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Lu
Chuan et Feng Xiaogang en concurrence directe sur les écrans
chinois
par Brigitte
Duzan, 1er décembre 2012
Les deux
derniers films de Lu Chuan
(陆川)
et
Feng Xiaogang (冯小刚) sont
sortis simultanément le jeudi 29 novembre sur les
écrans chinois - « The Last
Supper » (《王的盛宴》)
pour le premier,
« Back
to 1942 » (《一九四二》)
pour le second - tous deux
après avoir vécu des atermoiements semblables en fin
de course : leur sortie avait été initialement
prévue pour la fin de l’été.
Les
commentaires vont bon train sur les mérites
respectifs des deux films, leurs ressemblances et
différences, et leurs chances de réussite auprès du
public, matérialisée en termes de recettes sonnantes
et trébuchantes.
Les deux
films n’ont a priori pas grand-chose en commun. L’un
s’inspire d’un épisode extrêmement connu et quasi
légendaire de l’histoire chinoise : le banquet de
Hongmen (“鸿门宴”),
qui, en 206 avant Jésus-Christ, scella le sort de
Xiang Yu (项羽),
rival malheureux de Liu Bang (刘邦),
fondateur ensuite de la dynastie des Han.
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The Last Supper |

Back to 1942 |
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Le film de Feng Xiaogang, en revanche, illustre un
événement de l’histoire chinoise récente, tragique
mais méconnu : la sécheresse qui fit en 1942 trois
millions de morts au Henan. Ici, pas d’histoire
formatée et normée, juste un récit de Liu Zhenyun (刘震云)
basé sur quelques
documents et des interviews de témoins encore
vivants.
Les deux films se rejoignent pourtant sur bien des
points. Il s’agit en fait de deux histoires de
survie, ou deux réflexions sur la survie :
survie des
élites en temps de crise et survie du peuple en
temps de famine. Ce sont aussi deux sujets qui
traitent de la faim, d’une certaine manière : faim
de pouvoir, et désir du superflu, quand on est
rassasié, faim matérielle, fondamentale, quand on
n’a rien à manger.
Les deux
films sont en réalité complémentaires. Malgré une
publicité officielle |
privilégiant
« Back
to 1942 » (1),
au vu des
résultats du premier jour d’exploitation en salles, ils ont
un succès à peu près égal, le film de Feng Xiaogang
affichant des recettes supérieures parce que les salles IMAX
lui ont été réservées, après le retrait du film d’Ang Lee (李安)
« Life of Pi » (《少年派》).
Il est intéressant,
cependant, de noter les différences d’audience de chacun des
films : Feng Xiaogang est maintenant une référence auprès du
grand public qui court voir ses films sans l’ombre d’une
hésitation, « Aftershock » ayant créé comme une marque
déposée. Lu Chuan draîne plutôt son public dans les classes
jeunes et plus intellectuelles du public chinois, étudiants
et jeunes cols blancs. Il est significatif de l’évolution de
la société chinoise de voir ces deux publics équilibrer leur
poids dans les statistiques d’entrées de ces deux films.
(1) En particulier,
on cherche vainement un article sur le film de Lu Chuan dans
le site officiel du cinéma chinois, Chinese Films… La sortie
du dernier James Bond a même été repoussée au mois de
janvier pour ne pas encombrer les écrans.
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