va croquer au bout de vingt cinq minutes, avec la même lenteur calculée.

 

On dirait un moine, bien sûr, robe rouge et crâne rasé, mais la robe a des plis superbes, savamment drapés, de statue sulpicienne : c’est bien plus un fruit de l’imagination de Tsai Ming-liang, une figure emblématique émanant  de sa réflexion, mais aussi de son cinéma, les deux ne faisant plus qu’un, sous les traits de son double et fétiche, Lee Kang-sheng.

 

Beauté dans la lenteur

 

Cette lenteur calculée, mesurée, comme immanente, finit par exercer un véritable pouvoir de fascination ; on se sent gagné par le sentiment d’absolue nécessité du geste du marcheur, et l’on comprend que Tsai Ming-liang a gagné son pari, l’excès même de lenteur attirant l’attention sur la rareté qu’elle est devenue dans notre monde urbain, rareté à préserver précieusement comme on conserve des reliques.

 

Dernière séquence, gros plan

 

Ce n’est pas, a commenté le réalisateur, que le film est trop lent, c’est que nous avons pris l’habitude d’aller trop vite. Ce n’est pas qu’il est ennuyeux, c’est que nous sommes habitués à être éblouis par la fulgurance d’images trop rapides ; elles nous entraînent et nous nous laissons conduire sans réfléchir. Il y a donc un problème de rythme à reconsidérer.

 

C’est Hong Kong qui est le cadre urbain de référence, avec deux sites aisément identifiables : Mong Kok, à Kowloon, et Causeway Bay, zone sans doute la plus grouillante de Hong Kong, où l’homme devient centre d’attention de regards étonnés, mais à peine. La ville est prise dans une dimension symbolique, mais pas seulement : tout habitant peut s’y reconnaître.

 

Hommage à Hong Kong

 

Le film est un hommage à Hong Kong, avec un clin d’œil à son cinéma populaire, omniprésent avec la publicité géante en pleine rue du film « Le prince au cheval noir » (黑马王子) et son interprète principal et symbolique, Andy Lau (刘德华). Les rues mêmes deviennent décor.

 

Le film se termine d’ailleurs par un autre clin d’œil : la chanson qui accompagne le générique final, à laquelle personne n’a semblé prêter grande attention, mais qui donne en fait un cadre et une ouverture inattendue à la réflexion du réalisateur. C’est une chanson cantonaise de 1974, d’un acteur et chanteur légendaire, la star du cantopop Sam Hui (许冠杰).

 

Elle s’intitule « Une rivière coupe l’horizon » ( 一水隔天涯), et c’était à l’origine une chanson pleine d’humour disant que l’argent est roi, que sans argent pas d’amour, etc… Les paroles du film sont légèrement différentes :

Si une rivière divise le pays en deux,

ceux qui n’ont rien sont du côté des malheureux,

Sans richesse, tout n’est que songe…

Le bonheur ne va pas avec la faim…

Ceux qui ont la richesse sont du côté des gens heureux.

Le long de la rivière qui divise le pays,

C’est à toi de voir de quel côté tu veux être.

 

Du coup, le film prend une signification plus profonde, que Tsai Ming-liang a glissée ainsi in extremis, en souriant…

 

 

Le film sur youku

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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